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Tribune 26 janvier 2017

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A Gennevilliers, la ville prend un mauvais tour

Le 27 janvier, la ville de Gennevilliers organise une rencontre sur le thème : « Gares du Grand Paris Express : audace et innovation pour une métropole solidaire », avec des politiques, chercheurs, syndicalistes et militants associatifs, mais sans ses habitants. Un fait dénoncé par Edwige Harpn (quartier Les Agnettes), Médéric Beau (écoquartier) et Marie-Ange Fiquet (quartier Le Village).

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La métropole du grand Paris, pour qui ? Voilà la pertinente question qui sera posée le vendredi 27 janvier, par la ville de Gennevilliers qui accueille une rencontre organisée par le groupe de réflexion « La ville en commun » à partir du thème : « Gares du Grand Paris Express : audace et innovation pour une métropole solidaire ». Autour du maire, Patrice Leclerc, discuteront politiques, chercheurs, syndicalistes et militants associatifs...

Et nous ? A notre grande surprise, pas un habitant n’a été convié pour prendre part aux différentes tables rondes. Pas une association ou une mobilisation d’habitants. Pas un habitant de Gennevilliers. A notre grande surprise, la capacité des habitants à produire une expertise sur leur propre lieu de vie est oubliée, voire niée.  La ville pour les habitants sûrement, avec les habitants peut-être, par les habitants, sûrement pas.

Cette surprise ne devrait pourtant pas en être une : à Gennevilliers, la mairie a pris pour habitude d’élaborer sa politique d’urbanisation sans, voire contre les habitants. Les réunions de quartier sont annoncées sur des affiches en quadrichromie, les plaquettes sont « participatives », les tribunes sont « coopératives », les interviews du maire pleines de « co-production » et autres jolis mots de la novlangue qui font bien pour la 6e République qui mettrait « L’humain d’abord ».

La réalité est autre. La métropole du Grand Paris fait injonction à Gennevilliers de produire 400 logements par an (l’équivalent d’un nouvelle barre de 11 étages) jusqu'en 2027, soit 5200. Et cela en raison de la ligne 13 croisant la futur ligne 15 à la gare du Grand Paris Express des Agnettes ? Qu’à cela ne tienne, la ville meilleure élève de la classe en construira 5316. Et rêve de monter le chiffre à plus de 700. Elle les concentre plus de cinq mille dans le nouveau centre-ville alors que la futur ligne 15 du métro passe aussi dans un autre quartier – plein de friches – où elle en a prévu… zéro. Résultat : des écoles surchargées (et qui pour celles des Agnettes sont en souffrance de rénovation). Une ligne 13 toujours plus saturée. Les habitants du nouvel éco quartier étouffent dans une densité splendidement inhumaine. On pourrait presque se passer des fruits d’un balcon à un autre…

Et le meilleur est à venir. Au quartier du Village, on projette de détruire une maison du 17e siècle, une magnifique meulière, le café où Fernand Raynaud écrivit « Le 22 à Asnières » et bien d’autres pavillons de banlieue aujourd’hui habités, rénovés pour certains, souvent bichonnés avec amour. Et  pour quoi ? Toujours plus construire ! La « rénovation urbaine » promet de densifier Les Agnettes, quartier de grands ensembles des années 50-60. Les grands espaces verts où la nature pousse en liberté, les enfants jouent, les ados tapent dans le ballon, les vieux musardent, les chiens courent vont être remplis de béton. La ceinture de petits arbres autours du quartier qui accueille une riche population d’oiseaux va laisser place à des copropriétés avec vue sur la nationale. Contre l’avis des habitants qui ont dit leur refus de cette densification lors de la première phase de concertation. Au moins aux Agnettes, une concertation s’ébauche, un Conseil citoyen tente de se prendre en main, l’Alliance citoyenne soutient les habitants dans leur auto-organisation pour se faire entendre…

Mais depuis la rentrée un gratte-ciel nous est tombé sur la tête : une « tour infernale » comme l’ont qualifiée les habitants. 16 étages, 40 mètres de haut. Des appartements entre 300 000 et 600 000 euros, innaccessibles pour la plupart des habitants de Gennevilliers et des alentours. Une centaine d’enfants en plus dans les écoles, 300 personnes de plus sur la ligne 13. Placée de telle façon qu’elle prive 300 logements sociaux du soleil du matin, vole à des dizaines leur seul luxe d’immeuble en souffrance de rénovation : la vue sur la tour Eiffel et le Sacré Cœur. « Tour avec vue sur Paris » promet le promoteur aux futurs acheteurs. A Gennevilliers, on prend aux pauvres pour donner aux riches, Robin des tours, au secours !

Dans sa note de blog annonçant la création de « La ville en commun », Patrice Leclerc annonçait vouloir « rechercher les vecteurs d’une nouvelle dynamique démocratique, assise sur des idéaux d’émancipation individuelle et sociale. » Et dans la pratique ? Le permis de construire de cette tour « discuté » en majorité municipal une semaine après avoir été signé ? Si nous n’avions pas troublé le conseil municipal, le projet y aurait-il été débattu ? Comment expliquer l’absence de toute réunion de concertation sur ce projet ? Il y a bien eu des réunions, mais pour un projet différent abandonné il y a exactement trois ans. Résultat : celui-là a été fabriqué en catimini par le promoteur et la ville. Comment expliquer le refus même d’une réunion d’information ?

Vous n’y croyez pas ? Nous n’en revenons toujours pas. Et encore, nous vous épargnons les interdictions de salle pour nos réunions, les rumeurs qu’on lance contre nous, les mauvais coups du promoteur (avec l’aide de la mairie) contre nos efforts désespérés pour ralentir le projet, la menace de préemption sur le local que nous voulons acheter, les pressions sur les personnels municipaux ou les militants « du parti » qui luttent avec nous. Patrice Leclerc a assurément une drôle d’idée de ce que doit être une « nouvelle dynamique démocratique » dans sa ville. Elsa Faucillon, candidate aux législatives, a un suppléant qui a une drôle de vision du respect des habitants. Jean-Luc Mélenchon, un soutien bien peu insoumis aux promoteurs...

Nous, habitants des Agnettes, de l’éco quartier avec le soutien de nos amis du village – eux mêmes en lutte contre une ZAC habillée d’une bien étrange concertation - demandons l’arrêt du projet de tour et la réouverture d’une concertation. Hier on a détruit des tours, des bâtiments hyper denses au Luth et aux Grésillons, aujourd’hui, on en construit dans le centre-ville. Ne répétons pas les erreurs qui ont été faites par le passé ! Faire la ville en commun, oui, avec les habitants ! Faire la ville autrement, oui, sans tour !