Nous, citoyen·nes, collectifs et associations, universitaires, élu·es, journalistes, artisans, artistes, apportons notre soutien aux habitant·es du squat des Roches Blanches. À Douarnenez, sur la côte du Finistère, ils et elles sont un exemple de résistance populaire à la touristification de nos littoraux et à la prédation immobilière de nos villes.
Ils et elles habitent depuis plus de 15 ans des bâtiments, perchés sur les falaises et surplombant l’océan, qui sans eux aurait été livrés à l’abandon. Mais en juillet 2025, ils et elles apprennent par la presse qu’ils seront mis aux enchères le 3 septembre de la même année. Ce lieu est en liquidation judiciaire suite à une faillite, depuis plus de vingt ans. Aucun investisseur immobilier ne s’était intéressé à cette ancienne colonie de vacances, fermée depuis 2005 avant d’être occupée par le collectif en 2010. Mais le mandataire judiciaire n’a pas songé, évidemment, à le céder aux propriétaires d’usage à un prix abordable. Non, après vingt ans de gentrification, chaque mètre carré du littoral se monnaie à prix d’or, pour être converti en complexe hôtelier, espace naturel touristique, ou autre investissement rentable.

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Depuis qu’ils et elles le savent, les habitant·es s’organisent pour acheter collectivement ce lieu et le faire sortir du marché de la spéculation immobilière. C’est la seule manière à ce jour de légaliser leur présence et d’éviter une expulsion, pour ces personnes qui ont déjà connu la violence institutionnelle qui frappe les plus précaires. Qu’ils et elles puissent rester dans ce lieu qui leur appartient, et qu’il ne soit vendu à personne d’autre ! Honte à ceux qui se positionneront sur cette vente, avec plus de moyens mais des projets délétères. Tristesse si un rachat permettait la démolition, si l’écologie servait d’excuse pour expulser et casser quinze années de projets fertiles et de dynamiques sociales, tout en permettant la bétonisation d’autres terres. Et longue vie à cet habitat refuge pour les précaires, à ce projet écologique et solidaire. Les Roches montrent qu’on peut faire vivre la culture et protéger la nature d’un littoral, sans céder à la dictature du profit !
Un lieu d’hospitalité et d’entraide, préservé de la prédation immobilière
En France aujourd’hui, 330 000 personnes vivent à la rue, 1,8 million de ménages sont en attente d’un premier logement social et les locataires les plus modestes du parc privé dépensent près de la moitié de leur revenu dans leur loyeri. Les logements abordables sont de plus en plus rares et pour cause : les logiques spéculatives font exploser le nombre de logements vacants (3 millions) ; la gentrification pousse les loyers à des niveaux inabordables. Les grandes métropoles sont touchées, mais aussi les petites villes touristiques, surtout celles de nos littoraux. À Douarnenez, en vingt ans, le nombre de logements vides a augmenté de 53 %, pendant que celui des résidences secondaires a grimpé de 42 %ii. Les Airbnb se multiplient, et avec eux ces villas aux volets fermés pendant l’essentiel de l’année, qui côtoient des logements aux loyers de plus en plus exorbitants. Pour obtenir un logement social, il faut souvent attendre plusieurs années ! D’autres lieux alternatifs, d’habitation ou non, sont eux aussi en danger alors qu’ils perpétuent la tradition de culturelle et populaire de Douarnenez.
Dans ce contexte délétère, les Roches est un lieu d’accueil essentiel pour celles et ceux qui ne trouvent ni logement, ni hébergement dans la ville. C’est un de ces rares endroits où on peut habiter sans avoir à verser de loyer à un rentier, ou de taux d’intérêt à une banque. Alors que la ville est de plus en plus ségréguée, réservant les logements du littoral aux classes supérieures en vacances, les Roches nous rappellent que les plus précaires aussi ont droit à la vue sur mer. Qu’ils et elles ont droit d’habiter dignement et que, très certainement, ils et elles traitent bien mieux le littoral qu’un promoteur. Toute l’année, les habitant·es des Roches s’organisent collectivement pour sécuriser et entretenir leurs bâtiments exposés aux vents : rénovation des toitures, aménagement des combles, isolation des chambres... Ils et elles paient les charges collectives, de manière solidaire (eau, électricité, ordures ménagères…). Défendons ce lieu d’habitat, dernier refuge pour les précaires, à l’heure où nos villes et nos côtes sont dévorées par le marché immobilier !

