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Tribune 29 octobre 2023

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Conflit au Proche-Orient : protéger les journalistes et assurer leur libre accès aux zones concernées est plus que jamais un devoir

« À l’heure où nous écrivons ces lignes, 28 journalistes ont été tués. » Depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 et la riposte israélienne qui a suivi, la presse paie un très lourd tribut. Alors que la communauté internationale ne parvient pas à imposer un cessez-le-feu et que Gaza devient un « trou noir de l’information », 33 Sociétés de journalistes, ainsi qu’un large ensemble de journalistes et d’organisations de la profession, demandent aux autorités françaises et aux instances internationales d’appeler avec plus de fermeté à la protection de leurs consœurs et confrères palestiniens assiégés. 

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Depuis le 7 octobre 2023, la presse paie un très lourd tribut.

Nous, journalistes français, pour la plupart habitués à travailler dans des zones de conflits, demandons aux belligérants impliqués de protéger tous les reporters et d’ouvrir l’accès à la bande de Gaza à la presse internationale. 

Garantir une protection aux journalistes

À l’heure où nous écrivons ces lignes, 28 journalistes ont été tués, selon l’ONG Committee to Protect Journalists (CPJ), dont 23 Palestiniens, 4 Israéliens et un Libanais. Des dizaines d’autres ont été blessés. 

L’une des premières victimes avait 22 ans. Ibrahim Lafi a été tué le 7 octobre 2023 alors qu’il couvrait pour Aïn Media l’attaque du Hamas sur le point de passage d’Erez. Il portait son gilet pare-balles bleu sur lequel était inscrit ce qui était censé garantir sa vie : « Press ». Le jeune Gazaoui était connu des médias français. Il avait entre autres travaillé pour Mediapart et Politis

Le 13 octobre au Sud-Liban, ce sont des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP), Reuters, et Al Jazeera qui ont été frappés par deux tirs d’artillerie israéliens successifs, alors qu’ils couvraient les affrontements à la frontière entre le Hezbollah et l’armée israélienne. Ils étaient, eux aussi, clairement identifiables en leur qualité de journalistes. Issam Abdallah, 37 ans, journaliste à Reuters, a été tué sur le coup. Six de ses collègues ont été blessés. 

Le 19 octobre, une frappe aérienne a détruit une rédaction éphémère sous une tente abritant des équipes de la BBC, de Reuters, d’Al Jazeera, de l’AFP, et des agences de presse locales, à proximité de l’hôpital Nasser de Khan Younès.

Le dimanche 22 octobre, Roshdi Sarraj est tué à son tour dans un bombardement à Gaza City alors qu’il sortait de la maison où il avait trouvé refuge avec sa femme et sa fille. Roshdi aussi avait travaillé pour de nombreux médias français, dont Radio France et Ouest-France

Cette liste n’est malheureusement pas exhaustive. 

Alors que la communauté internationale ne parvient pas à imposer un cessez-le-feu, et que l’armée israélienne a décidé d’étendre ses opérations terrestres dans la bande de Gaza, le nombre de journalistes tués risque fortement de croître. Dans ce climat de terreur, des consœurs et confrères disent ne plus être capables psychologiquement de travailler, paralysés à l’idée d’apprendre que leur famille a été décimée dans un bombardement. 

Comme ce fut le cas pour notre confrère Wael al-Dahdouh. Le 25 octobre, alors qu’il couvrait un bombardement en direct sur la chaîne d’information Al Jazeera, il a été averti de la mort de son épouse et de ses deux enfants. Wael al-Dahdouh est aussitôt retourné à l’antenne pour continuer son travail, sa mission d’informer, malgré le deuil.

« La première victime d’une guerre est la vérité »

Nous, journalistes français, interdits par les gouvernements israélien et égyptien de nous rendre sur place, nous ne pouvons rester impuissants face à cette situation. Protéger les journalistes, c’est protéger la liberté de la presse, pilier sans cesse secoué, mais indispensable des démocraties. En temps de guerre, face aux opérations de propagande de toute part, l’information est au cœur de la bataille. « La première victime d’une guerre est la vérité. » Si cet adage se vérifie à chaque conflit, il est sans précédent à Gaza.

