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Billet de blog 23 juin 2023

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Arrestations arbitraires, centres de rétention : stop aux listes de proscription de Darmanin

Introduit en 2014 pour prévenir les attaques terroristes sur le sol français, les interdictions administratives de territoire font désormais partie des armes mobilisées par le gouvernement pour gérer l'ordre public. Leur banalisation dans la chasse aux militant·e·s des mouvements sociaux inquiète grandement, car elle associe les luttes sociales et écologistes à des activités terroristes.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mardi 6 juin, quelques heures avant la manifestation contre la réforme des retraites et à plusieurs kilomètres du parcours du cortège, cinq militant.e.s antifascistes italien.ne.s sont interpellé.e.s par la police française et conduit.e.s dans un commissariat de la capitale. C'est à ce moment-là que trois d'entre elles/eux découvrent qu'ils/elles font l'objet d'une I.A.T. (Interdiction administrative de territoire). Le dispositif mis en place est particulièrement inquiétant, puisqu'il est émis directement par le ministre de l'Intérieur, c'est-à-dire soutenu par la seule volonté politique du gouvernement, sans aucun contrepoids juridique.

L'utilisation de cette I.A.T. par le ministre de l’intérieur visait à empêcher la participation aux journées de mobilisation antifasciste convoquées à l'occasion du dixième anniversaire de l'assassinat de Clément Méric, dont le cortège syndical du 6 juin constituait le point d’aboutissement. Cette mesure répressive a été revendiquée par Gérald Darmanin lui-même, qui a annoncé sur les réseaux sociaux avoir prononcé dix-sept I.A.T. à l'encontre de militants venus de l’étranger.

Les trois militant.e.s italien.ne.s - bien qu'ils/elles disposaient d’un billet pour rentrer en Italie le lendemain - ont été transféré.e.s dans deux C.R.A. (Centre de rétention administrative) de la banlieue parisienne. Après deux nuits en détention, ils/elles ont été libéré.e.s et invité.e.s à quitter le pays “par leurs propres moyens”, en exécution de l'I.A.T. Dans le papier adressé au juge des libertés et de la détention avant l'audience, la police française a également indiqué que le dossier était "suivi de près par le ministre de l'intérieur".

Pour plus de détails sur les modalités de leur arrestation, nous renvoyons au communiqué rédigé par les trois militant.e.s en question, auquel nous souscrivons intégralement.

L’emploi de l’I.A.T. pour envoyer en centre de rétention et expulser des personnes considérées comme dangereuses pour l'ordre public n’est pas un phénomène nouveau. En effet, ce n’est pas la première fois que des militant.e.s européen.ne.s sont incarcéré.e.s dans les C.R.A. français, au mépris de toute norme de l’UE. Cependant, c'est la massification exponentielle de cette procedure pour s'attaquer aux militant.e.s de gauche qui inquiète tout particulièrement. Le ministère de l'Intérieur a récemment multiplié l'utilisation combinée de l'I.A.T. et de la détention dans les C.R.A. à l’encontre d’opposants politiques.

Introduit en 2014 pour prévenir les attaques terroristes sur le sol français, les I.A.T. font désormais partie des armes mobilisées par le gouvernement pour gérer l'ordre public. En effet, après les événements du 6 juin, Darmanin a prononcé 107 I.A.T. à l'occasion de la mobilisation contre le TGV Turin-Lyon, organisée en Vallée de la Maurienne le samedi 17 juin par le mouvement italien NO-TAV,  les Soulèvements de la Terre, Sud-Rail, Vivre et Agir en Maurienne et la Confédération Paysanne. Leur banalisation dans la chasse aux militant.e.s des mouvements sociaux inquiète grandement, car elle associe les luttes sociales et écologiques à des activités terroristes. 

S'agissant d'une procédure administrative, qui ne sanctionne aucun délit, cette pratique implique de nombreuses passages en force juridiques, particulièrement évidents dans le cas des trois militant.e.s italien.ne.s arrêté.e.s le 6 juin : comme par exemple la notification seulement après l'arrestation, et la durée anormale et ciblée de la mesure (10 jours). Dans ce contexte, la détention dans un C.R.A. est d’ailleurs totalement illégale, comme l'a souligné la juge des libertés elle-même au moment de la libération des trois italien.ne.s. Dans ce cas, le C.R.A. a tenu lieu de véritable prison improvisée. 

Les raisons de cette généralisation des I.A.T. sont essentiellement politiques. Car cette mesure est prononcée directement par le ministère de l'Intérieur, sur la base d'un échange de renseignements avec les autorités des autres pays européens -  en l'occurrence avec le gouvernement d'extrême droite de Giorgia Meloni. Cette coopération donne lieu à d'authentiques “listes de proscription”, justifiant des arrestations arbitraires et l’enfermement préventif de dizaines de militant.e.s. En clair, le ministre de l'Intérieur utilise un instrument conçu pour la lutte anti-terroriste afin d'empêcher la participation aux mobilisations et de procéder à des déportations illégales vers des centres de rétention. 

