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Billet de blog 10 novembre 2024

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Extrême-droite : la résistible ascension par l’Institut de la Boétie

Dans cet ouvrage coordonné par Ugo Palheta, il y a un large tour d’horizon sur l’extrême-droite et une description attentive sur sa montée en différents domaines. Certains articles sont extrêmement précis, quasiment le sujet est découpé au scalpel chirurgical.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ne voulant pas édulcorer la lecture, et je pense que cet ouvrage ne peut se résumer tant il est riche, je ne peux qu’inciter les personnes intéressées par le sujet à se le procurer et le lire.

Je voudrais aborder quelques points et surtout traiter une question qui, si elle est évoquée, ne me semble pas réellement traitée sur le fond : comment vaincre l’extrême-droite et le fascisme ?

Tout d’abord, et avec raison, le livre ne sonne pas le tocsin ni le glas en surestimant le problème, rappelant qu’au plus haut point électoral, l’extrême-droite (toute confondue) représente 40% des voix et 20% des électeurs. Ce n’est pas un ouvrage qui fait peur, mais qui fait réfléchir. Il constate que la dénonciation des judéo-bolcheviks a été remplacée par les « islamo-gauchistes et wokistes » sur le fond traditionnel de « l’anti-France » de Charles Maurras. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil, avait dit l’Ecclésiaste. Nous rappelons que la Libre Pensée a édité un numéro de sa collection Arguments sur le Wokisme et la Cancel-Culture qui fait litière de ce phantasme de la Réaction.

Un constat est fait : la destruction des forces productives ; en premier lieu, la principale force de production reste le travailleur salarié qui vend sa force de travail (les augustes fadaises sur « le travail n’est pas une marchandise » doivent être rangées au magasin des accessoires des Folies Bergères), or la désindustrialisation et le précariat généralisé ont porté un rude coup à la représentation politique du Prolétariat. Pour autant, la fracture de classes demeure.

Les véritables clivages

Le vote pour Jean-Luc Mélenchon est le premier dans la catégorie des salaires de moins de 900€, alors que celui pour Le Pen le devance dans la catégorie compris entre 1 300 et 1 900€, c’est-à-dire une partie de la classe moyenne qui, avec les artisans et commerçants, fondent le socle électoral du FN/RN. J-L Mélenchon est loin devant chez les chômeurs et les CDD, ainsi que chez les salariés du privé.

La véritable situation est l’installation d‘une fracture nette entre les deux pôles « extrêmes » (même si je récuse ce terme pour la France Insoumise), le Centre joue l’arbitre des élégances. La lecture socio-économique n’explique pas tout, la lutte des classes est aussi et surtout « politique ». Cela veut dire qu’un gigantesque affrontement se prépare entre les classes, et que les aléatoires manœuvres macrono-lepenistes n’empêcheront pas l’inéluctable. Il est clairement établi par l’ouvrage que le « premier parti des ouvriers » est l’abstention et non le RN.

Sont aussi analysées les fractures dans le monde du Capital où les principaux appuis du RN se trouvent dans l’économie alternative et certains médias mainstream. Il y a de même une analyse de l’extrême-droite dans les forces de répression dont la police, ce qui là-aussi est logique (le maintien de l’ordre est celui de l’ordre bourgeois, ce qui est le fondement même du fascisme) et range aussi au magasin des accessoires les augustes fadaises sur la « police républicaine ».

Ces données vous indiquent déjà, il me semble, tout l’intérêt de lire cet ouvrage. Bien sûr est pointé le rôle des médias dans l’extrême-droitisation, non pas de la société, mais dans certains cercles dirigeants. Pour cela, je vous invite à lire l’étude faite par l’IRELP de l’ouvrage de Vincent Tiberj, La droitisation française, Mythe et réalités, qui est éclairant sur ce sujet (voir : IRELP - La Lettre "I" - N°011 - Rapides remarques sur un livre sérieux) Il est indiqué que, contrairement à une idée reçue, les médias qui investissent dans l’extrême-droite et la promotionnent sont largement déficitaires, ce qui est un signe intéressant pour juger de l’extrême-droitisation de la société.

