Les résultats du premier tour de la primaire d'Europe Ecologie Les Verts continuent de susciter des commentaires en tous genres, plus ou moins bienveillants, après "l'élimination" de Cécile Duflot. Ce résultat, totalement inattendu par la presse et les observateurs politiques, était pourtant prévisible pour qui connaît de l'intérieur la galaxie française de l'écologie politique. Et contrairement à ce que certains affirment de façon péremptoire, ce n'est pas par anarchisme, sadomasochisme ou envie de "couper des têtes" que les 12000 votants à ce premier tour des primaires d'EELV ont placé Cécile Duflot en troisième position. Ce n'est certainement pas non plus, comme l'affirment les écologistes partis d'EELV pour s'approcher du PS par intérêt personnel, pour avoir claqué la porte du gouvernement en mars 2014. A priori ce choix de Cécile Duflot a plutôt tendance à la rendre sympathique aux yeux des militants écolos pour qui le Président et sa majorité actuelle portent un bilan calamiteux en termes d'environnement. Et ce n'est pas enfin, parce que les votants à cette primaire auraient préféré "l'écologie de témoignage" à "l'écologie de conquête".
Il faut d'abord bien comprendre que pour les écologistes, l'élection présidentielle française est un cancer institutionnel, à l'exact opposé du but ultime de l'écologie politique, à savoir l'émancipation individuelle et collective par la réconciliation des êtres humains entre eux et avec leur environnement. De façon majoritaire, les écologistes français se refusent àchercher tous les cinq ans un sauveur suprême avant de le clouer au pilori dès le lendemain de son élection. Dans ce contexte, le phénomène des primaires, ultime tentative de redonner du souffle à des partis politiques totalement discrédités dans l'opinion, hystérise encore plus la course à l'Elysée, en personnalisant à outrance des enjeux nécessitant pourtant un maximum de collectif. Pour des écologistes qui savent que, de la disparition programmée des ressources au dérèglement climatique, les grands défis de notre époque sont autant locaux que globaux et doivent mobiliser tout le monde, l'élection présidentielle française est toujours un exercice à contre emploi. On le voit encore aujourd'hui où les questions écologiques sont totalement absentes du débat des primaires de la droite et ne sont toujours pas la colonne vertébrale des politiques publiques mises en oeuvre par les socialistes au pouvoir.
Mais s'ils s'y frottent, les écologistes doivent aborder cette élection d'une façon différente des autres formations politiques. Il s'agit donc de tirer correctement les leçons de ce premier tour des primaires tout en continuant à rassembler et à élargir les rangs encore trop clairsemés des écologistes. Et la première leçon est que l'écologie va mieux quand elle rime davantage avec démocratie qu'avec parti: 17000 inscrits à une primaire, ce n'est pas suffisant mais c'est mieux que 3000 votants à un congrès, et les enjeux de pouvoir sont moins délétères quand ils sont tranchés par un vote large des sympathisants plutôt que par des tractations de motions. Ainsi il est urgent d'introduire enfin le vote électronique et la consultation systématique de tous les adhérents pour tout choix politique impliquant l'ensemble du mouvement. La deuxième leçon, et on le voit au profil des deux personnalités arrivées en tête, c'est que les jeux d'appareil et institutionels et la logique des partis politiques sont de plus en plus rejetés au profit de l'implication dans des combats concrets, sur le terrain comme dans les institutions, au sein de la société civile. La troisième leçon de cette primaire, là encore au vu du profil des deux candidats arrivés en tête, est que l'écologie s'épanouit davantage à l'échelle locale et européenne que dans le carcan national de la 5e République. Et enfin la dernière leçon à bien garder en tête est que le collectif doit toujours primer sur l'aventure personnelle.
Ainsi, quel que soit le choix du 7 novembre prochain entre Michèle Rivasi et Yannick Jadot, il n'y a pas de gagnants et de perdants à ces primaires, mais des personnalités qui doivent oeuvrer avec l'ensemble des inscrits à reconstruire un large rassemblement des écologistes sachant dépasser les querelles pichrocolines du passé et surtout la forme partidaire traditionnel imposée par une direction à bout de souffle. L'enjeu c'est la primaire et après. Europe Ecologie avait su montré la voie pour les européennes de 2009, reprenons le flambeau pour porter un rassemblement de plus en plus large et accueillant, le plus ouvert et le plus démocratique possible, loin des petits jeux de pouvoir et au plus proche des préoccupations quotidiennes de tout un chacun. Parce que si l'avenir est incertain, l'espoir nous appartient.
Les signataires :
Nathalie Laville, Benjamin Joyeux, Rodrigo Arénas et Edouard Gaudot, militants écologistes et fondateurs du mouvement E=MP2