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Billet de blog 23 mars 2023

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E. Macron n'a pas de regrets

On peut être intelligent, et bête. Et même, très intelligent et très bête, à la fois, en même temps... Hier soir notre président a montré, sans le savoir, les limites de sa réflexion. Il l'a d'ailleurs avoué, sans réaliser ce qu'il disait, à la fin de cet entretien qui n'était pas un véritable échange (mais échange-t-il jamais avec quelqu'un, en fait ?).

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
© cc LB

Je ne gloserai pas sur les messages du discours présidentiel : d'autres s'y emploient avec talent et l'on entend avec délectation toutes les oppositions reprendre les morceaux de bravoure de cette platitude verbale en marche qui fait beaucoup de bruit autour du vide. Certains émettent l'hypothèse que notre président se fiche de nous en n'envisageant aucune solution pour nous faire rentrer à la niche, à part la peur que pourrait faire naître en nous l'assimilation manifestant-violence extrême ou les violences policières, tandis qu'il n'évoque pas une seule fois l'hypothèse de retirer cette loi destructrice d'avenir et de démocratie, et dont personne ne veut.

Je passe sur la culpabilisation des citoyens, des syndicats et des partis politiques (qui sort indemne des attaques présidentielles ? Sa douce et tendre, Alexis Kohler et ses amis financiers, probablement, et ?) tandis qu'il ne cesse, au moment où il met le pays à feu et sang, d'exprimer des messages d'auto-congratulation qui frisent le ridicule...

En revanche, ce qui m'intéresse, c'est le cas Macron. Comme on ne peut pas destituer un président en France, on peut imaginer que l'on va subir celui-ci pour un moment encore. Or ce dernier a démontré d'indéniables capacités de nuisance. Comment l'empêcher de poursuivre son travail de destruction d’État social et de démocratie ?

Et d'abord, comment ça marche, un Macron ?

Ce qui m'a toujours frappée, chez cet homme, c'est sa désagréable suffisance. Tout de suite on se rend compte qu'il s'écoute parler, et on a pu le constater hier soir encore : il fait des mines, surjoue, donne une musicalité artificielle à sa voix, force sur les mots importants au cas où on n'aurait pas compris. Je préfère (si l'on peut dire...) l'écouter sans l'image : je suis moins dérangée par son jeu scénique et j'entends mieux les mensonges.

Ainsi, hier, il a débité une somme de contre-vérités : ce serait les syndicats qui auraient refusé le dialogue, il n'y aurait pas de violences policières, en revanche les oppositions auraient fait preuve de violence extrême, cette réforme serait indispensable, il aurait amélioré le pouvoir d'achat de ceux qui sont au SMIC, le parcours de la loi contre la retraite aurait été normal, le 49-3 serait un vote pour ou contre le gouvernement et pas un empêchement de démocratie parlementaire, et Mme Borne aurait été courageuse d'engager la responsabilité de son gouvernement en activant ce dispositif, etc. Si l'on écoute bien, chaque énoncé est, ou franchement un mensonge, ou une présentation biaisée de la réalité.

Avant, ça marchait, et nombre de mes connaissances n'y ont vu que du feu et ont voté pour lui, il y a 6 ans, en pensant qu'il était socialiste, et de gauche. Mais si l'on peut mentir longtemps à un petit nombre de personnes, on ne peut pas mentir dans la durée à un grand nombre de personnes, surtout à l'heure des réseaux sociaux à la réactivité immédiate et collective.

Donc, le secret est éventé et nous savons presque tous que nous avons devant nous un baratineur. Cela ne serait pas grave s'il était simplement narcissique comme nombre de ceux qui se battent pour avoir le pouvoir. Car être narcissique n'empêche pas d'avoir le sens de l’État ou celui de ses responsabilités. Or, dans le cas qui nous occupe, nous sommes bien au-delà de ça, pour notre plus grand malheur, et cela se dévoile à la toute fin de l'interview présidentielle.

Je fais ici un intermède.

