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Billet de blog 3 août 2016

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La guerre des riches, ou comment le Capital nous enfume.

Il est malvenu de parler du Capital et des capitalistes, encore moins de lutte des classes. Et pour cause ! La guerre des riches est une guerre qui, encore plus que toute autre, utilise les armes de la propagande. Mais elle le fait d'une façon si systématique et si maligne, que nous n'y voyons que du feu. Et cette guerre, nous sommes en train de la perdre.

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Il est malvenu de parler du Capital et des capitalistes, encore moins de lutte des classes. La guerre des riches est une guerre qui, encore plus que toute autre, utilise les armes de la propagande. Mais elle le fait d'une façon si systématique et si maligne, que nous n'y voyons que du feu. Et ce sont ceux qui pourraient s'opposer à cette propagande qui la propagent sans le savoir. C'est ainsi qu'une grande partie des personnes qui se pensent de gauche, ou socialistes, véhiculent une idéologie ultracapitaliste sans s'en rendre compte. Ce serait juste pitoyable si ce n'était pas si grave.

Je m'explique. Les USA, dans le courant du vingtième siècle, échaudés par le développement de régimes énergiques s'inspirant de la pensée marxiste et excluant le capitalisme américain (et beaucoup d'autres choses, d'ailleurs, dont, en premier lieu, la liberté de leurs concitoyens) ont mis en place une stratégie d'infiltration des mouvements de gauche des pays industrialisés. Le projet était de favoriser ces mouvements mais en faisant tout pour faire disparaître la notion de lutte des classes. C'était très intelligent. Parce que, le socialisme sans la notion de lutte des classes c'est, au mieux, une politique de dame patronnesse. Au pire, le capitalisme.

Pourquoi ? Parce que la richesse donne du pouvoir. Et si la chose politique ne donne pas de pouvoir à ceux qui n'en ont pas (les pauvres) elle renforce par-là même le pouvoir de ceux qui l'ont déjà par leur richesse. Voir à ce sujet, et sur la définition de la démocratie, le livre de Pierre Dardot et Christian Laval : « Ce cauchemar qui n'en finit pas ; comment le néolibéralisme défait la démocratie » ( présenté ici). Donc, imaginer un socialisme sans la notion de lutte des classes entre ceux qui ont le pouvoir et veulent le garder (et l'augmenter aux dépends de ceux qui ne l'ont pas) et ceux qui voudraient reprendre en main leur vie et ne pas se laisser exploiter par les riches, c'est une pure fiction. Cela ne peut pas être, sauf à imaginer que l'augmentation de richesse des possédants augmenterait (par « ruissellement »...) la richesse des pauvres : une sorte de théorie du gagnant-gagnant selon laquelle plus les riches font des bénéfices, plus les pauvres et les classes moyennes auraient du travail et de l'argent. Bien sûr... Surtout en sachant que cette richesse s'augmente d'une précarisation du travail et d'un chômage entretenu, d'une augmentation de la productivité qui se fait sur le dos des salariés, et d'une contribution des ménages par l'impôt aux pertes financières des spéculateurs... Si la théorie du ruissellement était juste, les esclaves des plantations avant la guerre de sessession auraient coulé des jours heureux en participant à la richesse de leurs maîtres.

Soyons sérieux : si rien ne vient freiner institutionnellement l'appétit des possédants, celui-ci les conduit à utiliser au maximum la force de travail des salariés pour s'enrichir de plus en plus. Alors, bien sûr, les richesses exorbitantes des capitalistes sont cachées dans des paradis fiscaux, dépensées dans des styles de vie qui ont à voir avec la royauté absolue (vous savez, juste avant la révolution française...) et dont le commun des mortels n'a pas idée. Quand ces richesses ne sont pas versées sous forme de dividendes à des retraités aisés qui ne savent pas (parfois) qu'ils s'engraissent sur le dos des salariés stressés et précarisés.

La théorie, selon laquelle il faut que le « marché » (disons, les puissances d'argent) aille bien pour que tout le monde en profite est rigoureusement fausse : plutôt que la métaphore du ruissellement, je préfère celle des vases communicants selon laquelle le liquide qui va d'un côté... part de l'autre.

Mais cette assertion erronée est tellement répétée, qu'elle fait partie du système de référence de nombre de personnes. Comme l'antienne des "salariés qui ne veulent pas travailler", des "chômeurs qui ne veulent pas trouver d'emploi", des "fonctionnaires qui ne fichent rien", etc. C'est curieux, on ne parle jamais des riches qui vivent sur le dos des autres. Qui se font servir sans lever le petit doigt. Qui passent une grande partie de leur vie dans des hotels de grand luxe ou entourés d'une armée de serviteurs zélés. Qui contournent l'impôt. Non, on n'en parle pas. On les envie, et on s'est laissé convaincre depuis longtemps que s'ils sont riches, c'est qu'ils l'ont mérité, à force de travail et de talent.

Je connais des chercheurs brillants qui ont des revenus et des modes de vie très moyens, ramenant pourtant du travail à la maison le soir et le week-end, des salariés travaillant dans des entreprises avec des conditions physiques ou psychologiques très difficiles, tombant parfois malades et risquant le chômage si leur entreprise est vendue à un fond de pension qui va « dégraisser » pour augmenter ses bénéfices, ce qui va couler la boîte à terme... Et je connais des « fils de » qui ne se sont donné la peine que de naître, et qui vont vivre dans le luxe toute leur vie. Les journaux people sont pleins de ces héritiers, dont on nous expose la vie que l'on est censé admirer comme le bon peuple regardait passer les carosses en baissant son chapeau.

