
Par Celia Carpaye
Cette pub, je l’ai entendue plusieurs fois en voiture. D’abord sans trop y prêter attention puis comme elle passait en boucle, j’ai tendu une oreille. Interloquée, je suis allée un peu plus loin et j’ai trouvé la version vidéo.
C’est en réalité une campagne de communication nationale qui vise à sensibiliser les entreprises à l’embauche de personnes handicapées. Le message est clair : performance, dynamisme, on y parle de progrès, de réinventer, renouveler, faire avancer, « sortir de sa zone de confort ». Le clip se termine par la représentation d’une personne en fauteuil roulant qui scande tout sourire : « Le progrès, c’est moi » et puis l’on entend : « Ensemble, faisons progresser les entreprises grâce aux personnes handicapées ».
Je me sentais un peu gênée sans trop pouvoir l’expliquer, je suis donc allée lire l’argumentaire de l’agence à l’origine de cette campagne. L’idée est claire : les personnes handicapées, du fait même de leur handicap, sortent en permanence de leur zone de confort. Elles savent donc s’adapter, tiens ça tombe bien… c’est exactement cela que l’on attend sur le marché du travail, s’adapter, progresser, réinventer. L’intention est louable, on ne saurait que féliciter cet élan vers l’inclusion.
Mais cette propension à uniformiser et à prêter des caractéristiques en utilisant en permanence « les » (les personnes handicapées, les femmes…) reste à mon sens violent ; pour celui ou celle qui, handicapé.e, n’a pas envie de sortir de sa zone de confort ni d’être performant.e, ou qui ne peut pas « faire avancer » les choses parce que son handicap l’épuise déjà assez comme ça, ou qui se sent déjà très nul.le de ne pas parvenir à réaliser des tâches simples, je me dis que ce doit être difficile d’entendre cet appel pressant à la productivité. Bien sûr, ce n’est pas la démarche d’inclusion qui pose problème, mais ce monde dans lequel nous vivons qui ne jure que par la performance, l’emploi, les trottoirs à traverser, sans réfléchir aux individualités. L’inclusion n’est pas uniformisation, il ne faudrait pas l’oublier.
Billet publié dans la rubrique La Plume du n°1284 de Lien Social
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