Un autre sujet est abordé qui mérite discussion : la progression de l’extrême-droite est-elle due à l’absorption de son idéologie par la population et faudrait-il combattre les idées des fascistes ? Sur ce sujet, je vous renvoie aussi à la lecture de mon article « Combattre les idées de l’extrême-droite : Oxymore ou pléonasme ? » dans la Raison de septembre 2024. Comme l’indique l’ouvrage de Robert-Olivier Paxton « Le fascisme en action », il est d’abord action avant d’être idée. Mussolini a pris le pouvoir sans jamais avoir élaboré le moindre programme écrit. L’action du fascisme est de détruire le mouvement ouvrier organisé, le reste n’est qu’adaptation aux contingences du moment et en aucun cas l’application d‘une idéologie. Au début n’était pas le Verbe, mais l’Action.

Un autre ouvrage utile à la compréhension

Pour compléter la lecture de ce livre, celle du livre « Racismes de France » dirigé par Olivier Le Cour Grandmaison et Omar Slaouti (si souvent agressif quand on a le malheur d’avoir un autre point de vue que lui, même si on est globalement dans le même camp) est un bon complément d’études et d’analyses. Les deux ouvrages montrent bien l’énorme responsabilité de la « gauche au pouvoir » dans l’adoption d’un véritable arsenal de lois répressives, racistes, liberticides qui ont pavé, sur le fond des institutions de la Ve République, la voie à l’extrême-droite. Manuel Valls est celui qui fait le plus vomir en ce domaine, il y a du Marcel Déat incontestablement en lui, avec le talent en moins, ce qui n’est pas rien.

Ce deuxième ouvrage décortique le racisme dans tous ses états, en rappelant par exemple qu’il n’y a pas de Noirs sans Blancs (un bon sujet de réflexion philosophique), que la Carte nationale d’identité est une invention de Vichy, et que toutes les manifestations en défense des Immigrés n’exigent aucune revendication communautaire, et qu’elles se situent sur le strict terrain de l’Égalité et que la revendication religieuse est totalement secondaire, voire quasiment inexistante la plupart du temps.

Abordons le sujet qui fâche dans ces deux ouvrages. La Libre Pensée récuse le terme « d’islamophobie », car pour nous c’est un non-sens absolu. L’Islam est une religion, donc une conception religieuse, voire philosophique du monde. Il ne peut y avoir un racisme, une phobie, une discrimination contre une conception du monde. Par contre, tout cela existe et fortement contre celles et ceux qui s‘y reconnaissent et qui pratiquent une religion s’inscrivant dans cette conception du monde.

C’est pourquoi la Libre Pensée ne se reconnait pas dans ce terme « d’islamophobie », car l’accepter serait la reconnaissance d’une religion et ipso-facto du communautarisme religieux. C’est pourquoi, nous n’avons jamais signé de textes ou participé à une initiative utilisant ce terme. Nous utilisons le terme de racisme anti-musulmans (avec un S) qui nous semble bien plus juste, car cela concerne les personnes et non les idées qu’elles ont présumées avoir.

C’est donc avec une certaine candeur que nous lisons dans l’ouvrage cette formulation étrange : « En plus de l’Islamophobie, ils (les musulmans ou présupposés tels) subissent un racisme visant les Arabes et les Noirs» Si l’Islamophobie existait comme catégorie raciste, il suffirait d’être un Apostat ou de changer de religion pour régler le problème ? C’est une plaisanterie de mauvais goût, car cela ne supprimerait pas « un racisme visant les Arabes et les Noirs. » Ce qui est le cœur du problème.

Notons aussi, comme les auteurs, que le rôle joué par certains « intellectuels » reconnus et patentés comme « éminences laïques », et qui déclarent « revendiquer un droit d’être islamophobe » au nom d‘une critique de l’Islam, n’a pas arrangé les choses pour éclaircir le sujet et surtout lutter contre le racisme. Leur médiatisation leur a fait perdre tout bon sens, car ils devaient savoir que « ce que la mode apporte, la mode remporte… qu'elle les garde. Ils vieilliront avec elle » (Jean Jaurès) et que « la mode est une forme de laideur si intolérable que nous devons la changer tous les six mois » (Oscar Wilde).

Alors comment vaincre le Fascisme ?

