Le sinistre constat est sans appel : les zones humides disparaissent à une vitesse alarmante !
Au cours du XXe siècle, les deux tiers de ces milieux ont été détruits en France. Or la volonté et l'action des pouvoirs publics pour préserver le tiers restant n'est pas à la hauteur ! Fait inquiétant, plusieurs propositions de loi visent aujourd’hui à revenir sur la définition des milieux humides pour affaiblir encore leur protection1.
Pourtant, les zones humides sont essentielles à notre avenir car elles sont la clef de voûte permettant de répondre aux enjeux environnementaux actuels. Leurs rôles sont indispensables pour :
- lutter contre le dérèglement climatique en stockant un quart du carbone terrestre alors qu'elles ne représentent que 6% des terres émergées ;
- limiter l’effondrement de la biodiversité en abritant la moitié des oiseaux et un tiers de la flore menacés de disparition ;
- diminuer la violence des crues et retarder les sécheresses en absorbant et stockant naturellement l'eau ;
- rendre à nos sociétés des services estimés à environ 3,8 milliards d’euros en France chaque année.
Pour toutes ces raisons essentielles, nous, scientifiques, personnalités et citoyen·nes appelons aujourd'hui à un sursaut immédiat pour la protection et la restauration de ces écosystèmes fragiles et considérés comme les plus menacés de la planète.

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Dans l’hexagone, des zones humides d'importance comme la Camargue, le Marais Poitevin ou encore la Brenne sont menacées. La pression des activités humaines se fait de plus en plus impactante sur ces milieux fragiles qui, trop souvent, sont encore perçus à tort comme inutiles ou un frein au développement de l'économie.
Nous dénonçons cette vision court-termiste et irresponsable, qui nie la valeur ajoutée non compensable des services rendus par les zones humides et demandons au gouvernement de s'assurer que le développement des activités humaines se fasse en concorde avec la préservation des milieux humides d'autant que l’État lui-même considère leur préservation et leur remise en état comme étant une priorité nationale2.
À ce titre, nous souhaitons ériger en symbole de ce combat la préservation de la narse de Nouvialle dans le Cantal.
De l'occitan narsa qui signifie zone humide, celle de Nouvialle constitue l'une des plus étendues et remarquables d’Auvergne. Avec ses 200 hectares de prairies agricoles et un double classement Natura 2000, elle conjugue vertueusement les enjeux de l'élevage extensif à ceux de la préservation de la biodiversité et du climat.
Cependant, elle est aujourd'hui menacée par un projet de carrières, porté par la multinationale Imerys, visant à exploiter la diatomite présente dans son sous-sol. Projet contesté par plus de 3300 personnes aux profils d'une grande diversité (riverains, naturalistes, chasseurs, élus, randonneurs, agriculteurs, pêcheurs...) réunis dans une alliance hors du commun.
Un patrimoine agricole et écologique menacé
Alimentée par des sources, des écoulements de surface et les précipitations locales, elle joue un rôle clé dans le cycle hydrologique de tout un bassin versant de plus de 1800 ha. Cependant, le projet d’extraction menace d’altérer irrémédiablement ses fonctions hydriques : menace sur le stockage de l'eau, destruction des sols, perturbation des nappes phréatiques, dégradation de la qualité des rivières à l’aval.
De plus, cette exploitation entraînerait la destruction des terres agricoles ainsi que l’habitat de nombreuses espèces animales et végétales qui y trouvent refuge. Plus de 30 agriculteurs occupent au moins une parcelle et près de 200 espèces d'oiseaux ont été recensées sur la narse dont 142 sont protégées, comme le Courlis cendré. La narse de Nouvialle est d'ailleurs l’un des derniers secteurs en Auvergne où cette espèce continue de se reproduire grâce à des pratiques agricoles vertueuses.
Adapter le modèle extractiviste pour préserver les zones humides
La diatomite présente dans le sous-sol de la narse de Nouvialle est une roche sédimentaire siliceuse. Cette ressource fossile est louée pour ces capacités de filtration et de rétention, mais elle est substituable dans la plupart de ces débouchés économiques.
En développant les techniques alternatives déjà existantes, notamment dans le secteur agroalimentaire (la filtration de la bière et autres liquides représente plus de la moitié des usages de la diatomite) et en abandonnant des débouchés non-essentiels (tapis de bain absorbant, litière pour chat...) pour se recentrer sur les stricts usages nobles (domaine pharmaceutique), les économies réalisées sur les gisements actuellement en activité permettraient de subvenir aux besoins durant des décennies sans avoir à ouvrir de nouvelles carrières ni ici ni ailleurs.
