L’avenir judiciaire de Julian Assange est-il en train de se dégager ? Toujours visé par une enquête de la justice suédoise pour des faits d’agression sexuels commis en 2010, le fondateur de Wikileaks vit, depuis quatre ans, reclus dans l’ambassade de l’Equateur à Londres. Son sort est lié à une impasse juridique : pour pouvoir être formellement inculpé, et donc condamné ou éventuellement innocenté des faits qui lui ont reprochés, Julian Assange doit pour cela être auditionné par la vice-procureur en charge du dossier. Et l’hacktiviste s’est plusieurs fois dit prêt à répondre à la justice. En revanche, il refuse de le faire sur le sol suédois. Wikileaks est en effet convaincu que ces poursuites ne sont qu’un prétexte pour pouvoir extrader Julian Assange vers les Etats-Unis dès qu’il aura quitter l’ambassade équatorienne.
Or, le 11 août dernier, l’Equateur a annoncé avoir afin trouvé un accord avec les justice suédoise au terme duquel la vice-procureur interrogerait Julian Assange dans les locaux de son ambassade. Cette annonce pourrait signer la fin de l’imbroglio juridique. Elle intervient également à un moment où Wikileaks est également la cible de nombreuses critiques, venant parfois même de ses propres soutiens. A l’occasion de la publication de mails du Parti démocrate américain, piratés par des hackers russes, l’organisation a même été accusée de travailler en sous-main pour Moscou.
Dans ce contexte, les avocates Margaret Ratner Kunstler, Melinda Taylor et Stella Moris, de l’équipe juridique de Julian Assange, nous ont transmis cette tribune.
Ces quatre dernières années, Julian Assange est resté piégé dans une ambassade entourée par la police. Le comité de rédaction du New York Times a invité la semaine dernière à se concentrer sur « les importantes questions juridiques, éthiques et de sécurité » en jeu dans l'affaire contre Assange. Nous partageons ce point de vue.
A l’instar de l’auteur d’avant-garde Philip K. Dick qui se fit un nom avec Le Maître du Haut Château, Assange est un auteur qui diffuse un travail empreint d’un regard critique sur la réalité politique des lecteurs et leur histoire collective. Des acteurs puissants font de grands efforts pour le réduire au silence.
WikiLeaks analyse et publie des informations authentiques qui proviennent de l’intérieur des organisations les plus puissantes et corrompues du monde.
Aux États-Unis, les fuites récentes qui montrent que le CND a subverti les primaires présidentielles en faveur d’Hillary Clinton sur Bernie Sanders, ont particulièrement attisé la colère des acteurs-clés et des médias qui étaient impliqués.
Bien que ces révélations firent souvent la Une des journaux, au cours de l’année écoulée, Wikileaks a divulgué la manière dont le terrorisme est financé, la corruption et les crimes environnementaux des sociétés minières chinoises dans la République centrafricaine, les intentions du FMI de forcer la main de la Chancelière Merkel sur la crise de la dette grecque, l’espionnage économique de la NSA à l’encontre de la France, l'Allemagne et du Japon, et le projet de texte des principaux accords secrets de 'commerce' multilatéral, y compris le TPP et le TISA.
Assange a continué de nous révéler la vérité, sans frais, malgré sa détention illégale. Comme l'a concédé le comité de rédaction du New York Times, ses « longues années dans l'ambassade équatorienne n'ont pas fait taire WikiLeaks. »
Il a été arrêté en décembre 2010, quelques jours seulement après que WikiLeaks ait commencé à publier le « Cablegat ». Il fut jeté en prison. Il continua de publier.
Il a été placé sous surveillance électronique ainsi qu’en résidence surveillée pendant 18 mois. Il continua de publier.
Ces quatre dernières années, il a été entouré d’un siège de la police visant à contrecarrer ses droits d'asile. Il continue de publier.
En février, l’ONU a constaté que sa détention était illégale et que les gouvernements du Royaume-Uni et de la Suède devaient le libérer et lui accorder un dédommagement. Bien que l’ONU ait notifié des rédacteurs que sa décision est au final « juridiquement contraignante », de nombreux journalistes ont simplement répété l’argumentaire du Royaume-Uni, relayé par la BBC, affirmant qu'elle ne l’est pas.
Après avoir essoufflé et menacé de faire sauter le système des droits de l'homme des Nations Unies, le Royaume-Uni a fait tout ce qui était en son pouvoir pour enterrer la décision de l’ONU. Le Royaume-Uni a eu recours à la diplomatie de la canonnière, menaçant l'Equateur de graves répercussions sur le commerce et la coopération à moins qu'il ne remette Assange. Le Royaume-Uni lui a aussi refusé un accès sécurisé à un hôpital pour des tests et des traitements, peut-être dans l'espoir que son état de santé finisse par se dégrader à un point tel que le « problème Assange » disparaîtrait de lui-même.
De telles tactiques brutales ne sont pas si surprenantes après les révélations que de fortes pressions en coulisses par le Royaume-Uni et les États-Unis avaient pesé sur le groupe de travail des Nations Unies qui a enquêté sur l'affaire Assange pendant 16 mois dans ce qui semblait être une tentative d’influence déplacée, mais sans succès, de ses juristes.
Les jours de gloire de la Suède en tant que défenseur des droits de l’homme et du droit international dans le monde sont décidément bien loin car elle suivit honteusement les traces du Royaume-Uni.
Cela fait quatre ans ce mois-ci que l'Equateur a accordé l'asile politique à Assange après que la Suède et le Royaume-Uni aient refusé de promettre qu'ils ne l’extraderont pas vers les Etats-Unis par rapport à WikiLeaks. L’Equateur a évalué qu'il risquait un sort semblable à celui de sa source présumée, Chelsea Manning, qui a été condamnée à 35 ans d’emprisonnement dans ce que l’ONU a décrit comme des conditions « cruelles et inhumaines ». Manning, emprisonnée depuis mai 2010, a été hospitalisée récemment après une tentative de suicide.
Le 16 août, l'avocat américain de la défense d'Assange, Barry Pollack, a demandé au procureur général Loretta Lynch de clore l'affaire WikiLeaks suite au précédent établi par sa décision de mettre fin à l’enquête sur Hillary Clinton pour mauvaise gestion d’informations classifiées.
Le procureur général équatorien a annoncé ce mois-ci que des mesures sont enfin en cours pour prendre la déclaration de Julian Assange par rapport à la question suédoise. Le procureur en chef de Stockholm a déjà enquêté sur la même allégation en 2010, et a classé l'affaire après avoir constaté qu’Assange n’avait « commis aucun crime qui soit». La victime présumée dit elle-même que « la police a inventé », qu'elle « ne voulait pas l'accuser de quoi que ce soit » ; elle s’est « fait avoir par la police».
Malgré la réouverture de l'enquête préliminaire sur la même allégation en Septembre 2010, la directrice suédoise des poursuites pénales, Marianne Ny, ne fit rien pendant six ans. L’ONU décrit son inaction comme « procrastination indéfinie ». La Cour d'appel suédoise fut moins indulgente : elle condamna le procureur pour avoir transgressé son devoir professionnel.
Julian Assange est le Maître du Haut Château de notre temps. Sa contribution peut sembler surhumaine mais il ne l’est pas. Il est un être humain, illégalement privé de sa liberté et de sa famille. Il se bat pour notre liberté. Faisons en sorte que sa liberté devienne une réalité.