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Billet de blog 8 mai 2018

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La fin de l'innocence du Président Macron

Avant, il se voyait Président. Maintenant, il se regarde présider. Et les médias lui tendent gentiment des miroirs renvoyant une image dont les reflets nous aveuglent...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J'ai lu des livres sur Emmanuel Macron, j'ai vu plusieurs documentaires. Mais le dernier opus «Macron président, la fin de l'innocence», de Bertrand Delais, paru le 7 mai sur FR3 (et visible en replay encore 6 jours), dans sa naïveté hagiographique, m'a amusée.

Est-ce par quelque masochisme tardif que je me repais de ces clichés faussement explicatifs, mais plutôt propagandistes, tentant de nous faire croire à une hauteur de vue macronienne qui prétendrait, entre autre, vouloir augmenter les pouvoirs de la direction européenne pour donner de la grandeur à la France ? Ou mettant en avant notre romantisme ou notre goût du romanesque comme si c'était cela qui devait guider la politique du gouvernement? Est-ce que je serais moi-même touchée par ce désir de roi que notre Président, avec une générosité sans pareille, entend combler par une « verticalité du pouvoir » qui ne semble pas avoir la souveraineté du peuple comme ligne d'horizon?

Je ne pense pas. D'autant plus que ce qui m'a effleurée par moment pendant la vision du documentaire, et qui maintenant pourrait me submerger, c'est une envie de rire.

Le mode présidentiel actuel présente, selon moi, des tonalités narcissiques, autant pour celui qui est à la tête de l’État, ce qui est plutôt habituel, que pour ceux qui sont dans ce mirage fusionnel éloignant fort du recul nécessaire que l'on devrait garder quand on exerce des responsabilités, autant de pouvoir que d'information par exemple. C'est assez classique, cette attirance de certains pour ceux qui ont obtenu le pouvoir. Mais, parfois, cela se voit davantage. Tout au moins quand on est loin en-dehors de cet entre-soi ("Les habits neufs de l'Empereur" sur Wikipedia).

Le miroir tendu, cette fois, a laissé au Président tout loisir de s'expliquer, non sur son projet (il dit simplement qu'il en a un), non sur les souffrances des français et leurs inquiétudes (c'est seulement par principe qu'ils seraient opposés aux réformes), etc. mais sur sa posture présidentielle. Autrement dit, comment il décline son « Moi, je » depuis qu'il est Président. Et là, il est à l'aise, c'est un sujet qu'il connaît bien puisqu'il joue Président depuis son élection (il l'avait dit, que du jour où il serait élu, il deviendrait Président, ou il changerait, je ne me souviens plus). Et il essaie de bien jouer, on peut lui reconnaître ça.

Mais il oublie donc, sous l'effet probable de l’inexpérience due à sa jeunesse, qu'on risque du coup de réaliser qu'il réfléchit à chacune de ses postures, à chacun de ses actes, dans le but de parfaire son image présidentielle, notamment dans sa dimension monarchique. La politique est depuis longtemps sous l'influence des conseillers en comm', mais cette dernière, pour être efficace, doit rester discrète.

Comme sous la royauté, on peut faire l'hypothèse que, parmi les éléments de fracture qui vont probablement mettre en danger l'édifice, en particulier les coups de boutoir répétés contre notre modèle social et notre démocratie, il y a aussi le rôle de ceux qui ont l'air de consolider le pouvoir, ceux qu'on aurait appeler autrefois des courtisans. Parce que, au lieu de ramener le monarque à sa petitesse et à sa vulnérabilité, au lieu de rappeler au chef qu'il est là par la volonté du peuple et qu'il a des comptes à rendre à celui-ci, les courtisans et ceux qui se comportent comme tels, soufflent sur le moi du dirigeant pour le faire grandir encore, faisant oublier à ce dernier le principe même de la nécessité des contre-pouvoirs et qu'un gouvernement n'est bon que s'il est accepté par ceux qui sont gouvernés. Bref, au lieu de dire « Oui, mais... » ils semblent dire « Oui, Oui, Oui ! ». Mais c'est ce que l'on attend d'eux, semble-t-il...

Je ne sais pas si le sens du doute, de la possibilité de l'erreur, de la mesure ou de la relativité de toute chose, ainsi que le respect de ceux qu'il qualifie de « rien », faisaient partie du fonctionnement d'Emmanuel Macron avant son entrée en politique. Mais je n'en trouve personnellement guère plus trace actuellement.

Et là, franchement, cela ne me fait pas rire.

De même que je ne ris pas non plus de savoir que certains vont voir ce documentaire au premier degré et seront séduits par les ors de ce tableau présidentiel.

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