Mais pourquoi sommes-nous dupes ? Pourquoi ne remet-on pas en question cette propagande très droitière et réactionnaire ?

La raison en est que l'art de la communication politique est à un niveau jamais atteint. C'est-à-dire que rien n'est laissé au hasard pour cacher la vérité au peuple : la dérive anti-démocratique n'est pas un avatar de la mondialisation, cela en est le projet. Et le moyen, c'est la manipulation de masse.

Cette manipulation passe par de nombreux canaux : la concentration des médias dans les mains des grands groupes capitalistes, la reprise en main des médias publics par un pouvoir soumis à ces groupes. Le mensonge fondamental qui a fait choisir comme responsables au sein de partis se situant à gauche (notamment le parti socialiste) des personnes ayant une pensée et un référentiel de droite et économiquement libéraux.

Et dans la forme des messages on peut détecter tous les éléments d'une stratégie perverse, mais à l'échelle planétaire : des mots, des concepts sont tabous et ceux qui les emploient sont ridiculisés ou culpabilisés, surtout s'ils disent la vérité. On a évoqué plus haut la lutte des classes, mais cela peut être aussi le mot « Capital » ou « Marx » ou « travailleur ». Il n'est pas bien vu de parler des stratégies des puissances d'argent, surtout à long terme, du goût du pouvoir des possédants, du pouvoir exorbitant des banques ou des agences de notation, des allers-retour public-privé de ces gens, allers-retour qui démontrent bien que, même élus ou occupant des fonctions d'Etat, ils travaillent toujours pour les mêmes. Il est malvenu d'évoquer le Bilderberg, ou le Siècle, la Trilatérale, etc. bref, tous ces cercles et réseaux où nos maîtres se rencontrent à l'abri des micros, ce qui démontre bien que l'information politique passe toujours à côté de l'essentiel (Voir "Rencontres au sommet; quand les hommes de pouvoir se réunissent" l'altiplano, 2007, présenté ici par l'auteur, Michael Gama, et à lire gratuitement en ligne sur le site de L'Altiplano). Non, il n'est pas bien vu d'évoquer tout cela, comme de faire remarquer à quel point les médias savent bien faire monter une information angoissante au moment où une loi anti-démocratique de plus va être votée.

Si l'on parle de tout cela comme je le fais là, on est taxé de « complotiste ». Complotiste, j'ai commencé à l'être quand je me suis renseignée sur le 11 septembre et que j'ai appris que trois tours s'étaient effondrées ce jour-là, dont une qui détenait les achives de la CIA et le projet ENRON. Et que celle-ci n'avait pas été touchée par un avion. Et avait été exclue de l'enquête officielle qui n'avait concerné que les tours jumelles. C'est balot ! Donc, je suis désormais complotiste. Je sais que de nombreuses vérités sont cachées. Mais surtout, je sais que, même si elles ne peuvent plus l'être aussi complètement qu'autrefois à cause d'internet, une stratégie de diversion est systématiquement mise en place pour faire disparaître l'information dérangeante derrière le rideau de fumée d'un afflux d'autres informations. Le sport, c'est bien pour ça. Les attentats aussi. Le sexe, parfois. Mais ridiculiser celui qui dit la vérité, ça marche aussi.

Je détaille tous ces « trucs » qui sont effectivement comme les trucs des prestidigitateurs, parce que ce ne sont pas des gadgets, ce sont les armes lourdes de la propagande anti-démocratique. Sans eux, nous pourrions continuer à faire des manifestations ou des grèves efficaces, nous nous lèverions comme un seul homme quand un gouvernement élu fait passer sans vote une loi cassant le droit du travail et détruisant la protection des salariés. Nous protesterions haut et fort contre les bavures policières et les atteintes au droit de manifester. Nous exigerions le renvoi d'un gouvernement qui fait l'inverse de ce qu'il avait annoncé, et qui persiste dans l'erreur. Nous renverserions une gouvernance européenne anti-démocratique et destructrice pour les peuples.

Sans ces « trucs » nous serions nous-mêmes, un peuple qui se tient debout et a toujours trouvé le moyen de se révolter contre les abus de pouvoir.

Mais, pour combattre un ennemi, il faut d'abord savoir que l'on est en guerre. Et connaître les armes de l'adversaire. C'est la raison de ce texte.

Réveillons-nous ! Il n'est pas encore trop tard.

Pour prolonger :

 -"Ce cauchemar qui n'en finit pas; comment le néolibéralisme défait la démocratie" Pierre Dardot et Christian Laval, La Découverte, 2016

-"Le capitalisme paradoxant; un système qui rend fou" Vincent de Gaulejac et Fabienne Hanique, Editions du Seuil, Economie urbaine, 2015

-"Un pouvoir sous influence; quand les think tanks confisquent la démocratie" Roger Lenglet et Olivier Vilain, Editions Armand Colin, 2011

-"Les armées secrètes de l'otan; réseaux Stay Behind, Gladio et terrorisme en Europe de l'Ouest", Editions Demi-Lune, collection Résistances, 2007

-"La médiocratie" Alain Deneault, Lux Editeur, collection Lettres Libres, 2016

-"Rencontres au sommet; quand les hommes de pouvoir se réunissent", Michael Gama, Editions L'Altiplano, 2007

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