C'est en revoyant encore et encore des titres d'articles nous annonçant ce que D.Trump avait dit ou aller faire demain que, frôlant la surdose, je me rappelai ce symptôme tout simple témoignant d'une personnalité disons, particulière. Quant à l'absence de sentiment de culpabilité chez l'auto-désigné roi du deal, je laisse chacun en juger.
On me dira que ce président ne se différencie pas beaucoup de nombre de dirigeants très contents d'eux-mêmes tout en étant occupés à détruire le fragile équilibre du monde et à apporter du malheur aux pauvres habitants de la planète que nous sommes. En effet, tels de méchants dieux de l'Olympe, nombre de nos dirigeants gouvernent contre leur peuple, et contre les peuples voisins. Je pense que c'est à leur capacité de nuire qu'ils évaluent l'étendue de leur pouvoir, et qu'ils jouissent de celui-ci (et ceci entre autre grâce aux grands capitalistes néolibéraux, souvent dotés d'une même absence de scrupules, et qui les servent autant qu'ils sont servis).
Ainsi va le monde, avec des dirigeants qui occupent l'espace médiatique, témoignant chaque jour de leur médiocrité et de leur sadisme, devant nos yeux d'hypnotisés qui n'arrivent pas à détourner le regard pour regagner un peu de distance, un peu de liberté, et une grosse dose de combativité.
Non, comme l'épouse victime d'un mari violent, craignant de déplaire à son mari, on se demande si on a mis assez de sel pour ne pas irriter la brute, et de quel côté le coup va tomber, et à quel moment.
Quand j'ai constaté que de nombreux dirigeants, et pas des plus respectueux ni des plus modestes, s'écrasaient après avoir été menacés de droits de douane massifs, et déclaraient que D.Trump méritait le prix Nobel, j'ai eu vaguement le pressentiment que l'on était en train d'observer la montée en puissance d'un nouvel avatar de génie du mal comme l'humanité en a déjà produit quelques échantillons. En effet, si le président des US nous avait déjà montré l'étendue de son talent, on pouvait désormais constater à quel point il modifiait les traditionnelles relations diplomatiques entre dirigeants internationaux.
On sait que ce qui favorise l'emprise, c'est l'alternance de valorisations exagérées de la future victime, et de rejets brutaux et sans raison objective de celle-ci. Celle qui est traitée de cette façon se demande rapidement en quoi elle a mérité cette disgrâce. Elle se met, sans en être consciente, à introjecter (intérioriser dans son psychisme) une pensée de l'autre qui ne la quitte plus, en se demandant tout le temps si ce qu'elle pense ou ce qu'elle fait va entraîner un problème. D'où une hypervigilance et une réflexion qui s'appauvrit parce que celle-ci est de plus en plus centrée sur le pervers ou le harceleur. Nous avons tous été témoins de la violence avec laquelle V.Zelensky a été traité. Lequel, d'ailleurs, semble s'en être bien remis. Mais nous, est-ce qu'on s'en est remis?
Un autre élément d'identification de ces situations, c'est que la victime d'emprise se retrouve dans un conflit psychique dont elle ne peut pas sortir. En effet elle vit souvent une alternative:
Ou je m'écrase pour ne pas avoir de problèmes mais je ne fais pas ce que je veux et je souffre et je vais souffrir.
Ou je proteste, je me défends et je me mets en colère mais cela va me retomber dessus.
Les pervers narcissiques, à petite ou grande échelle, savent bien utiliser le ressort de la vengeance en cas de rébellion pour bien coincer la victime dans cette fausse alternative et augmenter la peur. Cela entraîne une inhibition.
Entre ces deux alternatives, il en existe bien d'autres, qui vont du simple refus de répondre, à des solutions plus élaborées, telles que trouver une réponse qui s'aide du collectif, ou contre-manipuler. Pour la contre-manipulation, ce n'est pas très dur : les narcissiques boivent les compliments comme du petit-lait, et en sont dupes, c'est comme cela que je comprends les prétendues allégeances au grand homme de nombreuses personnes, elles-mêmes pas forcément dégagées de tout narcissisme pathologique, tels les géants de la tech...
