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Tribune 28 octobre 2025

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Accord commercial UE-Mercosur : lettre ouverte à Emmanuel Macron

Concernant l'Accord commercial UE-Mercosur, Emmanuel Macron vient de confirmer en marge du Conseil européen que la France était subitement passée d'un « Non en l'état » à un « Oui probablement », en insistant sur de prétendues garanties nouvelles alors que le contenu même de l'accord n'a pas été modifié. Plus de 40 organisations de la société civile l’interpellent : « pourquoi accepter aujourd’hui ce qui était présenté comme inacceptable l’hiver dernier ? »

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Concernant l'Accord commercial UE-Mercosur, Emmanuel Macron vient de confirmer en marge du Conseil européen que la France était subitement passée d'un « Non en l'état » à un « Oui probablement », en insistant sur de prétendues garanties nouvelles alors que le contenu même de l'accord n'a pas été modifié. Plus de 40 organisations de la société civile l’interpellent dans une lettre ouverte que nous publions ci-dessous : pourquoi accepter aujourd’hui ce qui était présenté comme inacceptable l’hiver dernier ?

En parallèle, les internautes sont invités à soutenir cette lettre ouverte et à écrire, via un outil électronique, à E. Macron et ses ministres. De leur côté, plusieurs collectivités territoriales viennent de voter des voeux « contre l’accord UE-Mercosur et pour la délocalisation écologique et solidaire ». A l’échelle européenne, c’est un « toxic tour » que la coalition européenne a entrepris pour faire bouger les lignes. La bataille contre l’Accord UE-Mercosur reprend de plus belle. 

*****

Monsieur le Président de la République,

Par ce courrier, nous, organisations de la société civile soussignées, exprimons nos plus vives inquiétudes et notre totale incompréhension devant les réactions complaisantes provenant de l’Elysée et de plusieurs ministères suite à la décision de la Commission européenne de transmettre l’accord de libre-échange UE-Mercosur au Conseil des 27 États-membres de l’Union européenne pour une ratification expresse et sans consultation démocratique des Parlements des États membres sur la partie commerciale de l’accord.

Rappelons que le 6 décembre 2024, alors que la présidente de la Commission européenne annonçait avoir conclu les négociations du contenu de l’accord, vous faisiez savoir que le texte « restait inacceptable en l’état »(1). Lors du dernier Salon de l’agriculture, en février 2025, vous qualifiez encore le contenu de « mauvais texte », précisant que vous feriez « tout pour qu’il ne suive pas son chemin, pour protéger cette souveraineté alimentaire française et européenne » (2).

Nos inquiétudes et notre incompréhension sont d’autant plus vives que le contenu de l’accord n’a été l’objet d’aucune modification de substance depuis décembre 2024. Seules une révision légale et la traduction de l’accord ont été menées à bien. Subitement, l’exécutif français est donc passé d’un « Non en l’état » à un « Oui probablement », abandonnant en rase campagne les trois lignes rouges qu’il avait fixées en 2020 suite à la publication du rapport Ambec, et acceptant de facto ce que la France jugeait inacceptable il y a encore peu.

Rien ne saurait justifier ce brusque changement de position, particulièrement dans le contexte où la distorsion de concurrence et de normes environnementales et sociales entre les produits en France et dans l’UE et les produits importés des pays du Mercosur est l’objet de débats brûlants et légitimes. Car non, l’accord présenté par la Commission européenne ne va pas « dans le bon sens ». L’analyse attentive de son contenu montre bien que l'ouverture des marchés agricoles européens a servi de monnaie d’échange.

