Lorsque les députés sortants non reconduits par leur Parti ont découvert que leur nom ne figuraient pas sur la liste des candidats aux législatives, ils ont été à juste titre révoltés par l'injustice de la situation. Et on les comprend, n'ayant nullement démérité et n'étant éliminé qu'en raison du crime de lèse-Mélanchon. La réaction immédiate des autres "frondeurs" de LFI était dans un soutien affirmé aux cinq députés sanctionnés. S'en est suivi un emballement médiatique béni par les chaînes d'info qui n'avaient jusque là jamais autant donné la parole à Alexis Corbière et Raquel Garrido. En même temps, l'ensemble des autres forces de gauche s'est rapidement rangé dans le camp des victimes de la purge.
La question posée par ce fait est d'une grande complexité et j'avoue après réflexion ne pas avoir trouvé de réponse satisfaisante.
Ancien militant au Parti Socialiste, je me souviens des candidats parachutés à la dernière minute et qui venaient remplacer celui qui avait été désigné démocratiquement par les adhérents. Je n'ai que rarement connu de candidats déchus qui se maintenaient. Et tout ça était autant immoral qu'accepté par chacun. Il aurait paru à cette époque bien anachronique que le Parti Communiste par exemple donne son avis sur le choix de l'appareil politique socialiste.
En ce cas présent, chacun à gauche y est allé de son jugement sur le choix interne à LFI, choix peut-être indéfendable (bien sûr que la direction actuelle est la première responsable) mais choix qui concerne le Parti LFI. Est-ce finalement si différent que le choix à la carte que l'on commence à voir ici ou là sur les réseaux sociaux ? Anne Sinclair qui votera à gauche mais pas pour un candidat LFI, Patrick Kanner (ancien ministre socialiste) qui ne soutiendra pas le candidat désigné par LFI dans sa circonscription, Jérôme Guedj qui se présente contre LFI mais qui explique qu'il rejoindra le groupe du NFP s'il est élu, Olivier Faure ou Sandrine Rousseau qui soutiennent les cinq députés exclus alors qu'ils ne sont concernés ni par LFI, ni par les circonscriptions en jeu. Dans ma circonscription, le candidat choisi est François Hollande. Soit. Les reproches que je peux lui faire (et ils sont nombreux) n'interviendront pas dans mon choix de vote. J'ai voulu le Front Populaire, ma circonscription est revenue au Parti Socialiste, je ne suis pas au Parti Socialiste, je ne me pose donc pas de question sur mon vote. Pourquoi cela ne fonctionne pas de cette manière avec LFI?
Pourquoi, comme cela s'est toujours fait, ne laisse-t-on pas LFI gérer soi-même et en interne son fonctionnement ? Si demain il doit y avoir des recompositions, pourquoi n'attendons-nous pas que les élections soient passées afin de ne pas laisser des brèches s'installer ? Pourquoi toute la gauche est-elle si soucieuse du bon fonctionnement démocratique de LFI ?
Dans le monde politique, je ne crois pas avoir déjà assisté à une telle préoccupation du sort de députés sortants.
Je suis à titre personnel favorable à ce que le combat et les valeurs de notre gauche s'incarne en François Ruffin. Mais je suis un peu gêné de cette stigmatisation de LFI à un moment si important, porteur d'espoir et aussi d'inquiétude. Je m'interroge sur la raison profonde pour laquelle certains ont approuvé un règlement qui finalement se révèle à géométrie variable.
Je ne sais pas pour qui je voterais le 30 juin si j'étais concerné par l'une des cinq circonscriptions en question. Ce dont je suis certain, c'est que je me méfierais des pièges qui me seraient tendus par nos adversaires. Quand on signe un engagement, on le respecte (quitte à en changer ultérieurement) ou on sort.