Il était rond et blond comme tout chapon dodu destiné à orner une table de Noël. Acheté au dernier moment, il avait déjà le mérite d'être là, sur ma table de cuisine, prêt à me tendre sa peau douce pour que je l'enduise d'huiles épicées. La farce que j'avais préparée, et finement parfumée à l'Armagnac, attendait de pénétrer le corps offert de mon chapon.
C'est à ce moment-là que je les ai vus. Les poils du chapon. Le premier, collé à l'épiderme du volatile, m'a semblé venir de la rencontre improbable de celui-ci avec un mammifère velu. J'ai tenté de l'ôter, mais cet effort m'a révélé que le phanère incongru était planté, et n'était pas seul, mais issu d'une touffe prenant origine sous l'aile du poulet castré. Quoi ? En plus des plumes, mon chapon avait des poils ? J'explorai plus avant et dus bientôt me rendre à l'évidence. La symétrie de l'implantation pileuse que j'observais ne souffrait aucune ambigüité : si je pouvais supposer que ce chapon avait été porteur de plumes ( à ce stade, je ne suis plus sure de rien...) il n'empêche qu'il avait aussi du poil sous les bras !
Pourquoi pas ? me direz-vous.
Mais pourquoi ? vous répondrai-je...
Il m'est venu quelques hypothèses, allant du constat d'une inculture de citadine m'ayant fait ignorer jusque-là que le chapon est à non seulement à plumes, mais aussi à poils, jusqu'à l'enrichissement de l'alimentation de nos volailles somptueuses de Noël avec quelque hormone justifiant l'épilation intégrale. Sachant que le chapon se caractérise par le fait qu'il a été délésté de deux de ses glandes, et non des moindres, est-ce que la SPA aurait décidé de corriger cet hypogonadisme iatrogène par l'adjonction d'une substance correctrice ?
J'attends quelque éclaircicement de la part du lectorat cultivé de Mediapart. Sinon, c'est quand les poules auront des dents que je saurai pourquoi les chapons ont des poils.
PS : il était délicieux.