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Billet de blog 15 octobre 2024

Géorgie : à dix jours du scrutin, un climat répressif qui s'installe

À dix jours du scrutin, le gouvernement géorgien semble plus que jamais déterminé à instaurer un climat de peur par la répression et l'intimidation des opposants. Faisant craindre des fraudes et un passage en force en cas de défaite.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

À dix jours d’un scrutin législatif majeur, la vie politique géorgienne est marquée depuis quelques mois par un regain de violence, tant physique que verbale, ainsi que par l’intimidation des opposants politiques et de la société civile. En particulier depuis les manifestations quotidiennes contre la loi sur les agents de l’étranger qui ont secoué le pays en avril et en mai derniers, la Géorgie semble être ainsi tombée dans un cycle infernal de répression politique dont il est difficile de voir le bout.

Selon le média indépendant Civil Georgia qui répertorie cas de violences politiques durant la période électorale, 22 personnes ont subi des violences physiques depuis le début de la campagne, dont 5 personnalités politiques et 3 représentants d’ONG (1).

Le 19 septembre, une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux montre des dizaines de militants de l’United National Movement (le parti de l’ancien président Saakashvili et première force d’opposition au Parlement) violemment attaqués par un groupe d’individus dans la ville de Zugdidi sous le regard impuissant de policiers. Certains des assaillants ont été identifiés comme étant directement liés à la municipalité tenue par le parti au pouvoir et même à des membres du gouvernement (2).  

Plus récemment, le 9 octobre, des militants de la coalition « For Georgia » (une des quatre coalitions d’oppositions) se sont fait attaquer lors d’une activité d’affichage en plein cœur de Tbilissi en pleine journée. Selon les représentants de la coalition, les attaquants seraient des militants du parti au pouvoir -information non vérifiée à ce jour (3).

Ces événements qui se multiplient font suite au tabassage de dizaines de manifestants en avril et en mai à Tbilissi lors des manifestations, dont certains hommes politiques. Restées impunies à ce jour, ces violences ont même mené à l’arrestation et à l’incarcération de dizaines de manifestants dont certains sont encore sous les verrous.

Plus inquiétant encore et plus difficile à tracer, un système organisé d’intimidations des opposants et d’acteurs de la société civile semble également s’être mis en place. Lors des manifestations d’avril et de mai, un grand nombre d’organisateurs, de dirigeants d’associations, mais aussi de simples militants, avaient rapporté avoir été menacés par téléphone et via des lettres anonymes. Des campagnes d’affichages visaient même nommément des personnalités publiques sur les murs de la capitale, photos à l’appui, sous l’appellation « agent de l’étranger ».

Depuis lors, un niveau supplémentaire a été atteint avec le ciblage des partis et personnalités politiques. En témoigne le saccage des locaux de l’UNM dans l’Est du pays cet été (4). Ou encore le gel de comptes bancaires de certains dirigeants des partis d’opposition pour des motifs litigieux qu’ils contestent (la plupart du temps pour le défaut de paiement d’une amende qu’ils déclarent n’avoir jamais reçue) (5).

Beaucoup redoutent la multiplication de ces actes à l’approche de l’échéance et alors que les manifestations devraient redoubler dans les grandes villes du pays ces prochains jours.

S’il est parfois difficile de prouver l’implication directe du parti au pouvoir dans ces agissements, son rôle indirect dans l’instauration de ce climat de peur et de méfiance est établi. Le premier ministre et le président d’honneur du parti ont ainsi multiplié les diatribes contre les partis d’opposition et la société civile depuis l’adoption de la loi sur les agents de l’étranger, les accusant de former ensemble « le parti de la guerre », un ennemi de l’intérieur qu’ils promettent de dissoudre s’ils restent au pouvoir.

Sur le même lexique totalitaire, le gouvernement ne cesse de donner des procès en illégitimité aux ONG inscrites pour l’observation électorale, sous prétexte que certaines d’entre elles sont financées par des pays européens, faisant ainsi craindre la couverture de larges fraudes le jour du vote.

Le 11 octobre, un sondage réalisé par l’institut britannique Savanta donne le parti au pouvoir à 36% des suffrages et les quatre coalitions d’opposition (qui ont promis de s’unir en cas de victoire) à 50% (6). De quoi donner de l’espoir à une grande partie du pays, malgré le manque de fiabilité de ces sondages d’opinion en Géorgie – le parti au pouvoir revendique, lui, le soutien de 60% du corps électoral. Mais reste alors la question de la fraude et celle du respect des résultats par le parti en place en cas de défaite. Sans compter bien sûr celle de la réaction de la Russie si les résultats ne lui plairaient pas.

Néanmoins, beaucoup d’observateurs et de militants s’accordent à dire que toutes ces questions dépendront en réalité, en cas de victoire qu’ils espèrent de l’opposition, de la marge de cette victoire et de l’écart avec le parti au pouvoir. Chiffres qui dépendront alors largement du taux de participation.

(1) 2024 | Chronicle of Repression – Civil Georgia
(2) UNM Representatives Say Attacked by Government-Paid Thugs in Zugdidi – Civil Georgia
(3) October 9: In Tbilisi, representatives of the "For Georgia" party were attacked while putting up election posters, and their campaign materials were damaged - საერთაშორისო გამჭვირვალობა - საქართველო (transparency.ge)
(4) 2024 | Chronicle of Repression – Civil Georgia
(5) 2024 | Chronicle of Repression – Civil Georgia
(6) Georgia’s October 26, 2024 Parliamentary Election Live Blog – Civil Georgia

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.