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Billet de blog 3 février 2017

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Être ou paraître, danse du corps et des mots, frénétique, hypnotique

A l'approche de sa première parisienne, retour sur le seul-en-scène bouleversant de Julien Derouault mis en scène par Marie-Claude Pietragalla. Son animalité, son énergie, sa virtuosité, donnent à ce spectacle entre danse et théâtre une intensité singulière qui touche l'âme. Un spectacle hors-norme, vibrant, à ne pas rater.

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Illustration 1
Dans Être ou paraître au Studio Hebertot, Julien Derouault mêle les mots au pas de danse © Pascal Elliott


Seul en scène, d’une rare intensité, Etre ou paraître ensorcelle. Ce ne sont pas tant les mouvements saccadés, les gestes viscéraux, les muscles bandés du corps de Julien Derouault, que l’étrange harmonie entre sa maîtrise des pas de danse et sa façon unique d’incarner les textes poétiques  d’Aragon et de Shakespeare qui fascinent. C’est un peu tout cela. De l’animale chorégraphie de Pietragalla et des envoûtantes musiques d’Yannaël Quenel, se dégage une force, une énergie et une vitalité que l’infatigable danseur transmet aux spectateurs, les embarquant dans un voyage au cœur de l’Etre, laissant le paraître à quai… Sublime.

La scène est entièrement recouverte de noir. Elle est presque nue. Seul un fauteuil club trône côté jardin. Sur le sol, une couronne semble abandonnée. Dès que les premières notes rompent le silence, un homme en slip et débardeur blanc apparaît. Enchaîné, il semble fasciné à en perdre la raison. Tel un fou, il se met en transe. Ses mouvements se font saccadés. Ses gestes amples. Ses membres s’étirent et s’étendent, attirés vers ce royal attribut, la corde qui ceint sa taille l’en empêche. Son corps devient frénésie, émotion, aliénation. Incapable de se détacher de cette vision, le spectateur est littéralement captivé, hypnotisé par cette étrange danse, cette fièvre intense. Les yeux rivés sur les muscles saillants, luisants, de l’artiste, il est absorbé, aspiré dans l’univers poétique qui s’esquisse par petite touche.

Puis viennent les mots. Pas n’importe lesquels, ceux d’Aragon et de Shakespeare, ceux qui évoquent la nuit, la folie, ou la poésie. Dans la bouche de l’étonnant comédien, ils deviennent musique, rythmique, image. L’instant est suspendu, unique. Les sens en émoi, on se laisse emporter par ces étranges et lyriques lames de fond qui font tressaillir notre conscience.  On touche à l’état de grâce.

Dans ce ballet singulier, mené de main de maître par la chorégraphe Marie-Claude Pietragalla, où les mots conversent avec le corps, Julien Derouault se livre, à la limite de l’épuisement. Il brûle la scène, fait vibrer la salle d’un spasme étrange, d’émotion brute. C’est une performance unique, un moment de communion irréel, presque irrationnel entre un être et son public… Extatique !…

Olivier Frégaville-Gratian d'Amore pour L'Œil d'Olivier.

Être ou paraître de Marie-Claude Pietragalla avec Julien Derouault. Studio Hebertot. du 10 au 15 février 2017.

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