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Billet de blog 15 avril 2023

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Consommation militante

Quand un exécutif gouverne pour les riches et contre le peuple, quand les règles démocratiques sont détournées afin que la voix du peuple qui s'exprime au Parlement soit bâillonnée, quand le peuple mobilisé défile pendant des semaines dans la rue et se manifeste par la grève et que le pouvoir l'ignore, que reste-t-il pour empêcher le pire ?

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À qui profite le crime (je veux parler de l'assassinat progressif, mais rapide, de notre démocratie sociale) ? Tout ce que notre pays avait mis en place depuis des décennies afin de redistribuer les richesses et de protéger les pauvres, les fragiles mais aussi les classes moyennes, est attaqué, réforme après réforme. Je ne vais pas faire ici la litanie des pertes des acquis sociaux, ni les atteintes aux services publics, mais c'est largement documenté et nous en voyons tous les jours des effets dans notre vie quotidienne (on a même désormais du mal à se faire admettre aux urgences...). Et, si notre président actuel n'est pas à l'origine de cette dérive néolibérale, il en est cependant un champion non revendiqué officiellement.

On peut se demander où va l'argent de nos impôts, puisque le service rendu est saccagé tandis que nous continuons à verser à peu prés la même somme au pot commun. Ce n'est pas très compliqué : les impôts des ultra-riches sont bien inférieurs à ce qu'ils devraient être, car ces derniers sont abreuvés de cadeaux fiscaux et ont les moyens de faire de « l'optimisation fiscale », quand ils ne mettent pas leurs richesses dans des paradis fiscaux afin d'échapper à l'impôt, sans être vraiment inquiété par un État apparemment peu regardant sur ces milliards qui lui échappent. Les entreprises bénéficient en revanche d'énormes mannes fiscales que nous payons, nous, pour elles.

Pour complaire à une direction européenne néolibérale, le choix est fait de compenser ces pertes sèches au budget de l’État par une diminution des dépenses, entendons par là un abaissement des avantages sociaux.

C'est pourquoi un allongement de l'âge de départ à la retraite va permettre une diminution des prestations versées, et donc des économies. Mais est-ce que nos cotisations vont diminuer pour autant ? Non, bien sûr. En revanche, la perte d'efficacité du système va nous faire, à terme, nous jeter dans les bras de ces fonds de pensions qui vont faire de l'argent sur nos cotisations sans pouvoir nous assurer de ne pas faire faillite un jour... Même chose pour la destruction programmée de l'hôpital public qui va propulser les grosses boites de l'hospitalisation privée sur le devant de la scène, et celle de l'enseignement public qui ouvre les portes en grand à l'enseignement privé. Perte pour les citoyens, gains pour les ultra-riches.

Que peut-on faire pour arrêter ce système qui transforme notre pays en une petite sœur perverse des US, une version dégradée, centralisée et autoritaire de ces derniers, et qui s'autodétruit à une vitesse stupéfiante ?

Notre pouvoir de votant étant fort diminué par ces seconds tours électoraux biaisés par la présence de l'extrême-droite, et les manifestations, même géantes, étant ignorées par le pouvoir, faut-il bloquer le pays par une grève générale ?

Peut-être qu'il va falloir en arriver un jour à cette extrémité mais, en attendant, il existe un outil que nous n'avons pas encore utilisé : c'est la consommation choisie.

Cela n'a l'air de rien, et on peut se demander si c'est faisable, mais je pense que c'est un outil qui peut se révéler une arme utile, bien que non dangereuse.

Qui profite des largesses de la politique actuelle ? Les ultra-riches, les très grosses entreprises, la finance mondialisée... Tous ceux qui sont reçus en grande pompe dans les salons élyséens, alors que les syndicats n'y mettent pas les pieds.

Est-ce que nous pouvons agir sur ces bénéficiaires de la générosité de l’État ?

Oui, car, s'ils sont protégés par des dispositions législatives de plus en plus en leur faveur, il n'empêche que, la plupart du temps, ils n'existent que par notre consommation : achats divers, emprunts, placements, assurances etc... c'est notre consommation au sens large qui enrichit le plus souvent les riches. Les consommateurs ont donc un pouvoir. Allons-nous donc continuer à faire cadeau à n'importe qui de cette manne ? N'est-il pas temps de réfléchir, au moment de l'achat, à la personne ou la structure qui va recevoir notre obole ?

Je sais que de nombreuses personnes font déjà des choix de consommateur basés sur l'écologie, le caractère éthiquement correct du produit et de ses conditions de production, etc.

Alors je pense qu'il n'est pas interdit de se demander si l'on a envie de faire le cadeau de notre achat à quelqu'un, ou à une structure, qui est peut-être notre ennemi de classe, ou qui représente des intérêts que l'on ne veut pas soutenir.

L'argument selon lequel si l'on n'achète pas, on crée du chômage ne tient pas : si l'on achète, par exemple, directement à un producteur, on aide, directement, ce producteur qui était peut-être à deux doigts de la faillite. Cela me semble plus efficace que d'augmenter les dividendes d'actionnaires qui ne paient pas leurs impôts en France ou les bénéfices d'entreprises qui, parfois, n'ont aucun scrupule à licencier juste pour augmenter leurs marges.

Quel est la rapport entre cette consommation choisie, et raisonnée, et la réforme des retraites ? C'est que, si ceux qui profitent des largesses de notre État et des retombées sonnantes et trébuchantes de notre consommation craignent de voir leurs bénéfices diminuer, ils apprécieront moins la politique actuelle, ce qui pourrait dissuader notre président de s'enferrer dans ses réformes destructrices. Déjà Martine Orange développait dans cet article du 28 mars: "La finance internationale prend ses distances avec Macron" comment le monde de la finance était en train de prendre du recul par rapport à la façon autoritaire dont le président menait sa réforme des retraites.

Pour que le capitalisme, et donc les grands capitalistes, se portent bien, il faut que les gens achètent, s’endettent, consomment des produits inutiles mais qui leur font plaisir. Mais si le pays est en crise, les français vont moins consommer et cela va vite toucher les géants du capitalisme au portefeuille. Et si, en plus, les consommateurs, même une minorité d'entre eux, envisageaient de ne plus faire de cadeaux à ses derniers, je pense que la distance qui est évoquée dans l'article augmenterait. Cela ne pourrait pas être sans effet sur l'ancien banquier qui gouverne actuellement la France.

Mais peut-être me trompé-je ?

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