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Tribune 26 janvier 2016

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PIA 3 : un défi démocratique !

23 présidents d'université réclament la mise en place d'un groupe de travail rassemblant ministère, universités et territoires afin « de définir collectivement de nouvelles orientations dans le cadre d’une véritable stratégie de l’enseignement supérieur et de la recherche ».

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Le  jeudi 17 septembre, sur le plateau de Saclay, François Hollande a annoncé que le PIA 3 (Programme d’Investissement d’avenir), prévu en 2016, serait doté d’un montant de 10 milliards d’euros. Les PIA, on le sait, sont conçus comme des programmes « protégés des arbitrages budgétaires traditionnels », même si le Parlement doit les voter sur le principe ; ce faisant, ce dernier se prive néanmoins d’une part importante de ses pouvoirs en raison d’une gestion extra-budgétaire de ces crédits. Dans un contexte de rigueur et d’austérité budgétaires, chacun conçoit à la fois l’intérêt que cela peut représenter pour les bénéficiaires mais aussi les iniquités que cela génère pour les « exclus » qui subissent la rigueur encore renforcée par la sacralisation des sommes dédiées aux PIA. La rigueur n’est donc clairement pas la même pour tous et cela génère de graves inégalités en particulier entre universités et, en conséquence, entre chercheurs et entre étudiants.

Un dispositif lourd, inégalitaire, déconnecté

Le PIA n’a pas, au demeurant, marqué une augmentation de l’effort de l’investissement de l’Etat… La Cour des Comptes en a fait la remarque en observant que la part des dépenses d’investissements dans les dépenses de l’Etat est au même niveau en 2014 qu’en 2000, autour de 8 %, après avoir atteint 10 % en 2008 et 2010, avec le plan de relance. Cela démontre juste qu’il y a eu substitution dans les financements. Ce ne sont donc pas les montants qui ont augmenté mais les modalités de répartition qui ont changé.

Et c’est sans compter sans la lourdeur globale du dispositif. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, lors d’une audition à l’Assemblée Nationale, évoquait le mercredi 2 décembre 2015, au sujet du Programme d’Investissements d’Avenir, « la lenteur de sa mise en œuvre, les limites liées à sa gouvernance et les dérives observées, notamment budgétaires ». Les opérations ont été contractualisées plus lentement que prévu et les dépenses n’ont pas été exécutées aussi rapidement qu’espéré en raison de l’importance des volumes financiers concernés, de la  lourdeur de certaines procédures et de difficultés rencontrées dans la négociation des contrats.

Par ailleurs, les PIA sont totalement déconnectés de la contractualisation entre l’Etat et les établissements alors qu’il serait pertinent de financer les objectifs définis par l’Etat pour se mettre en position de véritablement pouvoir mener une politique nationale. 

Une recherche de haut niveau : déconcentrée et en lien avec la formation

Les petites et moyennes universités, qui se revendiquent comme le réseau des universités de recherche et de formation, avaient déjà exprimé, lors d’un entretien qui s’était déroulé le 20 septembre 2015, leurs inquiétudes auprès du Secrétaire d’Etat après avoir constaté la forte concentration de ces financements sur les universités fusionnées des métropoles, aussi bien lors de la première vague (IDEX) que la phase de pré-sélection de la deuxième (IDEX et I-SITE). Elles regrettaient que sur un plan structurel, un modèle récurrent soit régulièrement cité comme référence, inspiré de l’étranger, celui des « écoles universitaires de recherche » ou « universités de recherche », qui rassemblent doctorants, docteurs et chercheurs de très haut niveau et qui allient formation et recherche, et dont l’existence postule celle des Universités de Sciences Appliquées. De même, elles déploraient que les critères d’attribution privilégient très souvent un modèle d’intégration et de gouvernance orienté vers la fusion d’établissements, l’exception ne faisant que confirmer la règle. Dans le cadre de cet entretien, le secrétaire d’Etat avait indiqué qu’il souhaitait ouvrir ce chantier  considérant que l’avenir des universités hors IDEX et I-SITE constituait « un vrai sujet », qu’il fallait « inciter à l’excellence partout » et la soutenir là où elle se trouvait. Cet échange avait permis aux présidents reçus de rappeler que leur vision de l’excellence n’était pas celle qui était nécessairement attachée à une concentration des moyens sur quelques pôles, mais qu’elle s’inscrivait dans la logique d’un tissu universitaire rassemblant l’ensemble des universités sur tout le territoire national, appuyé sur des crédits récurrents renforcés, et capable de produire l’excellence de demain. Le Secrétaire d’Etat avait alors affirmé  sa volonté d’aller en ce sens en  se dotant des outils adaptés.

