Il est clair que toutes les religions monothéistes sont arc-boutées contre vents et marées et voient leurs « points de vue » massivement rejetés par la société. Elles n’y peuvent rien, mais… elles essaient quand même d’empêcher l’avènement de cette ultime liberté démocratique : celle de choisir sa fin de vie en toute conscience.
On ne choisit pas de naitre, ni quelle manière on vit, ce sont les conditions sociales qui le décident, la marge de manœuvre pour l’individu est très étroite pour conduire sa vie selon sa propre volonté. En conséquence, le droit de choisir sa fin de vie doit être un droit imprescriptible. Aucun directeur de conscience, que cela soit un clergé religieux, familial ou médical, ne peut décider à votre place.
C’est la prérogative propre de chaque individu qui doit primer, contre toute ingérence de celles et ceux qui veulent décider à la place des autres de leurs propres affaires. C’est la question du respect pur et simple de la Liberté de conscience, c’est pourquoi, cette question est véritablement une question laïque.
On a droit à tous les arguments farfelus de la Réaction sous toutes ses formes. Ainsi, la dernière ligne du Front avant la débâcle est de dire à propos des Directives anticipées : « Oui, mais la personne aurait pu changer d’avis entre le moment où elle les a rédigées et sa fin de vie ». En conséquence de quoi, ce n’est pas la volonté de la personne qui est prise en compte, mais celle de quelqu’un d’autre.
Cela rappelle fâcheusement l’assaut donné au chevet des incroyants sur leur lit de mort par le clergé en vue d’obtenir une conversion « de dernière minute », moyennant quelques dons et legs substantiels pour des obsèques religieuses, dont le mourant ne voulait pas. C’était le Pari de Pascal : si le Paradis existe, vous rentabilisez votre mise de fond ; s’il n’existe pas, vous ne serez pas là pour vous en plaindre, le guichet des réclamations pour cela n’existe pas non plus. C’est le premier placement à risque en quelque sorte. Là aussi, on voit que la question de la Laïcité n’est pas loin.
Les Réactionnaires, cléricaux ou non, ne voient pas la profonde stupidité à émettre un tel raisonnement. S’il devait prendre force de loi, alors la conséquence immédiate serait qu’il faudrait changer de fonds en comble les dispositions légales et réglementaires sur l’héritage, les testaments et les legs. Si on admet que la volonté de quelqu’un, exprimée par un écrit daté, signé et dûment enregistré, n’est pas valable ad vitam, alors tout le Droit sur les héritages et les Testaments devrait être changé. Il ne saurait y avoir deux principes différents selon que ce soit un testament ou une directive anticipée de fin de vie. C’est pourquoi le respect intangible des directives anticipées est essentiel à obtenir.
On sait que le fond du débat est la question éminemment philosophique : l’individu est-il libre ou lui est-il interdit de remettre en cause ce que « Dieu » a décidé ? La loi des Hommes ou la loi de « Dieu » ? C’est toujours le même débat. Comment dès lors nier que la fin de vie librement décidée est aussi, éminemment, une question laïque ?
C’est « Dieu » qui donne la vie, c’est donc « Dieu » qui seul peut la reprendre, l’être humain n’a aucun droit de changer le cours des choses, voilà ce que les cléricaux en tous genres voudraient nous imposer comme règle. Or, nous savons depuis Woody Allen que « la vie est une maladie sexuellement transmissible qui conduit inévitablement à la mort » et que « Dieu » n’a rien à voir avec cela.
Contre cette remise en cause de la volonté des religions de régenter les corps et les consciences (personne n’a jamais rencontré « Dieu », hormis Claudel derrière une colonne dans une église, par contre, on connait bien ses représentants sur Terre), c’est bien la loi de la « sainte-alliance des clergés » qui veut s’imposer. On est donc bien dans le cléricalisme pur et donc de la laïcité qui le refuse en conséquence.
Chaque religion, et en premier lieu l’Église catholique donne tous ses feux contre cette loi de liberté. On a bien sûr les déclarations communes des religions, la montée au créneau de l’extrême-droite, toutes chapelles confondues, la Droite qui tente d’obéir à sa « sainte-mère l’Église » (le Coffre-fort a toujours fait bon ménage avec le Sabre et le Goupillon), et le Macronisme qui ne sait plus à quel saint se vouer. Il y a toujours plusieurs demeures dans la Maison du Père.
Il manquait une flèche à l’arc clérical pour mettre en mouvement toutes les déterminations réactionnaires pour tenter d’empêcher l’impossible : la libre détermination des individus. L’Église a donc fait donner le fond du carquois.
C’est ainsi que l’on peut lire dans la Croix du 28 mai 2025 : « Mais sur cette question de vie et de mort, la gauche est plus divisée qu’il y paraît. Le socialiste Jérôme Guedj et le communiste Pierre Dharréville ont notamment fait entendre leur différence. Le premier en rappelant son souci de concilier deux éthiques, « celle de la liberté mais aussi celle de la vulnérabilité ». Le second en affirmant « être saisi de vertige devant une loi qui inscrit le suicide assisté et l’euthanasie au rang des gestes de la République » ».
