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D'ailleurs, si vous étiez plus franc, vous diriez plutôt « mes » boulangers, « mes » enseignants etc. tant un positionnement surplombant suinte de votre logorrhée et trahit la position jupitérienne qui ne vous a jamais quitté et que vous avez vous-même ainsi désignée. L'exercice du pouvoir et l'entourage habituellement courtisan d'un chef d’État ont eu tendance à renforcer cette tendance funeste, mais ô combien fréquente chez ceux à qui le destin ou les urnes ont donné le pouvoir.
Mais, en fait, que connaissez-vous de la vie de ces « riens » qui constituent l'essentiel des citoyens de ce pays et que vous nommez si facilement vôtres ? A vous entendre, au fur et à mesure de vos déclarations publiques et de vos décisions politiques, on ne peut que remarquer le sentiment de supériorité qui s'exprime, manifestant un mépris du peuple qui n'a rien à envier à la monarchie absolue.
Mais si les monarques étaient censés tenir leur pouvoir de l'autorité divine, vous, vous tenez le vôtre, outre d'un scrutin qui vous opposa deux fois à l'extrême-droite, de l'autorité des marchés financiers, dont vous êtes le bras actif, voire le petit commissionnaire. Les grands argentiers, le grand capital, ne voient les citoyens que comme des vaches à traire, une somme d'individus à exploiter pour gagner davantage d'argent, soit grâce au travail de ces derniers, soit par leur consommation ou leur l'emprunt et, bientôt, par leur retraite.
Plus les citoyens sont exploités et maltraités (on parle pudiquement de « gain de productivité »), plus ils perdent de l'argent grâce à des investissements ou des emprunts s'avérant finalement hasardeux (vive les fonds de pension!) plus les grands possédants, dont on peut légitiment supposer que ce sont vos amis puisque vous fûtes banquier d'affaire, s'enrichissent.
Mais toute chose a sa limite. Les capitalistes ont besoin de notre consommation et d'un État qui collecte assez d'impôts pour que leurs entreprises bénéficient d'infrastructures leur permettant de fonctionner, et les dirigeants élus, en démocratie, ont besoin d'un minimum d'acceptation du peuple. Sinon on tombe en dictature or, en dictature, on ne consomme pas.
A écraser les pauvres et les classes moyennes, en diminuant progressivement tous les soutiens sociaux et en augmentant les dépenses contraintes, vous créez de la désespérance. Mais vous ne voulez pas le savoir. Suivant aveuglément l'idéologie néolibérale, vous semblez persuadé d'être du côté d'une pratique indiscutable du pouvoir. Comme s'il n'y avait pas d'alternative à vos choix.
C'est plus facile d'abuser de quelqu'un que l'on méprise : ce principe qui a permis l'esclavage, et l'exploitation de l'homme par l'homme, est universel. Mais c'est un principe pervers, et d'ailleurs contraire à la devise fondatrice de notre Constitution « Liberté, Égalité, Fraternité ». Mais cela a toujours cours, car cela marche : celui qui veut profiter d'autrui pour son propre bénéfice sera beaucoup plus efficace s'il méprise ce dernier parce que cela lui donne une plus grande liberté de manœuvre (l'éthique et la morale, quels freins à l'action...). Le profiteur, le pervers, ou le riche culpabilise souvent la victime de sa prédation. Malheureusement, celui qui est méprisé et infériorisé est le plus souvent amené à se soumettre davantage, que ce soit au niveau individuel ou collectif.
C'est pour cela que l'abus de pouvoir a tendance, le plus souvent, à s’aggraver. A l'ivresse du pouvoir et de la jouissance extorquée à l'autre s'ajoute la confusion grandissante de celui qui est humilié, maltraité et exploité et qui vit dans la peur que cela aille de mal en pis, ce qui inhibe son action.
Un temps.
En effet la souffrance répétée finit, un jour, par conduire à une réaction. Celle-ci sera d'autant plus efficace qu'elle sera collective. Et, avant cela, elle sera précédée d'une prise de conscience que la soumission n'est pas inévitable et que la révolte est possible et souhaitable : « Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux ».
Est-ce que nous sommes arrivés à cette prise de conscience ? Je crois que oui. L'ampleur des manifestations de jeudi témoigne, selon moi, du fait qu'une ligne rouge a été franchie dans l'exercice du pouvoir ou, autrement dit, que la coupe est pleine. Toute la session parlementaire, à l'automne, où des votes majoritaires s'opposant aux projets du gouvernement, dont un certain nombre portait atteinte à nos droits sociaux, ont été balayés par l'usage abusif et répété du 49.3, a donné in fine une perception très nette et pesante d'un déni de démocratie. Le fait que cela soit passé sans réaction populaire ne veut pas dire que le feu ne couvait pas, au contraire.
L'entêtement sur cette inique réforme des retraites (les pauvres vont travailler deux ans de plus, ou être aux minimas sociaux deux ans de plus, pour payer leur retraite aux riches qui vont vivre beaucoup plus longtemps qu'eux, en étant beaucoup plus aisés) c'est plus qu'une goutte d'eau en trop dans un baquet déjà bien chargé, c'est la preuve de la maltraitance généralisée que nous vivons tous et de l'agression répétée subie par notre démocratie sociale.
Je suis allée à la manifestation jeudi, et cela m'a fait du bien de nous sentir si nombreux à partager ce refus et je participerai aussi, bien sûr, à celle du 31 janvier. Mais en attendant, et parce que je ne veux pas d'un essoufflement du mouvement, je vais essayer, comme beaucoup, de continuer à agir. J'ai appris qu'il y avait une manifestation aujourd'hui. J'irai pour dire « stop » et continuer à le dire par tous les moyens pacifiques à ma disposition. Et ne croyez pas ou ne faites pas semblant de croire, Monsieur le Président, que mon action et celle de ceux qui partagent ma détermination, a pour but de détruire la démocratie. Au contraire, elle a pour but de défendre celle-ci.
Nous allons crier plus fort, si vous ne nous entendez pas.
Mais si vous persistez dans la surdité, je redoute que cela ne soit pire.
Est-ce que c'est ce que vous souhaitez ? Des actions violentes qui justifieraient un état d'urgence et des mesures encore plus autoritaires ? Ce serait, davantage qu'une erreur, une faute, aux conséquences gravissimes.
Mais je ne pense pas que le grand capital ait envie de cela, à moins que l'appauvrissement qui s'ensuivrait ne paraisse une aubaine à tous les profiteurs de guerre qui s'enrichissent sur les décombres des pays écrasés par la guerre, qu'elle soit militaire, politique ou économique...
Donc, pour éviter ces catastrophes, et si vous ne nous entendez pas quand on crie, on va être obligés de crier plus fort !