Après la promulgation immédiate de la loi portant réforme des retraites (1) dans la foulée de sa validation par un Conseil Constitutionnel godillot pressé d'en terminer (2), le combat continue.
J'en veux pour preuve la réunion publique qui s'est tenue hier à l'initiative de Médiapart et du club Droits, Justice et Sécurités (DJS) au théâtre Dejazet, magnifique rescapé parisien du XIXème siècle, sis boulevard du Temple anciennement dérnommé boulevard du Crime, avec pour sujet du jour :
« rendre la justice à la démocratie »
La réforme des retraites qui a focalisé en effet pendant plusieurs mois l'attention en servant de catalyseur à la mobilisation des français, n'est que la partie émergée d'un iceberg sur la route du Titanic, qu'il nous faut bien appeler, en accord sur ce point avec Dominique de Villepin : « un des principaux problèmes de la France ».
C'est en effet « l'hyperprésidence » qui était hier dans le box des accusés, les affaires Woerth/Bettencourt en étant une illustration parmi d'autres :
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désordres dans le champ de la justice exacerbant le pouvoir d'un seul homme dont les proches sont pris la main dans le sac d'un « stupéfiant bouquet d'infractions » (Christine Lazerges, présidente de DJS)
faisceau d'affaires concordantes menant au coeur du pouvoir avec pour toute défense la mise sous tutelle de la justice épinglée par l'arrêt Medvedyev (Sabrina Goldman, avocate) (3)
entreprise globale de confiscation du pouvoir par sa minimisation systématique : premier ministre fantôme, parlement domestiqué, justice disqualifiée ou rabaissée, notamment dans l'expression de « magistrats petits pois » (Elisabeth Guigou, ancienne ministre de la justice) (4)
exercice du pouvoir qui n'a pas le sens des limites en s'en prenant aux fonctions dont la finalité est précisément de limiter le pouvoir, à savoir la justice et la presse (Edwy Plenel, fondateur de Médiapart)
mise en évidence d'un système où l'action de la police et celle de la justice sont inversées dans leurs missions et leurs méthodes, la présomption de culpabilité se substituant à la présomption d'innocence (Gilbert Flam, secrétaire général de DJS)
mise en scène digne d'une dramaturgie incroyable cumulant la multiplication de conflits d'intérêts, la disproportion dans la qualification des faits et le classement sans suite d'infractions avérées, ouvrant une page nouvelle de la vie politique où la peur de déplaire prime sur la volonté de bien faire, ce qui dépasse le débat sur la simple justice pour toucher au débat sur la citoyenneté (Pierre Joxe, ancien ministre de l'intérieur puis de la défense, ancien premier président de la Cour des Comptes, ancien membre du Conseil Constitutionnel).
Quelques résolutions suggérées par la salle :
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pétition pour la suppression de la loi du 4 janvier 2010 sur le secret des sources qui est une loi de simple apparence (représentant d'Europe 1)
campagne de restauration de la liberté de la presse en France dont la note a chuté au 44ème rang mondial depuis 2007, afin de lui éviter d'être comparée à la Côte d'Ivoire (représentante de Reporters Sans Frontière) (5)
traitement de la peur qui s'insinue à tous les échelons de la société en replaçant l'éthique au centre des travaux sur l'alternance (représentants des élus du peuple)
agir aussi pour la justice civile qui concerne tout le monde et pas seulement pour la justice pénale qui ne concerne que les crimes et délits (représentant d'associations de victimes du service public de la justice)
On le voit, le redressement de la France dépend de nous et le travail ne manque pas : « il existe un crime de silence. Le jour du règlement de comptes, nous ne serons pas accusés d'avoir parlé mais de nous être tus » (François Mauriac) (6)
Lincunable, le 10.11.2010
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http://www.syndicat-magistrature.org/Arret-Medvedyev-le-parquet.html
http://prdchroniques.blog.lemonde.fr/2007/10/10/nicolas-sarkozy-les-juges-et-les-petits-pois/
http://survie.org/billets-d-afrique/2010/196-novembre-2010/article/le-juge-ramael-sous-pressionhttp://www.mediapart.frhttp://blogs.mediapart.fr/blog/edwy-plenel/160308/mauriac-et-le-crime-de-silence