L'emprise nous fait perdre de vue notre capacité à nous opposer, et nous fait oublier qu'il suffit souvent de jouer collectif pour reprendre la main. Est-ce que c'est ce qui a commencé à se jouer au sommet des BRICS à Rio cet été, je ne le sais pas. Mais peut-être.
Mais il n'y a pas que les dirigeants des grands pays qui ont des marges de manœuvre à retrouver, nous aussi, en tant que citoyens et consommateurs, nous avons une marge d'action incroyable, si nous jouons collectif.
Vous ne me croyez pas ? Considérez l'abandon rapide par E.Musc de son poste en or dans l'administration trumpienne et de ses ambitions politiques, quand il s'est rendu compte que son sadisme politique était en train de lui faire perdre non seulement énormément d'argent avec la chute des ventes de Tesla, mais aussi une image d’entrepreneur de génie qu'il avait mis des années à peaufiner.
Il a suffit que l'acte d'achat et de possession d'une voiture de ce type soit désormais associé à une politique crétine et injuste à un point rarement atteint, pour que les ventes s'effondrent.
Vis-à-vis de l'actuel président des États-Unis, un refus d'achat ne serait pas mal. En ce qui me concerne, j'essaie de ne plus acheter américain. Je crois que je ne suis pas la seule.
Les américains eux-mêmes commencent à manifester en nombre, ou certains fuient leur pays qui désormais les maltraite.
Mais des petits Trump, il y en a partout, nous en avons sous les yeux, dans notre entourage, dans le monde du travail, à la tête de certains grands groupes, parmi les dirigeants politiques...
Ils utilisent toujours les mêmes ficelles, et nous avons peur sans le savoir. Ce qui guident nos conduites, alors que nous n'en sommes pas conscients.
Les journalistes tendent le micro à ces gens, alors qu'il faudrait les rendre inaudibles.
De même que ce n'est pas une bonne idée de donner beaucoup d'audience à un acte terroriste parce que, ainsi, on fait exactement ce que le terroriste voulait (déclencher l'effroi) de même en parlant tous les jours de ce qui a traversé l'esprit du dirigeant américain dans la journée, on lui donne le rôle de de roi du monde qu'il revendique.
On pourrait (soyons fou) imaginer de fixer une journée ou aucun journaliste ne citerait le nom de D.Trump. Ce serait chouette, non ?
Mais on peut mettre d'autres noms dans cette proposition, tant parler de quelqu'un, même en mal, c'est toujours en faire de la publicité.
On entend souvent "Ce n'est pas la peine de voter, parce qu'on ne tient pas compte de notre vote...". Comment a-t-on pu convaincre tant de personnes de ça? En ne tenant pas compte de leurs votes, justement (cf le vote contre le TCE ou la non-prise en compte du résultat des dernières législatives par E.Macron)... Mais s'il y a une majorité absolue cela devient plus difficile. Donc la non-prise en compte des résultats des élections devrait nous pousser à faire encore plus de publicité à la participation au scrutin. La plus grande démonstration de la puissance du collectif, c'est le suffrage universel. Mais encore faut-il que les opposants ne soient pas convaincus qu'il vaut mieux ne pas aller voter (pensez aux municipales de mars, municipales qui sont en fait, aussi, le premier tour des sénatoriales).
En tout cas, il me semble urgent, non de « réagir » mais de réfléchir en commun à la façon dont on peut revenir à nos fondamentaux, afin d'empêcher de nuire ceux qui n'ont aucun scrupule à tout casser, et en particulier la démocratie, et chez nous cette démocratie sociale si précieuse, mais aussi nos valeurs, celles qui sont aux frontons de nos mairies et qui ont tellement de sens : « Liberté, égalité, fraternité ».
Mais pour cela il me semble qu'il convient de ne pas être dupe des faux évènements montés en épingle par les médias aux ordres (ceux des grands groupes, mais hélas aussi certains médias publics) qui mobilisent notre attention en nous obligeant à penser à des choses qui nous empêchent de penser. Sortir de cette emprise va nous permettre de trouver des moyens d'action plus efficaces que des manifestations épisodiques. Il va falloir être inventifs, mais si on a récupéré notre liberté psychique, et donc la croyance en notre possibilité d'agir, on va y arriver.