Nous, adolescentes, jeunes femmes et personnes LGBTQ+, nous dressons contre le climat d’impunité qui règne depuis la nomination de Gérald Darmanin à la tête du ministère de l’Intérieur.
Nous avons honte de ce pays qui n’entend pas la parole des millions de citoyennes et citoyens qui le composent. Un pays où 93 000 femmes sont victimes de viols ou de tentative de viol par an et où 57% des viols sont commis sur des personnes mineures. Nous avons honte de ce gouvernement qui se revendique à l’écoute de sa jeunesse mais qui balaie d’un revers de main nos colères légitimes.
Alors que les adversaires de #MeToo prétendent que cette ère de changements majeurs détruit des carrières, nous faisons le constat, au contraire, que les accusations de viol n’empêchent ni de recevoir un César ni de devenir ministre. Cette tolérance à la violence contre les femmes et cette impunité, nous en faisons les frais tous les jours. Lorsque nous sommes victimes de violences sexuelles par nos oncles, nos pères, nos proches, nos copains ou nos ex. Lorsque les policiers refusent illégalement nos plaintes. Lorsque le Président de la République insinue qu’une discussion "d’homme à homme" suffit à réhabiliter M. Darmanin auprès de lui, à valider sa version des faits et à le maintenir dans une position de pouvoir alors qu’on l’accuse précisément d’en avoir abusé pour obtenir des rapports sexuels imposés.
Nous commençons tout juste à appréhender la vie politique de notre pays et nous faisons le constat d’un décalage béant entre les attentes de la société et l’entêtement du gouvernement à maintenir au pouvoir un homme accusé de viol. Nous, jeunes entre 13 et 25 ans, ne nous reconnaissons pas dans ce pouvoir qui cultive l’entre soi masculin. Cela nous horrifie que l’homme censé garantir notre sécurité tienne des propos profondément LGBTphobes et soit ouvertement hostile à l’orientation sexuelle de nombreuses personnes parmi nous.
Emmanuel Macron avait fait de la moralisation de la vie politique et de l’exemplarité des élu·e·s l’un des socles de son action. Aujourd’hui, il s’abrite indignement derrière le seul argument de la présomption d’innocence, dans une affaire où la défense de l’accusé reconnaît a minima que ce dernier a abusé de sa position de pouvoir pour réclamer un rapport sexuel en retour d’une demande de service que lui fait une femme. En nommant Darmanin ministre de l'Intérieur et en se retranchant derrière la présomption d'innocence, ce gouvernement se rend coupable de conflit d'intérêts.
Comment espérez-vous que l’on puisse avoir confiance en les institutions de la République, lorsque que le gouvernement tombe dans le conflit d’intérêts alors qu’un homme accusé d’un crime est le supérieur hiérarchique des propres policiers censés enquêter sur sa personne ? Comment s’étonner ensuite du taux d’abstention particulièrement élevé chez les jeunes qui ne croient plus en votre parole et votre engagement ? François de Rugy avait dû démissionner 6 jours seulement après la révélation d’une affaire de dîners coûteux par Mediapart, alors même qu’aucune enquête judiciaire n’avait été dirigée à son encontre. Triste pays où l’on nous explique qu’un homard vaut plus qu’une accusation de viol.
De notre côté, nous n’avons jamais exigé que M. Darmanin soit condamné sans jugement, nous demandons simplement qu’il ne soit pas nommé ministre. Dans l’Education Nationale, si un enseignant est soupçonné de violences sexistes et sexuelles, la loi dispose que celui-ci peut être suspendu pendant la procédure judiciaire, ce qui ne porte pourtant pas atteinte à sa présomption d’innocence. Pourquoi notre gouvernement n’applique-t-il pas lui aussi ce principe de précaution ? Quel exemple le gouvernement envoie-t-il à la jeunesse de ce pays ? Celui que la culture de l’impunité peut perdurer jusqu’au plus haut sommet de l’Etat ? Il serait en effet temps de faire preuve d’honnêteté intellectuelle et de reconnaître que la question soulevée ici n’est pas celle du principe de présomption d’innocence mais bien d’éthique dans de telles pratiques en politique. Nommer ministre de l’Intérieur un homme accusé de viol, de harcèlement sexuel et d’abus de confiance ne sera jamais éthique.
Nous exigeons qu’Emmanuel Macron fasse preuve d’humilité et écoute la vague de colère générale qui traverse le pays et qui ne se restreint pas aux mouvements féministes. S’il faut rappeler au ministre de l’Intérieur à chacun de ses déplacements que l’impunité n’est plus en option en 2020, s’il faut entamer une grève de la faim comme l’a fait cette étudiante de 23 ans, s’il faut arrêter d’étudier pour que le gouvernement nous entende jusqu’à ce que Gérald Darmanin démissionne, nous le ferons sans hésiter. Parce qu’un gouvernement qui insulte la parole des millions de victimes de violences sexistes et sexuelles de ce pays est un gouvernement à la dérive et sans honneur.
Nous sommes la génération #MeToo. Nous sommes cette génération engagée qui ne se sent plus seule face aux violences que nous subissons. Cette génération qui n’a plus peur, qui ne recule devant rien. Cette génération qui n’hésitera pas à crier sa colère jusqu’à ce qu’elle se fasse entendre.
Au nom de toutes les jeunes femmes qui ont déjà été confrontées à ces hommes qui leur proposent des rapports sexuels en échange d’une bonne note, d’une promotion, d’un stage, d’un simple service, quelle que soit l’issue de ce procès, du fait même d’avoir réclamé un rapport sexuel à une femme qui lui avait demandé de l’aide, nous exigeons la démission immédiate de Gérald Darmanin !
Nous ne laisserons pas cette nomination passer.
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