Ces pratiques ont aussi pour but d’intimider les militant.e.s, de criminaliser la solidarité internationale et de suspendre le droit à la libre circulation ainsi que celui de manifester au sein de l'Union européenne. Il s'agit de mesures policières visant à imposer des régimes d'arrestation et d’expulsion semi-légaux, qui révèlent des tendances inquiétantes au niveau national et international.


Après les pressions adressées par G. Darmanin à la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) et la tentative de dissolution des Soulèvements de la terre, il s'agit d'une énième démonstration de l'involution autoritaire de la France sous la présidence d’Emmanuel Macron, parfaitement en phase avec le processus de fascisation de l'espace européen.

Nous demandons alors :

- l'arrêt immédiat de l'usage des I.A.T. contre les opposants politiques
- l'arrêt des arrestations arbitraires et la fermeture des C.R.A.
- la liberté de mouvement pour toutes et tous

Pour la solidarité internationale des luttes.

Premiers signataires :

Thomas Allen, Département du monde anglophone, Université Paris Nanterre
Eric Alliez, philosophe, Université Paris 8
Gabriel Amard, Député du Rhône
Ségolène Amiot, Députée de Loire-Atlantique
Andrea Angelini, Université Paris 8
Quentin Ariès, journalistes à Ereb
Guillaume Arnaud, avocat
Étienne Balibar, philosophe
Ludovine Bantigny, historienne
Alexis Baudelin, avocat
Amaël Beauvallet, avocate
Alice Becker, avocate
Carlotta Benvegnù, Université Évry
Ugo Bernalicis, Député du nord
Christophe Bex, Député de Haute-Garonne
Jacques Bidet, philosophe
John Bingham, avocat
Manuel Bompard, Député des Bouches-du-Rhône
Emilie Bonvarlet, avocate
Francesco Brancaccio, Université Paris 8
Vincent Brengarth, avocat
Eugene Brennan, University of London Institue in Paris
Téo Cazenaves, journaliste
Chloé Chalot, avocate
Adeline Chevrier Bosseau, Université Paris I Sorbonne
Michèle Cohen-Halimi, Professeure des Universités de l’Université Paris 8
Eric Coquerel, Député de Seine-Saint-Denis
Alexic Cukier, Université Poitiers
Chris Den Hond, journaliste, OrientXXI
Andrea Di Gesu, Université Paris I
Francesca Festa, journalistes à Ereb
Jackqueline Frost, University of London Institue in Paris
David Gaborieau, Université Paris 5
Perceval Gaillard, Député de la Réunion
Davide Gallo Lassere, University of London Institute in Paris
Isabelle Garo, enseignante, philosophe
Marie Geoffroy, avocate
Inès Giacometti, avocate
Paul Guillibert, Université de Namur
David Guiraud, Député du Nord
Ninon Grangé, enseignante-chercheuse Université Paris 8
Ludovic Henry, journaliste indépendant
Orazio Irrera, Université Paris 8
Laurent Jeanpierre, Université Paris I
Fayçal Kalaf, avocat
Andy Kerbrat, Député de Loire-Atlantique
Amid Khallouf, avocat
Théophile Kouamouo, redacteur en chef de Le Média
Stathis Kouvélakis, philosophe
Bastien Lachaud, Député de Seine-Saint-Denis
Maxime Laisney, Député de Seine-et-Marne
Christian Laval, Professeur Emérite de sociologie, Université Paris Ouest Nanterre
Ninon Le Moal Renaudeau, avocate
Jérôme Legave, Député de Seine-Saint-Denis
Sarah Legrain, Députée de Paris
Murielle Lepvraud, Députée des Côtes-d’Armor
Alexandre Maeste, avocate
Pascale Martin, Députée de Dordogne
Marina Mesure, députée européenne
Servane Meyniard, avocate
Marie Milly, avocate
Mathieu Molard, rédacteur en chef de StreetPress.com
Filippo Ortona, journaliste
Nathalie Oziol, Députée de l’Hérault
Luca Paltrinieri, Université de Rennes I
Mathilde Panot, députée, présidente du groupe LFI-NUPES à l'Assemblée Nationale
Matteo Polleri, Université Paris Nanterre
Thomas Portes, deputé Seine Saint-Denis
Hanna Rajbenbach, avocate
Matthieu Renault, Université de Toulouse
Lune Riboni, enseignante, Université Paris 8
Aurélien Saintoul, Député des Hauts-de-Seine
Shela Sheik, University of London Institute in Paris
Guillaume Silbertin-Blanc, Université Paris 8
Danielle Simonnet, députée de Paris
Ersilia Soudais, Députée de Seine-et-Marne
Alessandro Stella, directeur de recherche CNRS/EHESS
Eliot Sourty, avocat
Boulomsouk Svadphaiphane, autrice, réalisatrice, photographe, artiste
Camille Vannier, avocate
Paul Vannier, Député du Val De l’Oise
Clément Verdeil, avocat
Carlo Vercellone, Université Paris 8
Françoise Vergès, écrivaine, essayste, militante décoloniale
Léo Walter, Député des Alpes-de-Haute-Provence
Barbara Zauli, Docteure en Philosophie Université de Paris 8

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