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Tribune 31 janvier 2022

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L'Enseignement n’a pas de prix, mais l’Université a un coût

« Les étudiant·es s'inquiètent de la précarité, vous leur répondez compétitivité. Les étudiant·es parlent de s'épanouir, vous leur rétorquez rentabilité ». Après les déclarations d'E. Macron sur la fin de la gratuité de l'Université, des jeunes alertent sur les inégalités et la précarité qui les touchent déjà : « La fin de la gratuité de l’Enseignement Supérieur, c’est la fin de l’espoir et un obstacle insurmontable pour beaucoup. » Ils et elles demandent également l'ouverture du RSA aux moins de 25 ans.

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Le modèle de l’université française est envié dans le monde entier. Pourtant si notre service public de l’enseignement supérieur est une réussite, les études, elles, n'ont jamais été gratuites. Les frais de scolarité, le matériel informatique, les livres ou tout simplement la nourriture, l’hygiène et le loyer coûtent suffisamment cher aux étudiant·es pour qu’un cinquième vive sous le seuil de pauvreté et que la moitié travaille à côté de ses études.

Nous le savons, les jeunes souffrent. Les étudiant·es vivent dans la précarité et les décisions de ces 5 dernières années ont cristallisé ces inégalités. Après la baisse des APL, la hausse des loyers, la fin du repas à 1 euro alors que la crise sanitaire est toujours présente, vous avez fait naître de longues files d’attente devant les épiceries solidaires étudiantes. Face à la défaillance de l’Etat, nous, étudiant·es, devons nous organiser entre pairs pour survivre.

Les étudiant·es s'inquiètent de la précarité, vous leur répondez compétitivité. Les étudiant·es parlent de s'épanouir, vous leur rétorquez rentabilité. Et quand les étudiant·es vous parlent d'avenir, qu'est-ce que vous leur répondez ?

À vous qui osez discuter de cette « gratuité », vous qui avez fait l'ENA ou Normale Sup', qui avez été payés pour étudier et pour qui l'ambition n'était pas une question. A vous, nous déclarons notre colère et notre désaccord profond. Le modèle états-unien où les jeunes s’endettent pour étudier ne nous intéresse pas : nous n’en voulons pas, ni la jeunesse, ni les banlieues, ni la France d’en bas, ni la France rurale. La gratuité de l’enseignement est le dernier garde-fou, encore debout, qui permet de garantir à chacun et chacune l’opportunité de s’épanouir, peu importe son milieu social. Le briser revient également à rompre un principe à valeur constitutionnelle.

Cette gratuité a permis à plus d’un·e de s’en sortir, au prix d’efforts immenses, jonglant entre petits jobs, cours et examens.

Faut-il rappeler que ce mode de vie a des conséquences sur la santé mentale des étudiant·es, qui a été rudement mise à mal pendant la crise sanitaire ? Le suicide reste la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans selon un rapport de l'Observatoire national du suicide (ONS) publié en 2018. Dans le même temps, l’absence de la Ministre et les quelques polémiques stériles sur l’islamo-gauchisme n’ont pas aidé à mettre en place des solutions pérennes, bien au contraire.

Pour limiter le taux d'échec en première année, accompagnez davantage les lycéen·nes dans leur orientation, dès leur entrée en seconde et pas uniquement en terminale.

Pour limiter les décrochages en milieu de cycle, renforcez la possibilité de faire des stages en mettant la gratification a minima au seuil de pauvreté, soit 1063 euros ; donnez-nous des conditions d’enseignement décentes en rénovant les locaux et bibliothèques universitaires parfois indécents. Pour limiter la difficulté quotidienne, améliorez nos conditions de vie en construisant et réhabilitant plus de logements étudiants, mais aussi en rééchelonnant les bourses. C’est tout cela qui conditionne tant la qualité des enseignements que la qualité de l'apprentissage.

Enfin, autoriser le RSA aux moins de 25 ans permettrait à beaucoup de jeunes de ne pas cumuler études et emplois. Leur taux de réussite aux examens, qui vous préoccupe tant, augmenterait nettement.

La fin de la gratuité de l’Enseignement Supérieur, c’est la fin de l’espoir et un obstacle insurmontable pour beaucoup.
La fin de la gratuité, c'est un mécanisme de plus qui se grippe, dans les rouages de notre ascenseur social déjà bien rouillé.

Sauver la gratuité de l’Enseignement Supérieur, c’est sauver la République française et notre jeunesse.

Signataires :

Benjamin André, fondateur de la SurpreNantes Epicerie ; 
Maïalen Mallet, juriste, bénévole chez ZupdeCo et Femmes solidaires ; 
Victor Marion, fondateur de la Fédération étudiante du Mans ; 
Athénaïs Michel, co-fondatrice d’Assas in Progress.