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Billet de blog 25 septembre 2024

Géorgie : la société civile dans le viseur

Alors que les élections législatives se rapprochent, le gouvernement géorgien multiplie les déclarations et les actes contre la société civile. Dont la survie dépendra désormais largement des résultats du scrutin.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Point de tension qui avait brièvement propulsé la Géorgie sur le devant de la scène médiatique internationale en avril dernier, la loi sur les « agents de l’étranger » a été définitivement adoptée le 29 mai par le Parlement géorgien. Rebaptisée « loi russe » par ses détracteurs, qui y voient un copier-coller d’une loi votée en 2012 par le Parlement russe, elle oblige les ONG et les médias dont 20% des financements provient de l’étranger à se déclarer comme « agent sous influence étrangère » auprès des autorités (1). Or, en Géorgie comme en Russie, des lois existaient déjà auparavant pour garantir la transparence des financements des ONG. Beaucoup craignent alors que cette loi ne serve de prétexte pour discriminer les ONG pro-occidentales et ne marque qu’une première étape dans une répression plus large de la société civile à l’approche des élections législatives du 26 octobre prochain. « Nous devons tirer les leçons de ce qui s’est passé en Russie » selon Vladimer Mkervalishvili, directeur de l’ONG Rights Georgia qui œuvre dans l’aide juridique pour les minorités et les victimes de violences sexuelles « Là-bas il n’y a quasiment plus de société civile, la loi et la propagande anti-ONG n’ont été qu’un prétexte pour dissoudre des tas d’associations et interdire tout contre-pouvoir. Il n’y a aucune raison pour que cela n’arrive pas aussi en Géorgie… ». Car ce contexte législatif s’accompagne également d’une puissante diatribe anti-ONG et anti-Occident ces derniers mois. Le 29 avril dernier, en pleine contestation contre cette fameuse loi, le milliardaire Bidzina Ivanishvili, fondateur du parti au pouvoir et véritable dirigeant de l’ombre du gouvernement, a ainsi déroulé devant une foule de partisans un violent réquisitoire contre ce qu’il a nommé le « parti de la guerre » : l’Occident et en particulier les USA coordonneraient, selon lui via leurs pressions diplomatiques et leurs financements d’ONG, un éloignement de la Géorgie de ses valeurs « traditionnelles » et chercheraient à entraîner le pays dans une seconde confrontation avec la Russie au détriment de ses intérêts (2).

Cette rhétorique autoritaire et aux accents complotistes, cependant, apparaît dans un pays où la société civile a joui ces vingts dernières années d’un contexte très favorable, notamment depuis la ‘Révolution des Roses’ de 2003. « Ces vingt dernières années les ONG ont acquis peu à peu une expertise qui nous place bien en avance par rapport à toutes les autres ex-Républiques soviétiques » affirme Vladimer Mkervalishvili. « Maintenant, tout est en train de revenir en arrière, comme si nous revenions en URSS ». Un phénomène qui peut avoir des conséquences directes sur la population : « Il y a vingt ans, personnes ne parlaient de violences sexuelles par exemple, aucun cas n’était signalé et suivi. L’année dernière, notre seule ONG a suivi près de 800 victimes, dont des dizaines de cas de féminicides ». « Mais seules les ONG s’attaquent à cela aujourd’hui et nos avocats sont de plus en plus sous pression. Si demain nous venions à disparaître, le problème n’existera même plus aux yeux des autorités. Qu’adviendra-t-il alors pour toutes ces victimes ? ».

Dernier signe en date de ce virage anti-société civile : la décision le 24 septembre par le bureau « anti-corruption », affilié au Premier ministre, de requalifier certaines ONG d’ « acteurs politiques ». Celles-ci sont accusées de partialité pour avoir formulé de sérieuses inquiétudes face aux récentes décisions gouvernementales. En conséquence, ces ONG devront fournir davantage de documents administratifs et bancaires ainsi que des rapports financiers aux autorités. Un procédé, là encore, utilisé récemment en Russie et dans d’autres ex-Républiques soviétiques pour tenter de faire taire les voix dissonantes. À un mois des élections législatives, les acteurs de la société civile géorgienne semblent ainsi plus que jamais sur la sellette, tributaires d’un choix qui sera visiblement celui, comme en 2003, de l’ouverture ou d'un retour vers le passé.

(1) La Géorgie adopte définitivement la loi sur l'«influence étrangère» la rapprochant de Moscou (rfi.fr)
(2) Georgian Dream Takes On The 'Global War Party' (rferl.org)

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