Le mardi 8 décembre 2020, neuf personnes qui ne se connaissent pas toustes, ont été arrêtées aux quatre coins de la France par la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI) dans le cadre d'une enquête pour « association de malfaiteurs terroristes ». Iels risquent plusieurs années de prison alors même que l'accusation reconnaît qu'à l'issue de trois années d'instruction, aucun projet d'action violente ne peut leur être reproché (voir ici et là les articles de Mediapart).
Le Monde, Politis, Telerama - pour ne citer qu'eux - évoquent pêle-mêle les « contradictions fondamentales du dossier », des « preuves évanescentes » et des éléments « particulièrement fragiles ». Tous soulignent avant tout la crainte d'un « effet tâche d'huile sur les mouvements sociaux et écolos » en cas de condamnation. Car en l'absence d'éléments matériels, c'est bien la criminalisation des idées politiques de gauche qui est en jeu dans ce procès.
Nous, intellectuel·les, artistes, activistes, personnes concernées par la répression, humoristes, universitaires, journalistes, femmes et hommes politiques, affirmons notre peur et notre colère face à cette course sécuritaire menée par le gouvernement.
Depuis le début de l'affaire, nous dénonçons cette répression politique, les inculpations infondées et le traitement abusif et irrespectueux de la dignité des personnes mises en examen (isolement, fouilles à nue...). Nous dénonçons la terreur mise en place par Gérald Darmanin par l’assimilation des militant.e.s de gauche à des terroristes, et la criminalisation des personnes engagées pour plus de justice, de solidarité et d'écologie...
La DGSI avait mis sous surveillance Florian D. et plusieurs de ces ami·es du fait qu'il a combattu Daech aux côtés des kurdes et de la coalition internationale à Raqqa, et qu'il avait des idées de gauche. Et c'est en plein examen de la loi « sécurité globale », et alors que la prise de conscience de l'ampleur des violences policières ne cessait de progresser, que le ministre de l'intérieur a fait arrêter ces personnes en les désignant comme étant « des activistes d'ultra-gauche » afin de nous diviser et d'empêcher nos solidarités de s'exprimer.
Le réquisitoire du PNAT (parquet national anti-terroriste) affirme que ces personnes voulaient « s'en prendre à l'oppression et au capitalisme ». C’est aussi ce que nous souhaitons. Car ce sont nos idées politiques que le PNAT cherche ainsi à qualifier de terrorisme dans ce procès. Et cela ne signifie pas que nous envisageons de tuer pour cela. Le capitalisme et les oppressions systémiques sont des systèmes, qu'aucun crime ne ferait effondrer.
S'il est reproché à un prévenu qui est artificier d'avoir fabriqué des pétards dans un champ avec ses copains, ou à d'autres qui pratiquent le tir sportif d'avoir des carabines, les éléments matériels sont ridicules. À la fin de l'enquête préliminaire, et alors que « tout ce qui leur est reproché a déjà eu lieu » pour reprendre l'article de Politis, la DGSI elle-même écrit qu' « aucun projet d'action violente ne semblait défini et la constitution d'un groupe dédié à la mise en place d'une action de guérilla ne transparaît pas ».
Ce sont donc des livres - la DGSI citera jusqu'à un livre d'Auguste Blanqui - , des modes de vie, la présence sur des ZAD, la critique des institutions étatiques et des violences policières, leur militantisme écologiste contre le barrage de Sivens, l'utilisation de l'application « Signal » ou encore leur végétarisme qui sont interprétées par la DGSI comme autant de « preuves » des intentions terroristes que les prévenu.es contestent. La cour a affirmé qu'elle ne jugeait pas des idées. Il lui reste à le prouver.
D'autant plus que durant la première semaine de procès, les juges n'ont eu de cesse d'interroger les mis·es en examen sur leurs engagements militants et les éventuelles répressions policières dont ielles auraient pu être témoins . « Les expulsions des ZAD de Notre-Dame-des-Landes et de Sivens ont l'air de vous avoir particulièrement marqué·e. Est-ce que cela a nourri chez vous un ressentiment envers la police ? » a ainsi demandé une juge. Voici comment la justice cherche à criminaliser jusqu'au fait d'avoir été témoin de violences policières. Cela devient un élément à charge qui transformerait ces victimes en potentiel·les agresseur·ses. On se demande si dans leur monde, il est encore tolérable de ressentir de la peur et de la colère.
