"Et les victimes soudanaises et congolaises, pourquoi vous ne les défendez pas ?". Entendre Christophe Barbier, l'inénarrable grand reporter spécialiste des plateaux télés tendance comptoir de bistrot, apostropher Aymeric Caron aurait pu dans un autre temps nous faire pouffer de rire. Barbier et ses clones ont beaucoup de mal à trouver le sommeil tant les morts du Darfour les bouleversent. D'ailleurs, on ne compte plus leurs interventions sur le sujet, leurs interpellations variées et même leurs expéditions sur le terrain au mépris de leur propre sécurité.
On l'a vu à cette occasion, évoquer le sort des gazaouis, défendre les palestiniens face aux assauts de l'armée israélienne, est pour eux une position méprisable et irrationnelle. Rejetée dans le grand malheur du monde, la guerre livrée aux gazaouis perd ainsi toute importance, toute réalité. Puisqu'il y a bien d'autres malheurs dans le monde, ne venez pas nous embêter avec celui-ci particulièrement. Le mieux est donc d'arrêter de se révolter et surtout de se mouler dans notre défense de l'occident ancestral si bien défendu par le gouvernement israélien.
Quelle déshumanisation a pu frapper tous ces abonnés des plateaux télés et journaux du consensus mou ? En réalité, leur vision du monde est restée la même, les guerres et les évènements extrêmes sont simplement un révélateur de ce que chacun est. La grosse artillerie est alors dégainée, les aberrations succèdent aux monstruosités : "un enfant tué par les israéliens sait qu'il a été plus respecté dans sa mort qu'un enfant israélien tué par le Hamas", "en 1945, tout le monde s'est foutu du bombardement de Dresde (sous-entendu, c'était le bon temps où on pouvait tuer sans problème de conscience, continuons comme ça)", "les étudiants ne doivent pas se mêler de politique, mais juste obéir aux injonctions gouvernementales", "il faut interdire toutes les manifestations défendant les palestiniens", "le Rassemblement National a montré qu'il est aujourd'hui un garant de la lutte contre l'antisémitisme", "les habitants de Gaza sont tous un peu responsables", "l'antisémitisme a gagné La France Insoumise et les étudiants de Science Po". On pourrait continuer ainsi à l'infini la liste des propos irréels ânonnés au quotidien sur les plateaux télés.
Du Rassemblement National au Parti Socialiste, le consensus est total : "la guerre, quel malheur, mais on n'a rien trouvé de mieux pour se venger !". Les plus enragés réclament de continuer les massacres, les bombardements jusqu'à une hypothétique fin dans laquelle les palestiniens se seront évaporés où tout aura été détruit, l'Occident aura triomphé et aura montré aux gueux et aux misérables qui est le plus fort. Les autres, adeptes du consensus mou adoptent le langage de la raison reliant le cessez le feu à la libération des otages; comme si les enfants palestiniens qui meurent, mouraient pour une bonne raison qui serait justifiée par la non libération des otages. Quel rapport ? La souffrance des uns doit-elle être en rapport avec le malheur des autres ? Où est passée leur part d'humanité, de compassion, de pitié ? Par quelle logique mortifère, pouvons-nous relier le sort des otages israéliens avec l'assassinat d'enfants ? Comment accepter la mort d'enfants tant qu'il y a des otages ? Est-ce que sans ces otages, la mort de ces enfants serait-elle davantage criminalisée ?
Je suis pris dans un vertige émotionnel lorsque je tente de rationaliser quelque peu le raisonnement que j'entends au quotidien dans les média qui nous entourent. Mis à part France 24, aucun des médias institutionnel ne s'attarde sur le sort des gazaouis, n'est simplement ému par ce qui s'y déroule, les voix critiques sont assaillies par les collabos médiatiques qui se jettent sur leurs proies avec quelques sésames magiques et inquisiteurs : "antisémitisme", "terrorisme", "soutien au Hamas".
J'ai bien peur que tout soit trop tard. L'extrême droite a gagné en imposant ses références et ses valeurs, Goldnadel se frotte les mains, les innocents gazaouis sont morts, d'autres souffriront toute leur vie. Plus tard, les historiens examineront tout ça avec effroi, nous pourrons alors rendre honneur aux justes qui ont défendu les innocents. Mais ce sera trop tard. Le crime sera passé.