Non, on ne vous y reprendra plus, à voter pour quelqu'un qui va trahir vos idéaux dès qu'il aura été élu. Et depuis que vous avez voté pour un candidat de droite alors que votre cœur est à gauche, il est hors de question que l'on vous y reprenne, à tremper dans des arrangements électoraux que vous dénoncez avec rigueur...
Oui mais... en face, ils n'ont pas de ces scrupules. En face ils votent, et ils n'ont pas besoin de se boucher le nez : l'odeur leur paraît supportable. Et leur bulletin tombe dans l'urne, avec celui de tous ceux qui savent que les élections ne sont pas le résultat d'un combat idéologique, mais celui d'un calcul arithmétique. Mâtiné d'une bonne dose de propagande plus ou moins officielle.
Alors, vous êtes contents, donc, que les résultats électoraux donnent tant de mairies à la droite, et un certain nombre à la fraction dure de la droite ? Vous êtes satisfaits que la gauche de la gauche disparaisse des écrans et des conseils municipaux, permettant au PS (avec ses arrangements atlantistes et pro-néolibéralisme et son atteinte des acquis sociaux ) de se prétendre encore la principale force de « gauche » en France ?
Moi, si j'étais vous, j'aurais un soupçon de regret, et peut-être de remords.Mais reconnaissons que vous n'êtes pas entièrement responsables : on peut supposer que vous êtes victimes sans le savoir d'une stratégie d'influence. En effet, vous n'avez peut-être pas repéré que les candidats et les électeurs du Front de Gauche sont, soit ridiculisés, soit ignorés. Ce n'est pas complètement le fruit du hasard. D'ailleurs la même chose s'était produite vis-à-vis de Ségolène Royal, qui ne plaisait pas à l'UMP, mais pas non plus aux éléphants néo-libéraux du PS : les " ségolénistes " étaient raillés, comme, ensuite le seront les " mélechonistes ". Pourquoi pas les "sarkozystes" ou les " hollandistes " ? Quant à la présence des candidats du Front de Gauche dans les médias pour ces élections... il faudrait faire des enquêtes, ce serait certainement très intéressant...
Le bipartisme a bonne presse en France, et il se nourrit de la mise en avant du Front National en tant qu'épouvantail censé cristalliser les votes protestataires (avec le projet que ces voix se reportent sur les deux partis majoritaires au second tour, et pas sur la gauche de la gauche) et de la volontaire occultation d'une force politique alternative à la politique néolibérale. A écouter la soirée électorale du 23 mars, on pouvait avoir l'impression que le FN avait gagné les élections. Cette stratégie médiatique permet d'occulter les scores désastreux du PS, scores consécutifs, selon moi, à la trahison du peuple par ses dirigeants élus qui gouvernent pour les banques et le commerce international, après s'être déclarés ennemis de la finance dans la période préélectorale. Et elle permet aussi de maintenir hors-champ les partis qui prétendent réellement défendre les travailleurs et les victimes du système, et qui veulent un service public de qualité et une politique redistributive. En marketing, on sait bien que dire du mal de quelque chose médiatiquement, c'est encore en faire de la publicité. A cet égard, tout le monde fait la pub du FN... Mais sans le savoir !
Cette stratégie, poussant la droite de la droite, contribue aussi à maintenir le PS dans le camp de la « gauche », au moins officiellement.
Alors, chers abstentionnistes, si les scores observés lors de ce premier tour des élections municipales vous satisfont, il n'y a pas de problème, continuez comme ça.
Mais si vous déplorez la droitisation de la société, et si votre abstention est, pour vous, la manifestation de votre refus de la situation actuelle, j'espère que vous aurez compris que vous vous trompez d'outil. L'abstention ne sert que ceux qui votent, en leur donnant le droit de choisir plus que vous les élus.
On voit le résultat ce soir.
A vous d'en tirer les conclusions.
PS : sur le même sujet, mais avant... http://blogs.mediapart.fr/blog/liliane-baie/270214/mon-ennemie-cest-labstention