La Croix du 29 mai 2025 rajoute à propos du vote sur la « reconnaissance des besoins spirituels à l’approche de la mort » que monte au créneau un catho de gauche de plus : « « Je maintiens ici que la dimension spirituelle est consubstantielle de la personne humaine », a plaidé le socialiste Dominique Potier, qui soutenait un amendement identique. « Dans ces moments-là, aux frontières de la vie, priver quelqu’un de l’accès – par un clerc, un laïc, un proche ou n’importe qui – de cette traversée de l’épreuve par la spiritualité, ce serait vraiment une atteinte fondamentale aux droits humains. »
Je serai le dernier à nier que les besoins spirituels existent de tout temps, donc aussi, à plus forte raison, en fin de vie. Là n’est pas la question. Mais cela a été utilisé pour tenter de torpiller la loi en discussion. C’est donc à raison que les partisans de l’Aide active à mourir ont voté cette disposition pour retirer un argument à la Réaction. De même, ce sont les Libres Penseurs qui en 1905 (comme le rappelle Jean Baubérot dans son dernier ouvrage sur la loi de Séparation des Églises et de l’État) ont déposé systématiquement des demandes d’autorisation des messes pour contrecarrer l’Église et ses subsidiaires qui hurlaient à la répression contre l’interdiction des messes, ce qui n’était pas du tout l’objet de la loi de 1905.
Quelques députés du PCF et du PS ne suffisant sans doute pas, c’est alors que l’OURS (Office universitaire de recherche socialiste PS), qui se veut être une « autorité morale et historique », va sombrer dans l’ignominie la plus totale. Une recension d’un ouvrage d’opposants à l’Aide active à mourir, préfacé par Marie-George Buffet (PCF), reprend, sans aucune distance, les fadaises sur le fait que celle-ci serait un moyen de faire des économies en assassinant les vieux : « Cela permettrait des économies, ce qui explique peut-être, au-delà de l’adhésion à une philosophie utilitariste et libérale, que la plupart des mutuelles y soient favorables », avec un petit rappel hypocrite sur l’Opération T4 des nazis. Tout y est dans l’ignominie la plus abjecte.
Décidément leur « Union de la Gauche », tant fantasmée et réclamée pour faire revivre un passé qui est définitivement révolu, a une drôle d’odeur rance et de réaction. De plus, qu’un secteur du PS s’en prenne de manière aussi ignoble aux Mutuelles qui ont été souvent le terreau sur lequel ce même PS prospérait naguère, a quelque chose d’inimaginable et de suicidaire. Il y a vraiment quelque chose de pourri dans leur Royaume du Danemark, mais comme « Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre », on ne s’en étonnera guère.
Mais il leur fallait toucher encore plus le fond, si cela était possible. Ce fut la tâche dévolue à la nouvelle égérie de Cyril Hanouna sur CNews : Ségolène Royal. Celle-ci s’est crue maligne (le Roi n’a jamais été son Cousin) en déclarant au très réactionnaire extrême-droitier Journal du Dimanche (il faut lui reconnaitre qu’elle doit avoir bien faim pour se commettre ainsi avec l’extrême-droite) : « On aurait besoin d’une loi sur l’aide à vivre » en dénonçant le projet de loi qui, à juste titre, traite sur le même plan les deux volets de la fin de vie (« c’est une très mauvaise idée ») : Soins palliatifs et Suicide assisté. Elle reprend, toute honte bue, les propos et arguments du Rassemblement national et de Zemmour. Décidément rien ne l’arrête, surtout pas la morale et l’éthique de « Gauche » dont elle se réclamait naguère jusqu’à plus soif.
Alors à la question posée au début ce Billet, force est de répondre que dans le terme « cathos de gauche », c’est bien le terme de « cathos » qui l’emporte et de loin. Les masques tombent les uns après les autres, c’est une loi universelle. Lénine l’avait indiqué au début du XIXe siècle : « Il vaut mieux que le clergé joue son rôle au grand jour, dans l’arène démocratique, plutôt que d’en être tenu à l’écart et de le jouer en cachette. »
La Crise est si profonde que l’Église grille ses dernières cartouches, mais en vain : avec cette loi ou une autre (ce qui est sans doute probable, puisque celle-ci est d’essence macroniste, même si elle est contrainte de reconnaitre un certain nombre de choses positives, tant la volonté de liberté est puissante), rien n’arrêtera la marche en avant du progrès et de la liberté : le Droit de choisir librement sa fin de vie dans la Dignité sous aucun diktat, adviendra quoi que fasse la Réaction sous toute ses formes.
Ite missa est ? Non ? La messe est loin d’être dite. Et nous gagnerons inéluctablement
Christian Eyschen