Quand une personne me demande conseil sur le choix à faire vis-à-vis de son partenaire amoureux (ou de sa partenaire) en me détaillant tous les abominables défauts d'icelui ou d'icelle, je ne l'oriente pas sur telle ou telle décision, bien sûr, mais je l'interroge toujours sur la question du doute chez l'horrible conjoint, et sur la capacité de celui-ci à se sentir coupable et à se remettre en question. Et je précise qu'il ne s'agit pas de la possibilité de se sentir nul parce qu'il a failli, mais bien celle de se sentir coupable vis-vis de l'autre pour lui avoir fait du mal .

Cette capacité est un bon signe de la capacité d'évolution positive de quiconque la possède. A l'inverse, ne se sentir jamais coupable et accuser les autres à sa place signe une impossibilité à évoluer et même, souvent, une tendance à devenir de plus en plus toxique. En effet, pour avancer, il faut savoir accepter le dérangeant sentiment qu'on mal fait: certains refusent ces sentiments délétères et préfèrent accuser l'autre à leur place. Jamais ils n'évolueront et resteront, dans tout ou partie de leur psychisme, l'ancien enfant qui ne voulait qu'être flatté.

Fin de l'intermède.

Que répond E Macron à la question de savoir s'il avait des regrets à propos de la réforme des retraites, à la fin de l'interview (ma citation est approximative) ?

« Mon seul regret c'est de ne pas avoir réussi à convaincre sur la nécessité de cette réforme.

Je vis pas de regrets, moi, je vis de volonté, de ténacité, d'engagement, parce que j'aime notre pays, nos compatriotes. Je suis à l’œuvre, pour pouvoir faire ce qu'on doit faire et il y a toujours des moments difficiles qu'il faut assumer mais pouvoir surtout jusqu'au bout les engager toutes et tous pour faire des transformations. C'est pas des lois, ce que je vous ai dit, c'est de l'engagement collectif parce qu'on a tous une part à prendre dans l'avenir du pays... On a tous une part à donner... ».

Passons sur le reproche caché dans les dernières phrases, comme si on n'était pas nombreux, déjà, à s'engager dans des projets collectifs favorables à l'avenir du pays et de ses habitants (notamment la lutte contre cette réforme inique, bien sûr, mais aussi tous nos engagements quotidiens) et sur une responsabilisation qu'il donne à tout le monde au lieu d'assumer, réellement, la sienne.

Ce qui m'intéresse, c'est l'accent mis sur la volonté et l'absence de regrets. Je pense que c'est vrai : notre président se fixe des objectifs et fait tout pour les atteindre (y compris faire accepter une relation transgressive à une famille bourgeoise, ou se faire élire en partie par le peuple de gauche pour faire une politique ultra-néolibérale). Mais il agit plutôt qu'il ne réfléchit. Sa pensée est un acte, il ne s'interroge pas et ne se permet pas d'avoir de regrets, c'est en tout cas à peu prés ce qu'il dit. Il avait déjà exprimé cela il y a plusieurs années, et cela me semble inquiétant. Ce positionnement est favorisé par le management moderne dont il connait les codes, mais il y rajoute quelque chose de personnel.

En effet, dans le cas précis de la réforme des retraites, il me semble incapable de se dire qu'il s'est trompé. D'ailleurs, de nombreux acteurs de la vie politique et sociale ont témoigné du fait qu'ils l'avait averti du risque qu'il prenait en mettant cette réforme à l'agenda, et ce, en pure perte.

Ainsi, même maintenant après des semaines de contestation sociale, je crains qu'il ne soit incapable de penser que c'est lui qui a fait une erreur et qu'il n'est pas le seul maître à bord : en fait il n'est là qu'en notre nom et doit gouverner pour nous et pas contre nous. Mais il ne veut pas le savoir, me semble-t-il. C'est, à mon avis, la cause de son entêtement (Quoi ? On me résiste?) et de notre problème. La fin de l'entretien dévoile ce fonctionnement, et je crois que la vérité surgit malgré lui parce qu'il relâche la tension.

Mais je crains fort qu'il ne soit incapable de faire autrement, et c'est vraiment dommage pour nous et pour la France..

A moins qu'il ne soit contraint de se rendre à l'évidence. Parce que pour ce qui est de l'empathie avec la population qui souffre...on peut toujours courir !

Il va donc falloir crier plus fort, et plus nombreux, pour qu'il nous entende.

Bonne manif !

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