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Les Roches blanches, c’est aussi un lieu d’accueil pour les personnes en galère. Celles et ceux qui sont en détresse psychologique ou qui se battent avec des addictions. Celles et ceux qui subissent les jugements dans les institutions du social ou qui n’y trouvent tout simplement pas de place. Celles et ceux qui, en difficulté administrative, sont exclus des dispositifs d’hébergement, du parc d’habitat social et du marché privé du logement. Pour toutes ces personnes, les Roches est un lieu pour se restaurer, se mettre à l’abri, trouver un toit mais aussi une aération et une écoute. Aujourd’hui, alors que l’État social est plus que jamais défaillant dans ses missions d’accueil et d’assistance et que les services municipaux sont sous-dotés, il fait partie de ces initiatives citoyennes qui jouent un rôle primordial : Même le Centre communal d'action sociale renvoie les personnes en précarité vers le squat. Défendons ce lieu d’entraide auto-organisé, qui fait primer les valeurs de l’hospitalité et de l’entraide !
Un projet culturel et écologique, préservé de la dictature du profit
Les Roches Blanches, c’est aussi un lieu où humains et non humains cohabitent : poules, chiens, chats, chèvres et moutons s’y côtoient. C’est un lieu où l’on apprend que la production agricole peut se faire dans le respect de la nature et du vivant, sans tomber sous la dictature de l’industrie agro-alimentaire. Au marché de Douarnenez, tout le monde a goûté au fromage fait aux Roches, et à un prix décent ! Le travail des produits laitiers est un savoir-faire parmi tant d’autres qui s’exerce et se transmet dans ce lieu, qui accueille aussi des espaces pour travailler le bois, le métal, la couture, la voilerie, les voitures, les bateaux, les poissons… Il accueille aussi des ateliers équipés, pour s’entraîner à la musique, à la danse, et au spectacle vivant dans toutes ses formes.
Tant d’artistes y sont venus pour se former, exposer, préparer leurs tournées, avant de jouer à Douarnenez, en Bretagne, en France, à l’international. À l’heure où l’art est de moins en moins accessible et où les statuts de nos artistes sont mis à mal, défendre les Roches, c’est aussi défendre une culture démocratique et populaire !
Tant de personnes y sont passées, aussi, pour y apprendre et y exercer un métier. À l’heure où les formations et le matériel deviennent inabordable, défendre les Roches, c’est également défendre l’artisanat et le droit de chacun·e d’exercer librement son travail !
Enfin, tant de projets collectifs y ont vu le jour ou sont passés par-là pour se structurer. À l’heure où les subventions disparaissent une à une, c’est aussi cela que nous défendons en soutenant les Roches : l’autonomie de nos projets associatifs, leur survie même, grâce à l’entraide collective !
Vendre ce bien à des investisseurs, c’est livrer ces ateliers à une démolition certaine et exposer cet endroit préservé de la côte à la prédation immobilière. C’est aussi exposer ces habitant·es à une expulsion et à une nouvelle précarité, loin des dynamiques d’experérimentation de vivre ensemble enclenchées ces dernières années. Nous nous y opposons fermement. Pour des littoraux vivants, hospitaliers et solidaires : longue vie aux Roches Blanches !
Retrouvez le lien vers la tribune à signer ici.
