Et tout cela avec un concert de menaces venant de toute la droite (incluant cet « extrême-centre » qui me semble au cœur de ce mouvement) évoquant l'attaque du système productif ou le risque de fuite des grands entrepreneurs à l'étranger si, par hasard, on suivait la gauche qui veut arrêter ce courant réactionnaire et même revenir en arrière vers davantage de justice sociale.
Ils n'ont pas honte, ces défenseurs du capital, devant ces malades qui vont devoir encore plus se serrer la ceinture, voire ne plus se soigner du tout, à cause de l'augmentation prévue du reste à charge ? Ils n'ont pas tremblé en reculant l'âge de la retraite, ce qui fait qu'un nombre important de travailleurs pauvres (à l’espérance de vie bien plus courte que les professionnels mieux rémunérés) va mourir avant d'avoir pu bénéficier de cette retraite pour laquelle ils ont cotisé toute leur vie ?
La bonne conscience des profiteurs
Non, ils n'ont pas honte, ils ne tremblent pas, ils ne se sentent pas coupables, cela ne les empêche pas de dormir... Le malheur des pauvres, ou des classes moyennes, ce n'est pas leur problème : cela ne les regarde pas.
Eux n'ont pas, n'ont jamais eu, à arbitrer entre se chauffer correctement l'hiver ou avoir une voiture. Eux ne savent pas ce que c'est que de ne pas pouvoir se déplacer pour aller voir son médecin, parce que la maladie, la vieillesse ou l'infirmité fait que l'on n'a aucun moyen de sortir de chez soi pour aller en consultation à 20 km. Et impossible d'aller habiter dans une plus grande ville où l'on pourrait, peut-être, trouver un médecin plus proche : les loyers sont beaucoup trop chers. Quant à trouver un logement social... des années de liste d'attente.
Et je ne parle pas de ceux qui n'arrivent pas à trouver de médecin...
Alors, vraiment, c'est une bonne idée de réduire la durée de l'arrêt maladie initial? Ou d'augmenter les franchises médicales ? Ou de restreindre l’accès à l'ALD et les protections que ce régime apporte ?
Ces députés, ces "experts", ces membres du gouvernement, ces dirigeants d'entreprises, continuent de défendre leur classe, leurs privilèges et leurs copains. C'est notamment le cas de ces élus qui savent qu'ils tireront bénéfice, à la fin de leur mandat, des retours d'ascenseur de tous ces cadeaux faits au « Grand Capital ».
Alors, la morale et la fraternité, basta, cela ne les concerne pas.
Or nous sommes dans un système social redistributif : on cotise tous pour que chacun soit protégé s'il a un souci d'emploi, de santé, ou que la vieillesse s'approche.
Mais les très riches et leurs soutiens, qui bénéficient de tout un tas de parachutes en cas de problème, trouvent injuste de payer pour les autres : c'est la très ancienne question du consentement à l'impôt pour ceux qui ont beaucoup d'argent.
Ainsi ces gens n'ont toujours pas compris que c'est le peuple qui fait leur richesse : c'est parce que les classes moyennes et populaires participent massivement à l'effort fiscal que nous avons toute l'infrastructure qui permet à leurs usines de fonctionner. C'est parce que notre sécurité sociale fonctionne encore que les ouvriers malades sont soignés et peuvent reprendre le travail. C'est parce qu'il y a une Éducation nationale que les salariés sont instruits et formés. C'est parce que nous achetons les biens de consommation du Capital que les capitalistes s'enrichissent. C'est parce que les travailleurs exercent des travaux mal rémunérés dans leurs entreprises que les investisseurs (disons les rentiers) et les grands patrons peuvent dégager des profits si importants.
De même, c'est parce que les fonctionnaires sont de plus en plus mal rémunérés et surexploités (non remplacement d'un fonctionnaire sur deux ou sur trois qui part à la retraite ) et que, dans de nombreux autres domaines, l’État remplit de moins en moins bien ses fonctions, que celui-ci trouve les moyens de faire des cadeaux de plus de 200 milliards par an aux grandes entreprises.
Comment font-ils, ces ultrariches, pour ne pas se poser de problèmes de conscience ?
Ce n'est pas compliqué, et cela dure depuis que le monde est monde : les exploiteurs trouvent toujours légitime leur exploitation parce qu'elle leur fait du bien. Et comme la conscience que cette exploitation se fait sur le dos d'autres êtres humains qui en souffrent pourrait éventuellement diminuer ce plaisir de posséder et d'avoir du pouvoir, soit ils choisissent de ne pas le voir, soit ils pensent que leurs victimes méritent leur sort parce qu'elles sont pétries de défauts (accusées de feignantise, d'être d'une essence fondamentalement inférieure, d'être des profiteuses...) soit ils savent très bien ce qu'il en est mais jouissent de cette souffrance infligée aux classes inférieures.
On vous voit
Et nous, nous passons des heures à les regarder sur nos divers écrans, ces ultrariches qui ne sont pas loin de nous faire la morale, qui nous méprisent et attaquent nos conditions de vie. Nous les regardons comme autrefois les paysans enlevaient leur chapeau et baissaient la tête en voyant passer les carrosses transportant le roi et sa suite .
Mais, pour nous, ce n'est pas une fois par an, c'est tous les jours que nous sommes au courant de leur moindre fait et geste, nous baignons dans un environnement de riches comme si on était de leur famille, alors que, eux, ne savent même pas que nous existons, non seulement en tant qu'individus, mais en temps que groupe d'être humains. Pour eux, comme l'avait dit E.Macron il y a quelques années, nous ne sommes rien.
Or ce n'est pas une bonne idée de sous-estimer l'adversaire, puisque, décidément, vous ne savez pas que nous sommes tous des frères humains.
L'avantage de cette surmédiatisation qui augmente notre soumission « librement » consentie, c'est que l'on vous voit. Et, au bout d'un moment, la vérité de votre exploitation, de vos abus de pouvoir, de vos mensonges, ne peut que devenir éclatante. Les députés, ou les membres du gouvernement, ou tout autre intervenant médiatique, qui défendent les possédants de façon éhontée, et avec une énergie impressionnante, n'imaginent pas ce que leur parole induit dans les classes populaires.
Il y a eu les gilets jaunes : ce sera quoi, la prochaine fois ? Je ne sais pas, mais cela sera, parce que l'on ne peut pas mépriser un peuple à ce point, et peut-être encore moins le peuple français.