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Billet de blog 5 février 2020

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L’art de dire n’importe quoi en politique

Le président de la Commission des lois au Sénat, M. Philippe Bas (LR) veut déposer un projet de loi visant à "garantir la prééminence des lois de la République".... Cela s'avère une inanité grotesque.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

par Christian Eyschen

La droite sénatoriale s’agite dans le bocal du Luxembourg.

Source : L'Express avec AFP (03 :02 :2020) : « Le Président de la commission des Lois du Sénat Philippe Bas (LR) va déposer une proposition de loi constitutionnelle visant à "garantir la prééminence des lois de la République", face aux "revendications communautaristes", annonce-t-il dans un entretien au Figaro ce lundi. "Avec cette loi constitutionnelle, on ne pourra plus revendiquer de dérogation aux règles au nom de ses origines ou de sa religion", affirme Philippe Bas.

Philippe Bas souhaite que cette loi empêche de déroger aux règles "au nom de ses origines ou de sa religion".

Cosignée par les chefs de file des deux principaux groupes de la majorité sénatoriale de droite, Bruno Retailleau (LR) et Hervé Marseille (centriste), cette proposition de loi doit être déposée ce lundi sur le bureau du Sénat.

Le texte comporte deux articles. Le premier tend à compléter l'article 1er de la Constitution pour affirmer le principe selon lequel "nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s'exonérer du respect de la règle commune".

Le second article précise que les partis et groupements politiques doivent respecter non seulement les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie, comme le stipule déjà l'article 4 de la Constitution, mais également la "laïcité". "Dans le cadre du financement des partis politiques, cela empêchera tout financement de partis communautaristes ou de leurs candidats", souligne le Président de la commission des Lois. »

C'est de la pure agitation électoraliste afin de solliciter les suffrages des réactionnaires et des xénophobes. Mais cela ne retire rien au côté grotesque des propos.

Il convient donc de rappeler des principes fondamentaux : En république, on a le droit de ne pas être républicain. On a aussi le droit de ne pas être pour la laïcité. On a le droit de rêver à une société totalitaire. On a le droit de déposer des revendications communautaristes.

Sinon, il n’y a plus de liberté de conscience, d’expression, d’association. Où serait la démocratie si les gens étaient obligés de partager les mêmes croyances et les mêmes idées et affirmations ? On a le droit de se regrouper pour former les associations, syndicats, partis de son choix. Si toutes les organisations sont identiques quant à leurs principes, où est le pluralisme ?

Le problème du communautarisme n’est pas que des individus s’en réclament et revendiquent. Le problème réside dans le fait que les pouvoirs publics acceptent ces demandes. Le cléricalisme ne se résume pas à ce que les religions réclament des privilèges pour elles, mais dans le fait que les pouvoirs publics les acceptent. Le problème du communautarisme et du cléricalisme ne réside pas dans leur existence, mais dans leur possible institutionnalisation.

Quand la droite sénatoriale déclare : "Avec cette loi constitutionnelle, on ne pourra plus revendiquer de dérogation aux règles au nom de ses origines ou de sa religion », on est dans la bêtise totalitaire la plus abyssale. Si le porc est la règle commune à la cantine, va-t-on forcer des enfants à en manger ? Si la viande est au menu obligatoire, va-t-on obliger les végétariens à en manger ? Quand Shabbat commencera, on interdira aux israélites de s’abstenir de faire ce qui leur est prohibé ?

Quand cette proposition de loi stipule : "Dans le cadre du financement des partis politiques, cela empêchera tout financement de partis communautaristes ou de leurs candidats", la droite sénatoriale se rend--t-elle compte qu’elle se prononce alors contre le financement public du Parti-Chrétien- Démocrate de Christine Boutin et de Jean-Frédéric Poisson. C’est Ubu aux pays des urnes, et Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre.

C’est la course à l’échalote avec l’extrême-droite pour être le plus réactionnaire et xénophobe. Mais comme toujours, il y aura loin de la coupe aux lèvres et tout cela fera « pschitt », car c’est « abracadabrantesque ». Si d’aventure, cette proposition de loi voyait le jour, elle serait immédiatement retoquée par le Conseil constitutionnel comme étant contraire aux grands principes républicains.

Pour sa part, la Libre Pensée partage toujours le point de vue d’Aristide Briand au moment du vote de la loi du 9 décembre 1905 de Séparation des Eglises et de l’Etat : « Une loi n’a jamais pu, heureusement, réussir à réduire, ni les individus, ni les groupements d’individus, encore moins leur pensée à l’impuissance. Une telle loi que se proposerait un tel but ne pourrait être qu’une loi de persécution et de tyrannie. »

Tout était déjà dit.

Christian Eyschen

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