Dans un monde confronté à des défis environnementaux majeurs, un projet extractiviste tel que celui-ci ne peut plus être envisagé alors que des alternatives existent.
C'est pourquoi nous, signataires de cet appel, exhortons le gouvernement à respecter ses engagements car la préservation des zones humides n’est pas une option : elle est une impérieuse nécessité d’intérêt général !
Rejoignez cet appel en signant la pétition adressée au Premier Ministre.
L’avenir est un choix, pas une fatalité. Soyons à la hauteur des enjeux !
1- Proposition de Loi Duplomb ; Proposition de Loi sur la qualification des zones humides
2 - « Stratégie nationale biodiversité 2030, vivre en harmonie avec la nature » Mesure 25, décembre 2023
Signataires :
- Véronique ANDRIEUX, directrice générale du WWF France
- Christian AMBLARD, hydrobiologiste, Université de Clermont Auvergne, directeur de recherches honoraire au CNRS
- Eliane AUBERGER, présidente du Conservatoire d’espaces naturels d’Auvergne
- Eloïse BERARD, chargée de programmes à la Fondation Danielle Mitterrand
- Camille BESOMBES, médecin épidémiologiste
- Jérôme BIGNON, Président de Ramsar France
- Allain BOUGRAIN DUBOURG, Président de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO)
- Marine CALMET, Co-fondatrice, présidente, juriste - Programme Wild Legal
- Bruno CORBARA, enseignant-chercheur en écologie, co-gérant de SCIC agricole
- Hervé CUBIZOLLE, professeur des Universités
- Christophe CUDENNEC, professeur d’Université en hydrologie
- Charlène DESCOLLONGES, ingénieure hydrologue
- Arnaud DURANEL, éco-hydrologue, docteur en géographie physique
- Daniel GILBERT, professeur en écologie des zones humides à l’université de Franche Comté
- Sébastien GOGO, physicien adjoint au CNAP, coordinateur du SNO tourbières
- Agnès GOLFIER, directrice de la Fondation Danielle Mitterrand
- Pierre GOUBET, docteur en écologie des écosystèmes
- Jean JALBERT, directeur général de la Tour du Valat
- Michel JARRY, président de France Nature Environnement – Auvergne-Rhône-Alpes
- Sylvain KUPPEL, chargé de recherche en hydro-biochimie à l'IRD
- Julien LE GUET, batelier dans le Marais Poitevin, porte-parole du Collectif Bassines Non Merci
- Christophe LEPINE, Président de la Fédération des Conservatoires d’espaces naturels
- Alexandre LHOSMOT, Docteur en Sciences de la Terre, Université de Montréal
- Geneviève MAGNON, vice-Présidente de Ramsar France, présidente du Groupe d’Etudes des Tourbières
- Margot MISTARZ, responsable « Surveillance des habitats ouverts » - Patrinat – Centre d’expertise et de données sur le patrimoine naturel
- Baptiste MORIZOT, philosophe, maître de conférences à l'université d'Aix-Marseille, spécialiste des relations entre l'humain et le vivant.
- Pierre MOSSANT, directeur du Conservatoire d’espaces naturels d’Auvergne
- Jean-Pierre MOUSSUS, professeur agrégé à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon
- Francis MULLER, Vice-Président du Conservatoire d’espaces naturels de Lorraine
- Anne-Morwenn PASTIER, chercheuse en Sciences de la Terre au LaROUSTe (laboratoire radical et oblique des urgences en sciences de la terre)
- Alessandro PIGNOCCHI, chercheur en sciences cognitives et philosophie de l’art, auteur de bandes dessinées
- Christine PIOTTE, docteure en sciences et citoyenne
- Alexandre POIRAUD, docteur en géomorphologie / géographie physique
- Frédérique TUFFNELL, vice-Présidente de Ramsar France
- Frédéric SERRE, Géographe, Université de Limoges
- Jacques THOMAS, groupe Eïwa, administrateur de l'AFES (Association Française pour l'Etude du Sol)
- Christine VALLET COULOMB, professeure Aix-Marseille Université
- Amélie BERTOLINI et Jonathan RUSSIER, co-président.es de l’association SISMAE, Rivières et Coopération
- Les Scientifiques en rébellion
- Les Naturalistes des Terres
- Eaux et Rivières de Bretagne