Ce sont pourtant les discours médiatiques et politiques et la répression qui diffuse la terreur. D'un côté en étouffant tout mouvement contestataire de solidarité, et de l'autre en présentant les militant·es comme une menace et les modes d'action de manifestation et de désobéissance civile comme dangereux et violents.
Mais « Ne nous laissons pas anti-terroriser ! ». Ne laissons pas ce gouvernement toujours plus à droite, autoritaire et violent, criminaliser nos idées, mentir sur la réalité et inventer des faits. Nous ne céderons ni à la peur, ni à notre droit de vivre des vies dignes et sans violence, et nous continuerons de croire, dans chaque aspect de nos vies et de nos luttes, en la liberté, l'amour et la joie.
Nous ne nous laisserons pas réduire au silence ! Nous ne nous laisserons pas terroriser.
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Procès ouvert au public, du mardi au vendredi à partir de 13h30, jusqu’au 27 octobre au Tribunal de Paris, porte de Clichy.
Rassemblement Vendredi 27 à 11h devant le tribunal.
Signataires :
Isabelle Stengers, Philosophe, grand prix de philosophie de l'Académie française
Sebastien Mabile, Avocat, Notre Affaire à Tous
Anne Stevignon, Avocate, spécialisée dans les questions d environnement
Julien Noé, Entrepreneur de l'Economie Sociale et Solidaire, fondateur d'Enercoop.
Margot Medkour, Candidate Tête de liste de Nantes en Commun aux municipales 2020
Jean Michel Frodon, Journaliste et professeur à Sciences Po Paris
Aveline Ouidad, Chercheuse en psychiatrie, Praticien hospitalier
Philippe Boursier, Économiste, ex-porte parole des Verts
Léna Balaud, Agronome et Autrice
Jean Rochard, Producteur de musique
Nacira Guénif, Sociologue et Anthropologue à Paris 8, Membre du réseau de recherche TERRA sur les réfugié.e.s et
l'asile
Julien Le Guet, Batelier
Jules Falquet, Philosophe et Sociologue
Éric Fassin, Sociologue
Vanessa Codaccioni, Sociologue
Zeno Bernhard, Membre d'ATTAC et étudiant à l'EHESS
Fatou Dieng, Membre du Comité Vérité et Justice pour Lamine Dieng, et du Réseau d'Entraide Vérité et Justice
Maxime Combes, économiste
Manon Boltansky, Agente à la BNF, Membre de la Direction du NPA
Serge Quadruppani, Auteur et traducteur
Martine Auzou, Institutrice retraitée
Arnaud Béal, Psychologue.
Louise Boissel, Psychiatre, chercheuse en thérapie systémique.
Manu Bichindaritz, Enseignant, Membre de la Direction du NPA
Philippe Chailan, Professeur de lettres
Sabine Duguet, Membre du comité 15 juin
Alain Dobigny, Formateur et militant associatif
Awa Gueye, Membre du Collectif Justice et Vérité pour Babacar Gueye, et du Réseau d'Entraide Vérité et Justice
Mačko Dràgàn, Journaliste au mensuel Mouais et anarchiste
Marie Laforgerie, Membre du comité 15 juin
David Dufresne, Écrivain, Journaliste et réalisateur
Anne Marchand, Sociologue
Farid El Yamni, frère de Wissam El Yamni, Membre du Comité Justice et Vérité pour Wissam.
