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Billet de blog 23 septembre 2024

Élections en Géorgie : un choix qui dépendra du vote des jeunes

À cinq semaines d'élections cruciales en Géorgie, la mobilisation des jeunes reste la clé du scrutin, face à un régime de plus en plus autoritaire et tourné vers Moscou.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce qui frappe tout de suite en entrant dans une grande ville de Géorgie ces jours-ci, c’est le nombre et la taille des affiches officielles du parti gouvernemental (Georgian Dream – « Rêve Géorgien ») disséminées un peu partout aux abords des routes, au-dessus des ponts et au dernier étage des immeubles. Fonds bleu, drapeaux géorgiens et européens mélangés et un message un grand : « Dans l’Europe, avec dignité ». Jamais un message politique n’avait semblé autant en décalage avec la réalité.

À cinq semaines d’élections législatives dont tous les observateurs s’accordent à dire qu’elles seront cruciales pour l’avenir démocratique du pays, le gouvernement cultive ainsi son double discours. D’un côté, l’intégration dans l’UE –et dans l’OTAN- font encore officiellement partie des priorités, d’ailleurs inscrites dans la Constitution.

De l’autre, le parti au pouvoir ne cesse ces derniers mois de fustiger l’Occident, désigné comme le « parti de la guerre » (1) qui voudrait entraîner la Géorgie vers une deuxième guerre contre la Russie. Des lois autoritaires, calquées sur des lois russes et prévoyant une répression imminente de la société civile, ont également été votées à la va-vite : une loi sur les « agents de l’étranger » (qui obligent les médias et les ONG financés à plus de 20% par des financements étrangers à s’enregistrer comme tel) en mai dernier, provoquant des semaines de manifestations dans les grandes villes du pays (2), et une loi anti-LGBT cette semaine qui interdit dans des termes ambigües toute « propagande » des relations autres qu’hétérosexuelles dans l’espace public et sur les écrans (3).

Sans parler de la promesse faite par le premier ministre début septembre de dissoudre les partis d’opposition, jugés « illégaux », s’il gagnait les prochaines élections (4). Dans un pays où, selon les sondages, de 80 à 90% de la population souhaite une intégration rapide dans l’Union Européenne, le gouvernement marche ainsi sur cette étroite ligne de crête : donner des garanties à Moscou quant à son virage pro-Kremlin, assurant ainsi son maintien au pouvoir sous perfusion du fondateur du parti Bidzina Ivanishvil, oligarque ayant fait sa fortune en Russie, tout en faisant croire à sa population qu’il poursuit l’objectif encore sacré de rapprochement avec les institutions occidentales.

Mais le peuple géorgien est-il aussi dupe, lui qui a déjà porté le Rêve Géorgien trois fois au pouvoir depuis 2012 ? « La propagande [gouvernementale] marche en partie parce qu’elle est basée sur des faits réels » selon Salomé K, directrice du Liberty Institute à Tbilissi. « Il n’y a pas eu de guerre avec la Russie depuis qu’ils sont au pouvoir, l’économie ne marche pas trop mal et la Géorgie a accédé au statut de candidat pour l’Union Européenne en décembre 2023 ».

Mais voilà, la dérive autoritaire accélérée constatée ces derniers mois a poussé les dirigeants européens à geler les négociations pour l’intégration de la Géorgie en juin ; et les Américains à couper certains financements tout en menaçant de les arrêter complètement. « Le gouvernement est en train de saboter le rêve occidental des géorgiens, mais cela ne semble pas troubler l’efficacité de leur propagande » poursuit Salomé. Plusieurs raisons à cela selon elle : « des médias polarisés, mais surtout une lassitude en particulier chez les jeunes, dont certains ne se retrouvent dans aucun des partis qui sont pour eux aussi corrompus les uns que les autres ».

Konstantine V, le directeur de Geut (têtus en géorgien), un mouvement de jeunes activistes pro-européens, abonde dans son sens : « Certains sondages montrent encore le Rêve Géorgien en tête car beaucoup de jeunes ne veulent pas aller voter ». « Le Rêve Géorgien ne peut pas aller au-delà de 800.000 – 900.000 voix », clame-t-il « tout ce qui fera la différence c’est la participation des jeunes ».

Alors le mouvement bât le pavé dans ces dernières semaines, allant à la rencontre des jeunes à la sortie des universités et dans les bars de la capitale et des grandes villes du pays, pour les encourager à aller voter. En espérant que cela ne soit pas trop tard. « Pour voter et battre ce gouvernement, il faudra surtout de l’enthousiasme comme on a vu en mai dernier lors des manifestations contre la loi sur les agents de l’étranger, pas le désespoir et l’abattement que je vois partout autour de moi depuis que la loi est passée » conclue Salomé. Qui espère comme beaucoup que cet indispensable enthousiasme puisse renaître dans les 5 semaines qui les séparent désormais des élections.

(1) Georgian Dream Takes On The 'Global War Party' (rferl.org)
(2) En Géorgie, mobilisation contre la loi sur les « agents de l’étranger » (lemonde.fr)
(3) Géorgie: la loi restreignant les droits des LGBT+ adoptée par le Parlement | Mediapart
(4) Répression de l’opposition, projet de loi anti-LGBT : en Géorgie, le programme de Rêve géorgien sème l’inquiétude avant les élections (lemonde.fr)

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