Premier·es signataires :
Guillaume Meurice humoriste
Blanche Gardin Artiste
Philippe Poutou Militant anticapitaliste
Corinne Masiero Comédienne
Cédric Herrou Agriculteur solidaire
Yannick Reix Directeur du festival cinéma Douarnenez
Mathieu Rigouste Squateur en sciences sociales
Pauline Louis-Joseph-Dogué Conseillère départemental du Finistère
Jean Claude Cotillard Artiste
Yanis Youlountas Réalisateur
Kevin Vacher Sociologue et militant politique
Yves Marie Abraham Prof. HEC Montréal (décroissance)
Olivier Favier Journaliste
Claude Hirsch Documentariste
Jean Rondeau Musicien engagé
Franck Dorso Sociologue
Julien Talpin Sociologue
Antonio Delfini Sociologue
Jean Marie Giliot Maitre de conférence
Camille François Sociologue
Julien O'Miel Sociologue
Achille Artiste engagé.e
Emanuel Guay Intervenant en Immobilier
Aurelien Bouayad Enseignant chercheur musicien
Jonathan Durand Folco chercheur et auteur
Mégane Brauer Artiste
Sunniva Labarthe Docteure en socio EHESS
Charles Reveillere Sociologue spécialisé Droit au Logement
Emilie Kermanac'h Coopératrice
Sofi Muz Artiste
Andréa Gabriel Habitant de Douarnenez
Philippe Bazin Artiste
Louise Scalbert Enseignante
Romain Landat Artiste du spectacle vivant
Alexandre Gain Militant du droit au logement
Laure Barillé Artiste
Christian Laval Sociologue défendeur des communs
Christiane Vollaire Philosophe chercheure associée à l'Université Paris Cité
Compagnie la Tétue Spectacles de proximité. Cie pluridisciplinaire.
Haze Musazi Artiste engagé.e et militant.e
Irene Bailo Réalisatrice
Clément Janinet Artiste
Julie Michelin Autrice de bd, illustratrice
Céline Ducreux Monteuse de film documentaire
Odile Méndez-Bonito Productrice de film
Fanny Penin Photographe auteure
Ève Risser Pianiste compositrice
Laurent Becquart Mediateur et Ingenieur
Olivier Scheinder comédien et auteur
Ebenezer AKLOE musicien
Georges Saumier Militant du droit au logement
Jeanne Bleuse Artiste
Clothilde Rullaud Artiste
Antoine Bouhey militant associatif
Zoumana Diawara artiste musicien et fabricant d'instruments
Tom Boyaval Artiste Chroregraphe
Tatiana Paris Musicienne
franck Reinhardt Artiste plasticien
Céline Voccia Pianiste composititrice
Clara Levy interprète compositrice
Festina Lente collectif de bateaux spectacles, théâtre itinérant
Delphine Joussein Musicienne
Eva Murith Habitante douarneniste
Athanase Obed Dehumon Musicien membre du groupe Gangbe Brass band
Maelle Desbrosses Musicienne
Cristelle Andorin conceptrice en bâtiment bio climatique et animatrice de chantier participatif
Arthur Ely auteur et musicien
Moroy Evelyne co fondatrice de la maraude
Charlotte De Jesus Compagnie ReVeR
Nil Paixão Artiste chanteuse
Nainy Diabate Griotte malienne chanteuse musicienne
Wassa Kouyate Joueuse de Kora chanteuse malienne
Fatima Maiga Guiteriste chanteuse malienne
Oumou Koïta Percussionniste danseuse malienne
Bintou Koïta Percussionniste danseuse malienne
Nils Ostendorf Trompettiste compositeur
Jean Lucas Tromboniste chanteur compositeur
Grégoire Tirtiaux Saxophoniste artiste
Fanny Lasfargues Bassiste compositrice
Sakina Abdou Saxophoniste improvisatrice
Alexandra Grimal Saxophoniste compositrice
Emmanuel Scarpa Musicien batteur
Sarah Andres Journaliste
i Union sociale pour l'habitat, Chiffres clés du logement social - Edition nationale 2024, rapport publié le 15 juillet 2025
ii Habiter une ville touristique. Une vue sur mer pour les précaires, collectif Droit à la ville Douarnenez, préface de Mickaël Correia, Éditions du Commun, 2023