Cette question est souvent posée, mais sans réellement apporter une vraie réponse. Il est normal de revenir sur ce qui s’est passé en 1933 en Allemagne et en 1934 en France. Dans le premier cas, c’est la division ; organisée par le très stalinien KPD (Parti Communiste Allemand) usurpant le crédit de 1917 contre le SPD (Parti Socialiste Allemand), car les masses n’ont pu influer grandement, du fait d’une immense répression, pour le désir d’unité pourtant si fort ; et qui a permis à Hitler de prendre le pouvoir. En France, les masses ont imposé « l’Unité d’action » au non moins très stalinien PCF, ce qui a barré la route au fascisme, au moins pour un temps.

Mais la solution aujourd’hui est-elle de répéter cela comme un mantra qui règlerait derechef le problème ? Il est utile de ressortir les grands textes politiques de l’époque, de les lire, mais surtout de les comprendre dans leurs finalités. Il faudrait alors surtout analyser et comparer ce qu’étaient le PS et le PCF à l’époque et aujourd’hui pour voir que l’union de ces partis politiques ne réglerait rien au vu, de leurs places et de ce qu’ils ont comme « programmes » : la soumission à la Vème République (surtout pas de destitution de Macron !), à l’économie de marché, au Capital financier, à l’Union européenne, et à « leur sainte mère l’Église ».

S’il est juste de poser la question de la division et donc de l’unité en 1933 et 1934, aujourd’hui il en est un peu différemment. Faute d’unité du PS et du PC, faudrait-il se contenter à minima d’un « Front républicain » qui est le meilleur tremplin pour l’extrême-droite ? Ce n’est nullement un barrage, mais plutôt un accélérateur de particules qui favorise la Macronie et ceux qui « à gauche » ne veulent pas de la rupture, mais de la continuité, terreau sur lequel prospère l’extrême-droite.

La solution est donc ailleurs, d’abord dans ce que dit l’ouvrage de la Boétie : dans la rupture totale avec le système sur tous les plans. On ne peut pas s’en sortir avec les Institutions de la Vème République qui est le fumier et le terreau qui font prospérer l’extrême-droite.

La Fédération nationale de la Libre Pensée a rendu publique une Déclaration sur l’extrême-droite le 4 novembre 2024 dans laquelle elle apporte une possible solution :

La question est de donner à la République, à toute la République, dans toute son étendue et dans toute sa profondeur, son plein sens social notamment par les services publics puissants et efficaces. Étymologiquement, la République, c’est la res publica (la chose qui appartient à tout le monde).

Actuellement, la République appartient à bien peu. Il faut reconquérir la République. En faire une vraie République sociale. Sans contenu social, toute lutte contre l’extrême-droite est, dans le meilleur des cas, une posture.

Reconquérir la République, c'est notamment un système de soins et de santé pleinement républicain sur tout le territoire, c'est une Éducation pleinement nationale tournant le dos au séparatisme des riches, c'est un système de transports efficace et couvrant l'ensemble du territoire républicain, c'est l'abrogation des lois discriminatoires, racistes et xénophobes divisant les citoyens et les citoyennes, entre autres.

C’est aussi une question politique essentielle ; la Vème République par son viol permanent des élections, de la démocratie, du simple bon sens, favorise l'extrême-droite.Combattre l'extrême-droite et la Macronie qui la nourrit, c'est donner la parole au peuple avec une Assemblée Constituante.

Reconquérir la République, socialement et politiquement !

La solution, comme en 1934-1936 en France, réside dans la mobilisation des masses et du Peuple pour balayer le système pour une Constituante élue et souveraine. En 1789, en 1793, en 1848, en 1944, c’est la configuration qu’a pris la rupture dans une forme démocratique, républicaine et révolutionnaire.

La seule solution pour sortir de la crise est la mobilisation partout sur tous les plans pour que le Peuple décide de quelles institutions il souhaite se doter pour un Gouvernement du Peuple, par le Peuple et pour le Peuple.

Toute souveraineté émane du Peuple et doit lui revenir, il faut que le Peuple décide et le dénouement positif et démocratique de la crise qui ravage le pays ne peut passer aujourd’hui que par l’élection d’une Constituante souveraine.

Pour vaincre l’extrême-droite et le fascisme qui pointe derrière, seul le Peuple uni peut vaincre et il ne sera pas vaincu s’il prend en main sa destinée.

Pour écraser l’extrême-droite :

Constituante élue et souveraine !

Christian Eyschen

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