Faut-il le rappeler ? Tuer des journalistes alors qu’ils ne prennent pas part au conflit constitue un crime de guerre au sens des dispositions de l’article 8 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Nos consœurs et nos confrères ont-ils été délibérément ciblés ? Nous demandons une enquête indépendante et transparente sur les circonstances de leur mort. 

Restent les vivants, ceux sans qui nous ne pourrions voir ni entendre les conséquences des bombardements israéliens dans la bande de Gaza.

Si celles et ceux qui sont nos yeux et nos oreilles disparaissaient, nous serions sourds et aveugles, et la bande de Gaza deviendrait un trou noir de l’information, un blackout médiatique imposé par Israël, pour reprendre l’expression de Reporters sans frontières.

Manque de moyens

Depuis que de nombreux médias ont été entièrement ou partiellement détruits à Gaza par l’aviation israélienne, nos consoeurs et confrères palestiniens manquent cruellement de moyens pour faire leur travail. Dépourvus de batteries pour leurs appareils photo, sans ordinateurs ni moyens de communication fiables, certains ont tout perdu. D’autres ont dû tout abandonner après avoir reçu l’ordre par l’armée israélienne de quitter au plus vite leurs appartements. Depuis le 28 octobre 2023, les journalistes de Gaza n’ont parfois plus aucune connexion internet et n’ont que peu d’électricité pour recharger leurs matériels. Ceci constitue une autre entrave au travail de la presse dans un territoire où la liberté d’informer est déjà régulièrement bafouée par le Hamas et ses alliés.

Nous demandons aux autorités françaises et aux instances internationales d’appeler avec plus de fermeté à la protection et à la liberté de mouvement de nos consoeurs et confrères palestiniens assiégés.

La nécessité de laisser entrer la presse internationale

Après 16 ans de blocus, la bande de Gaza est soumise à un siège total depuis le 10 octobre. Plus personne n’entre ni ne sort de l’enclave palestinienne. Nous avons pu recueillir les témoignages des victimes de l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, nous devons pouvoir travailler en sécurité pour raconter ce qui se déroule à Gaza. Durant l’été 2014, l’armée israélienne avait ouvert l’accès à la presse internationale garantissant ainsi notre liberté d’informer. Ce n’est plus le cas. 

Laissez-nous entrer dans la bande de Gaza faire notre métier. 

Nous en connaissons les risques.

Tribune coécrite par des journalistes de la presse française et francophone.

Signataires :

Sociétés de journalistes de l’AFP ; Arrêt sur images ; BFMTV ; Challenges ; Courrier international ; Le Figaro ; France 3 rédaction nationale ; France 24 ; France Télévisions rédaction nationale ; Franceinfo.fr ; Disclose ; L’Humanité ; Libération ; M6 ; NRJ Group ; L’Obs ; Paris Match ; Mediapart ; Politis ; LCI ; Le Parisien ; Le Point ; Marianne; Premières Lignes ; Public Sénat ; Radio France ; RFI ; RMC ; RTL ; Sept à huit ; Télérama ; TF1 ; La Tribune ; L’Usine nouvelle ; La Vie.

Organisations :

Fédération internationale des journalistes ; le prix Albert Londres ; le prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre ; Reporters sans frontières ; Collectif les journalopes ; Collectif Long Shot ; Collectif Focus et Informer n’est pas un délit.

Journalistes :