Les discussions sur le futur contenu du PIA3 sont encore en cours à ce jour et les informations à ce propos sont diverses, voire contradictoires. Parmi les hypothèses de travail qui ont été annoncées par Louis Schweitzer, commissaire général à l’investissement, il est question de « mettre l’accent sur l’enseignement et la formation ». Cela a été confirmé par Jean-Pierre Korolitski qui a annoncé que le PIA3 en préparation devrait comprendre « un volet formation plus consistant que dans les deux programmes précédents ». Mais il est également affirmé la nécessité de poursuivre l’effort sur la recherche, le transfert et la valorisation ; toutefois, il est précisé qu’il n’y aura pas de nouvelles IDEX ou I-SITE. L’accompagnement de création d’entreprises innovantes est encore évoqué comme une nécessité, afin d’éviter « l’émigration de nos entreprises vers des terres anglo-saxonnes » réputées plus propices aux levées de fonds. Enfin, sont cités le numérique, le tourisme, et les industries agricoles et alimentaires. 

Les territoires plutôt que les seules métropoles : un défi démocratique

Mais, fondamentalement, ce qui prime encore c’est la question de la répartition de ces financements : les objectifs du PIA3 seront-ils toujours de renforcer la concentration des financements dans le cadre d’appels à projets qui, à nouveau désavantageront ceux qui sont restés à l’écart jusque-là, avec le risque encouru d’un développement toujours plus marqué des inégalités entre territoires - n’a-t-on pas répété à l’envi que le PIA n’avait pas de mission relative à l’aménagement du territoire -, entre les étudiants, entre les universités ? Ou aura-t-il pour but de former les étudiants là où ils se trouvent, dans une finalité clairement affirmée d’une véritable démocratisation dans l’accès à l’enseignement supérieur, et de soutenir la recherche d’excellence partout là où elle est menée et partout là où elle souffre du manque de moyens ?

Comme le rapport Berger (2012) en avait clairement souligné la nécessité, les universités signataires demandent une correction des iniquités territoriales. Se satisfaire de ces écarts, c’est renoncer à la démocratisation de l’enseignement supérieur dans un contexte de forte augmentation des effectifs étudiants. Inversement, les corriger, c’est œuvrer à renforcer la cohésion sociale dont on sait qu’elle est aujourd’hui, plus que jamais, mise à mal. Ce rapport affirmait, par ailleurs et fort justement, qu’il y avait des niches d’excellence partout sur le territoire et qu’elles méritaient d’être soutenues. C’est pourquoi 23 universités avaient demandé, début juillet, dans leur 11e proposition, que le futur PIA 3 intègre une logique de territorialisation. 

C’est aussi pourquoi les universités signataires réitèrent leur souhait de voir se constituer un groupe de travail rassemblant le ministère (cabinet, DGESIP, DGRI), les universités dans leur diversité et les territoires (maires ainsi que présidents d’agglomération, de conseils départementaux et régionaux), afin de définir collectivement de nouvelles orientations dans le cadre d’une véritable stratégie de l’enseignement supérieur et de la recherche, des orientations qui intègrent une dimension territoriale et qui mettent les PIA au service d’un développement harmonieux de l’enseignement supérieur, de la recherche, de l’innovation et de la société toute entière. Un défi démocratique en somme.

Les signataires :

Mohamed Amara, président de l’Université de Pau et Pays de l’Adour ; Éric Boutin, président de l’Université de Toulon ; Michel Brazier, président de l'Université de Picardie Jules-Verne ; Olivier David, président de l’Université de Rennes 2 ; Roger Durand, président de l’Université du Littoral ; Philippe Ellerkamp, président de l’Université d’Avignon ; Rachid El Guerjouma, président de l’Université du Maine ; Anne Fraisse, présidente de l’Université Montpellier 3 Paul-Valéry ; Christine Gangloff-Ziegler, présidente de l’Université de Haute-Alsace ; Yves Jean, président de l’Université de Poitiers ; Fabrice Lorente, président de l'Université de Perpignan Via Domitia ; Francis Marcoin, président de l’Université d'Artois ; Corinne Mence-Caster, présidente de l’Université des Antilles ; Cafer Özkul, président de l’Université de Rouen ; Mohamed Ourak, président de l’Université de Valenciennes ; Jean Peeters, président de l’Université de Bretagne-Sud ; Pascal Reghem, président de l’Université du Havre ; Mohamed Rochdi, président de l’Université de La Réunion ; Jean-Paul Saint-André, président de l’Université d’Angers ; Pierre Sineux, président de l’Université de Caen-Normandie ; Danielle Tartakowsky, présidente de l’Université de Paris 8 Vincennes Saint-Denis ; Loïc Vaillant, président de l’Université François-Rabelais Tours ; Denis Varaschin, président de l’Université Savoie Mont Blanc.