UE et climat : les promesses oubliées d'Emmanuel Macron
Il y a un an, lors du discours sur l’Europe à la Sorbonne, Emmanuel Macron partageait son idéal européen pour défendre la démocratie, le climat et le modèle social européen. Douze mois plus tard, ce discours a beaucoup vieilli et les récents développements européens prouvent une chose : le gouvernement français a bien tourné la page du discours de la Sorbonne.
Enterrer les idées par les actes : la proposition de loi Omnibus
La proposition Omnibus, qui vient modifier la loi européenne sur le devoir de vigilance et celle sur le reporting extra-financier, est l'un des premiers textes européens depuis les dernières élections européennes. Sous prétexte de « simplification », la loi viendrait détruire de nombreuses avancées sur les droits humains et sociaux, sur le climat, l'environnement ou encore la biodiversité. Elle viendrait freiner les entreprises dans leurs efforts de transition en ajoutant de l'incertitude au cadre réglementaire censé nous permettre d'atteindre collectivement nos objectifs climatiques. Elle viendrait exclure 80 % des entreprises couvertes par les obligations d’informations environnementales. En proposant de supprimer également des parties conséquentes de la transparence extra-financière – c'est-à-dire des indicateurs qui permettent de comparer les entreprises entre elles sur des sujets écologiques, sociaux ou de gouvernance – l'Union européenne favoriserait le greenwashing.

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Il est désormais loin le discours qui rappelait l'importance de « protéger notre modèle social, en impliquant là aussi nos standards sociaux » ainsi que « nos ambitions climatiques, en défendant nos standards environnementaux ». Il n'est plus question non plus de « décarboner nos économies et répondre aux défis de la biodiversité et du climat » comme le promettait le président Macron.
Emmanuel Macron, la France et l'Union européenne semblent avoir abandonné progressivement ces objectifs pour satisfaire les principaux lobbies économiques et financiers qui souhaitent suivre l’exemple américain, où la déréglementation est en cours. Pourtant, il y a un an, le président français appelait l’UE à prouver qu’elle est autonome, en poursuivant « ce chemin qui nous permet, sur les sujets d'éducation, de santé, de climat, de lutte contre la pauvreté, d'avoir une voix singulière, [...] de montrer qu'il n'y a jamais chez nous de doubles standards ».
Des négociations très secrètes
Et si Emmanuel Macron appelait il y a tout juste un an à davantage de participation citoyenne, « dès l'étape d'élaboration de la norme, mais aussi dans leur mise en œuvre », il est le premier à ne pas s’y être plié. Alors que la proposition de loi Omnibus a été massivement dénoncée par la société civile – ONG, syndicats, universitaires ou encore économistes –, ainsi que par certains acteurs économiques et financiers, très peu ont été écoutés par le gouvernement français, et par la Commission européenne.
Un vrai recul démocratique puisqu’il y a quelques années encore, l’élaboration de la directive sur le devoir de vigilance (CSDDD) et de la directive sur le reporting extra-financier (CSRD), qui sont aujourd'hui menacées d’être « simplifiées » à la tronçonneuse, avaient fait l'objet de longues négociations avec les parties prenantes. Entreprises, acteurs financiers, ONG et universitaires avaient participé à la consultation publique organisée par la Commission, avant que ces lois ne soient examinées par le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne.
Cet abandon de la notion de consultation est incompréhensible. D'ailleurs, exclure les voix dissonantes pour ne garder que les arguments en faveur de la dérégulation est en opposition avec les engagements du Président Macron et les principes du « mieux légiférer » de la Commission européenne qui mettent clairement en avant le besoin de consulter les citoyens européens.
Enfin, la position française sur le dossier n'a pas officiellement été rendue publique, malgré les demandes en ce sens de la société civile. La France compte-t-elle défendre les plans de transition climatiques ambitieux de la loi sur le devoir de vigilance ? Cherchera-t-elle à exclure les multinationales de leurs obligations climatiques ?
Voir aussi :
La France oserait-elle laisser un blanc-seing à la finance ?
La France négocie aujourd'hui dans l'obscurité, et dans le dos de ses citoyens sur des textes qui sont pourtant cruciaux pour l’avenir des Français et des Européens, et pour le monde dans lequel ils vivront. Cela doit changer : le gouvernement doit être transparent sur sa position à l’égard des textes européens sur le climat, les droits sociaux et l’environnement, et défendre les avancées, comme le président Macron le promettait dans son discours il y a un an.