Feurat Alani, journaliste, ancien correspondant à Bagdad

Sarah-Samya Anfis, correspondante à Tunis

Amar Al Hameedawi, journaliste, France 24

Victorine Alisse, photographe

Feriel Alouti, journaliste 

Sharon Aronowicz, journaliste 

Émilie Baujard, ancienne correspondante à Ramallah

Akram Belkaïd, journaliste, Le Monde diplomatique

Lucile Berland, journaliste 

Walid Berrissoul, journaliste

Véronique Blanc, journaliste

Sami Boukhelifa, correspondant de RFI à Jérusalem

Édith Bouvier, journaliste 

Véronique Brocard, journaliste, Siné mensuel

Patricia Chaira, photoreporter, SIPA

Solène Chalvon-Fioriti, journaliste

Benoît Chaumont, journaliste

Jean-Pierre Canet, journaliste

Julie Conan, adjointe au service international de La Croix

Sylvain Cypel, journaliste

Gwendoline Debono, ancienne correspondante à Jérusalem

Guilhem Delteil, ancien correspondant de RFI à Jérusalem

Jérémie Demay, journaliste

Jennifer Deschamps, journaliste

Vanessa Descouraux, journaliste, Radio France

Véronique de Viguerie, photographe 

Chloé Domat, correspondante à Beyrouth

Claire Duhamel, correspondante de France 24 à Jérusalem

Abdulmonam Eassa, photographe 

Nassira El Moaddem, journaliste, Arrêt sur images

Charles Enderlin, ancien correspondant de France 2 à Jérusalem

Wilson Fache, journaliste 

Agnès Faivre, journaliste 

Alice Froussard, ancienne correspondante au Proche-Orient 

Emmanuel Gagnier, journaliste

Cécile Galluccio, ancienne correspondante de France 24 et Radio Canada à Jérusalem

Laura-Maï Gaveriaux, journaliste 

Laurence Geai, photoreporter 

Inès Gil, journaliste 

Sarra Grira, journaliste, Orient XXI

Juliette Gheerbrant, journaliste, RFI

Pauline Godart, journaliste, France 24

Alain Gresh, journaliste fondateur d’Orient XXI

Solène Gripon, journaliste 

Sophie Guignon, correspondante à Beyrouth

Andrew Hilliar, journaliste, France 24

Mélina Huet, journaliste 

Jimmy Hutcheon, ancien correspondant à Jérusalem

Aline Jaccottet, journaliste, Le Temps

Nicolas Keraudren, journaliste

Daniel Kriegel, correspondante du Point à Jérusalem

Hélène Lam Trong, journaliste

Arthur Larie, photoreporter 

Ariane Lavrilleux, journaliste 

Meriem Lay, journaliste

Sophie Le Gall, journaliste

Cécile Lemoine, correspondante à Jérusalem

Thibaut Lefèvre, correspondant Radio France à Jérusalem

Julie Lotz, journaliste

Élise Lucet, journaliste

Matthieu Mabin, journaliste, France 24

Georges Malbrunot, journaliste, Le Figaro

Antoine Mariotti, ancien correspondant de France 24 à Jérusalem

Céline Martelet, journaliste 

Bastien Massa, journaliste 

Giona Messina, ancien correspondant de France Télévisions à Jérusalem

Frédéric Métézeau, ancien correspondant de Radio France à Jérusalem

Sina Mir, journaliste

Étienne Monin, ancien correspondant de Radio France à Jérusalem

Paul Moreira, journaliste, Premières Lignes

Jérémy Muller, journaliste, BFMTV

Sophie Nivelle-Cardinale, journaliste

Marie Normand, journaliste, RFI

Anne-Sophie Novel, journaliste

Salomé Parent-Rashdi, ancienne correspondante à Jérusalem

Céline Pierre-Magnani, journaliste 

Grégory Philipps, journaliste BFMTV, ancien correspondant de Radio France à Jérusalem

Noé Pignède, correspondant de Radio France à Beyrouth 

Tetiana Pryimachuk, journaliste

Émilie Raffoul, journaliste

Alexandre Rito, photoreporter

Nicolas Rouget, journaliste

Nicolas Rosenbaum, correspondant à Jérusalem

Arthur Sarradin, journaliste 

Chloé Sharrock, photographe

Saadia Sisaid, journaliste, Premières Lignes

Sadak Souici, photoreporter 

Laetitia Soudy, journaliste, BFMTV

Vincent Souriau, journaliste, RFI

Eva Tapiero, journaliste

Charles Thiefaine, photographe

Hugo Van Offel, journaliste

Oriane Verdier, journaliste, RFI

Catherine Weil Sinet, journaliste, Siné mensuel