Les électeurs peuvent enlever la majorité absolue à la droite sans l'offrir au PS.
On a connu une chambre des Députés fonctionnant comme chambre d'enregistrement de la Présidence de la République : lors de la dernière législature, il suffisait souvent que Nicolas Sarkozy énonce son intention de faire passer une loi pour que les députés godillots la votent comme un seul homme. Cet état de fait a empêché le jeu sain et régulateur de notre Parlement : une majorité absolue à l'Assemblée conduit les discussions parlementaires à n'être que des discussions pour rire. Seules les manifestations populaires ou les réactions massives médiatiques ont, rarement, remis à plus tard une décision qui a souvent fini par revenir incognito (parfois dissimulée au cœur d'une de ces copieuses lois que l'opposition n'était même pas en mesure de discuter entièrement).
A godillot, godillot et demi...
Veut-on vraiment se retrouver avec un Parlement qui va faire entendre une seule voix, celle du PS ? Voix qui a laissé voter le MES et le Traité de stabilité ?
La seule façon pour que le débat démocratique revienne à l'Assemblée, c'est que le parti au pouvoir n'y soit pas seul majoritaire. C'est la seule possibilité dont nous disposons pour que les autres courants de la gauche et les non apparentés puissent faire entendre un son différent.
Et cela est très important dans un moment où nous allons être la cible des agences de notation, et où le PS s'apprête à nous faire boire la potion austéritaire que l'Europe et les banques réunies ont déjà fait boire à la Grèce, avec le succès que l'on sait.
Et ne soyons pas dupes d'un éventuel soutien à la « croissance » : tant que nos États ne remettent pas en cause le pouvoir exorbitant des agences de notation et rendu le pouvoir de création monétaire à la Banque Centrale, tant qu'ils n'ont pas défini une politique vis-à-vis des emprunts d’États qui privilégierait les citoyens et leur avenir aux dépends des bonus des banquiers, il n'y aura pas de croissance qui tienne. Celle-ci, si l'on maintient le projet européen tel qu'il se joue en ce moment, ne se ferait qu'en augmentant encore la dette et la spirale infernale menant à la récession.
Mais, même si l'on ne partage pas cette vision pessimiste du pacte Sarkozy-Merkel, et si l'on croit que le PS a réellement l'intention de s'y opposer, oui, même dans ce cas, il me semble qu'il faut souhaiter ardemment que le Parti Socialiste n'ait pas à lui seul la majorité à l'Assemblée. Car, si c'était le cas, le débat parlementaire serait confisqué pour cinq ans encore. Et c'est long, cinq ans.
Je vais me permettre une remarque, sous forme de question : n'est-il pas étrange que plusieurs ténors de l'opposition qui auraient pu faire entendre une voix discordante au Parlement soient susceptibles de ne pas être députés ? Je parle de Ségolène Royal, Jean-Luc Mélenchon et François Bayrou. Simple coïncidence ? Le billet de David Medioni sur ce sujet est intéressant : http://blogs.mediapart.fr/blog/david-medioni/120612/royal-bayrou-melenchon-meme-combat
Le PS fait de la politique politicienne : cela, il sait le faire. Ne soyons donc pas dupe de toutes les stratégies mises en œuvre pour gouverner sans partage. Et souvenons-nous que c'est Lionel Jospin qui a mis en place le calendrier électoral que l'on subit actuellement, lequel ne permet pas de remettre en question une équipe dont on n'a pas eu le temps d'observer le travail. Voir le billet de Corinne Volard : http://blogs.mediapart.fr/blog/corinne-volard/270112/le-rhythm-and-blues-de-la-democratie-francaise
Nous n'avons pas de preuves de la route que va suivre l'équipe au pouvoir. Mais certains signes sont là, notamment repérables par les choix de personnes, tel que celui d'Emmanuel Valls à l'intérieur ( http://www.mediapart.fr/journal/france/170512/valls-et-bauer-les-amities-encombrantes ) ou celui d'Emmanuel Macron, qui travaillait jusque-là à la banque Rothschild et qui devient secrétaire général adjoint de l’Élysée (http://www.mediapart.fr/journal/france/140512/l-elysee-le-nouveau-president-sentoure-de-fideles). Les choix électoraux ayant affaibli les autres forces de gauche peuvent représenter une autre facette de la même volonté.
Votons dimanche, en toute connaissance de cause !