Les cinquante premiers signataires :
Lucie Pinson, Fondatrice et Directrice exécutive de Reclaim Finance
Jézabel Couppey-Soubeyran, Économiste et maîtresse de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Cécile Duflot, Directrice générale d'Oxfam France
Alain Grandjean, Président de The other economy
Morgane Créach, Directrice générale du Réseau Action Climat
Nicolas Dufrêne, Directeur de l'Institut Rousseau
Lou Chesné, Attac France
Nicolas Mottis, Professeur à l'Ecole polytechnique
Virginie Amieux, Présidente du CCFD-Terre Solidaire
Laurence Scialom, Professeure des Universités, Université Paris Nanterre, EconomiX UMR CNRS
Mehdi Achour, Directeur de ActionAid France
Julien Lefournier, Expert associé - Institut Veblen & Chaire Energie et Prospérité
Sandra Cossart, Directrice de l'association Sherpa
Gunther Capelle-Blancard, Professeur à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Pour un réveil écologique
Jean-Marie Monnier, Professeur émérite d'économie Université Paris1 Panthéon-Sorbonne
Viviane de Beaufort, Professeure chercheur à l'ESSEC BS, directrice du CEDE, chaire Jean Monnet, codirectrice filière affaires Européennes
Olivier Brossard, Professeur à Sciences Po Toulouse, chercheur au LEREPS, Chaire UNESCO Bernard Maris
Etienne Pataut, Professeur à l'Ecole de droit de la Sorbonne (Paris 1)
Aïda Bennini, Maître de conférence à l’université de Caen normandie
Dorian Jullien, Maître de conférences à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Adélaïde Charlier, Activiste pour la justice climatique, co-fondatrice de YouthForClimateBE et The Bridge
Thomas Renault, Maître de conférences, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Anne-Laure Le Nadant, Professeur à l’université Rennes 2
Raphael Soubeyran, Directeur de Recherche INRAE; Directeur Adjoint du Centre d'Economie de l'Environnement de Montpellier (CEE-M)
Antoine Touzain, Professeur de droit privé à l'Université Rouen Normandie
Jean-Pierre Boissin, Professeur des Universités Université Côte d'Azur
Roland Pérez, Professeur (ém.) Université Montpellier
Gaëtan Gabriele, Créateur de contenus Climat
Jérôme Blanc, Professeur à Sciences Po Lyon
Charles Merlin, Créateur de contenu engagé avec VivreMoinsCon
Samira Demaria, Maitre de Conférences-HDR Université Côte d'Azur
Laetitia Lepetit, Enseignant-chercheur, Université de Limoges
Chloé Mikolajczak, Activiste pour la justice sociale et environnemental
Emmanuelle NYS, Enseignante-Chercheure à l'Université de Limoges
Gaëtan Le Quang, Maître de conférences en sciences économiques à l’Université Paris Nanterre
Ruth Tacneng, Enseignant-chercheur à l’université de Limoges
Laurine Martinoty, Maîtresse de conférences, Paris 1 Panthéon Sorbonne
Delphine Brochard, MCF à l'université Paris 1
Ai-Thu Dang, Maître de conférences en sciences économiques - Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Patricia Vornetti, Maître de conférences à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Ophélie Damblé, Fondatrice de Ta Mère Nature
Julie Valentin, Enseignante-chercheuse à l'université Paris 1
Camille Chaudron, Mediactiviste @girl_go_green
Jérôme Gautié, Enseignant-Chercheur à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Ai-Thu DANG, Maître de conférences en sciences économiques - Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Patricia Vornetti, Maître de conférences à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Lucie Morauw, Activiste justice climatique et sociale
Laurie Pazienza, Activiste pour la justice environnementale et sociale
Rémi Turquier, Doctorant·e à l'Université Paris 1 - Panthéon Sorbonne
Samuel Bates, Chercheur à l'université des Antilles
Magalie Viallon, Chercheur @UMR CNSR 5220 INSERM 1294 (Université de Lyon, INSA de Lyon)
Vincent Drezet, Porte -parole d'Attac France
Joël MARTY, Co-Président du CTC 42 Collectif Transition Citoyenne