Illustration 1
Manifestation contre l'accord UE-Mercosur à l'appel à de la Confédération paysanne, Paris, octobre 2025 © Collectif stopcetamercosur

Ce n’est pas « la clause de sauvegarde » mise en avant par la Commission européenne, et présente dans l’accord depuis 2019, qui saurait changer la donne : on ne règle pas des risques de déstabilisation structurelle de marchés agricoles par l’activation d’une mesure par définition temporaire et dont l’usage est limitatif et exceptionnel. Face à ces risques structurels persistants, la réponse de l’UE consiste à mettre sur pied un fonds de compensation des agriculteurs mis en danger par cette concurrence déloyale : les agriculteurs·trices veulent vivre de leur travail, pas être indemnisés pour disparaître

Précisons également que l’analyse du contenu de l’accord montre que les lignes rouges énoncées par la France à l’automne 2020 ne sont pas satisfaites par l’ajout d’une annexe sur le développement durable. Ni sur la déforestation puisque la promesse ne comporte aucune dimension exécutoire et que la mise en œuvre du règlement européen contre la déforestation, initialement porté par la France, serait compromise par l'accord commercial. Ni sur le climat puisque l’accord ne saurait être suspendu si un Etat menait des politiques contraires à la lutte contre le changement climatique. Ni sur le respect des normes sanitaires et environnementales de l’Union européenne puisqu’il ne saurait être exigé des produits importés qu’ils soient produits selon des processus similaires aux produits européens.

Ce changement de position soudain de la France est d’autant plus préoccupant que cet accord de libre-échange soulève toujours des objections sévères pour ses impacts des deux côtés de l’Atlantique en matière de climat, de droits humains et des peuples autochtones en particulier, de déforestation, de biodiversité, de bien-être animal, d’extraction minière, d’emplois et de justice sociale. Raison pour laquelle, nous vous demandons de :

  • clarifier publiquement la position française et expliquer comment vous allez vous y prendre pour bloquer la ratification de cet accord ;
  • construire une minorité de blocage avec les autres pays européens critiques de cet accord (Autriche, Irlande, Pays-Bas, Pologne, etc) ;
  • vous opposer par tous les moyens à votre disposition à la division de l’accord en deux (« splitting ») voulu par la Commission européenne afin d’accélérer la ratification de la partie commerciale de l’accord.

Nous souhaitons enfin profiter de ce courrier pour rappeler que les derniers sondages d’opinion montrent que les accords de libéralisation du commerce sont largement rejetés par l’opinion publique de nombreux pays, notamment en France (3) : il n’y a plus de majorité sociale en faveur d’accords qui contribuent à importer et exporter toujours plus de biens et services par delà les frontières au détriment des bons emplois, de l’activité agricole et industrielle, des productions de qualité, du climat et de la biodiversité, des droits humains et sociaux, etc.

Veuillez recevoir, Monsieur le Président de la République, nos respectueuses salutations.

Notes :

  1. Accord UE-Mercosur : « Ce n’est pas la fin de l’histoire », réagit l’Elysée, pour qui le texte « reste inacceptable en l’état » 
  2. Face aux agriculteurs, Macron fustige l'accord Mercosur, « un mauvais texte »
  3. 76% des Français s'opposent à l'accord avec le Mercosur

Organisations Signataires : 

ActionAid France

Action non-violente COP21 (ANV-COP21)

Agir pour l’environnement

Aitec

all4trees

Alofa Tuvalu

Alternatiba

Amis de la Terre France

Attac France

Bio Consom’acteurs

BLOOM

CADTM France

Canopé

Collectif national Stop Mercosur

Commerce Equitable France

Confédération Générale du Travail - CGT

Confédération paysanne

Crid

Ekō

Emmaüs International

Fédération Artisans du Monde

foodwatch

Fondation Copernic

France Amérique Latine - FAL

France Nature Environnement

FSU - Fédération Syndicale Unitaire

GAFE-France

Générations Futures

Greenpeace France

Ingénieurs sans frontière Agrista

LDH

Les Ami·e·s de la Confédération paysanne

Max Havelaar France

MIRAMAP

MRJC - Mouvement Rural de Jeunesse Chrétienne
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