Métie Navajo, Écrivaine, dramaturge
Etienne Gilly, Architecte, co-fondateyr du studio a-
Line Rodien, Éducatrice spécialisée, membre des Madeleines, réseau du théâtre de l'opprimé
Léo Henry, Écrivain
Laure Woestelandt, Psychiatre
Francis Juchereau, Militant-chercheur Limoges
Patrick K. Dewdney, Auteur
Renaud Lefort, Journaliste à France 5
Simon Le Roulley, Sociologue
Gilles Sabatier, Militant pour l'association ATTAC,
Alessandro Stella, Historien, CNRS-EHESS
Yannis Youlountas, Philosophe et réalisateur
Mathieu Rigouste, Sociologue, essayiste, réalisateur
Aurore Koechlin, Militante féministe
Daniel Bartement, Géographe
Pierre Bessom, Artiste peintre
Eliane Chopelin
Timothy Perkins, professeur retraité, Urban Politics, ENSCI-les ateliers
Brigitte Guinot, Psychologue
Daniel Goudal
Hervé Guyon, Maître de Conférences en Psychologie Statistique,
Christine Maupilé, Comité 15 Juin,
Stéphane Laffarge, syndicat SUD Lutte de Classes
Olivier Campa, philosophe
Charlotte Billard, enseignante
Adrien Chassin, Maître de conférence en littérature française
Marie Cazaban, enseignante chercheuse
George Naulleau, Psychiatre
Hortense Hurmic, Attachée de recherche clinique
Bettina Prudhon, Psychologue
Guillaume Simon, Avocat
Grégoire Bordes, Psychiatre
Rosy Prudor, Cadre infirmière
Juliette Neyton, Psychiatre
Clémence Ducroquet Talleu, Directrice
Benjamin Poitou, Ingénieur
Beatriz Grandal, Gynécologue
Camille Caudal, Psychiatre
Bernard Ennuyer, Sociologue
Sylvie Antonelli, Retraitée de la fonction publique
Carole Amistani Rousseau, Réflexologue et Ethnologue
Yves Rousseau, Musicien
Christian Boissel, Directeur ESMS
Benjamin Rosoux, ancien inculpé dans l'affaire de Tarnac
Manon Glibert, ancienne inculpée dans l'affaire de Tarnac
Cyrille Cléran, Auteur, éditeur, correcteur
Christiane Sandoz, Retraitée
Daniel Sandoz, Retraité
Marie-Anne Grange, Retraitée de l'Education Nationale.
Vincent Pinchaux, Enseignant
Anne Brenac
Denis Orcel, Militant & syndicaliste
Lucie Rivoalen, Réalisatrice
François Donato, Compositeur et créateur sonore,
Vincent Brengarth, Avocat
Clément Rouillier, Maître de conférences en droit public
Michelle Lecolle, Linguiste
Manuella Berdold, Psychologue clinicienne
ValK., Photographe
Christophe Noisette, Journaliste, photographe
Zohra Baarir, Praticien hospitalier psychiatrie
Mikael Motelica, Enseignant-chercheur
Collectifs :
Les Mutilé.e.s pour l'exemple ; Le Collectif Bassines Non Merci 79 signe cette tribune ; UL CNT 35 ; Le quartier libre des Lentillères ; association L'Offensive ; CAR38 (groupe local du Réseau d'Autodéfense Juridique Collective) ; Cassis (Collectif d’Autodéfense et de Solidarité en Soutien aux Inculpé.e.s Stéphanois.e.s ; CNT-f, Action Antifasciste Alpes de Haute Provence, Wiquaya, Féministes révolutionnaires, Le comité tarnacois de soutien aux inculpés du 8 décembre
Pour ajouter votre signature : affaire8decembre@proton.me
Sources
- Le Monde: https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/03/affaire-du-8-decembre-2020-un- proces-pour-terrorisme-d-ultragauche-sur-des-bases-fragiles_6190853_3225.html
- Politis: https://www.politis.fr/articles/2023/10/ultragauche-le-proces-antiterroriste-determinant- de-laffaire-du-8-decembre/
- Telerama: https://www.telerama.fr/debats-reportages/affaire-du-8-decembre-quinze-ans-apres- tarnac-l-antiterrorisme-encore-a-la-derive-face-a-l-ultragauche-7017318.php
- La Quadrature du net: https://www.laquadrature.net/2023/06/05/affaire-du-8-decembre-le- chiffrement-des-communications-assimile-a-un-comportement-terroriste/
- Le nouvelobs: https://www.nouvelobs.com/justice/20231005.OBS79076/proces-pour- terrorisme-d-ultragauche-nous-commencons-sur-de-tres-mauvaises-bases-ca-risque-de-ne-pas-bien- se-passer.html
- Le Nouvel Obs: https://www.nouvelobs.com/justice/20231006.OBS79125/proces-pour- terrorisme-d-ultragauche-lutter-contre-daech-c-est-pas-rien-j-ai-pas-sauve-le-monde-mais-a-mon- echelle-je-suis-content-d-avoir-fait-ca.html
- Suivi journalier des audiences par des écrivain.e.s sur lundi.am: https://lundi.am/Affaire-du-8- decembre-5713