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Des coupures, énormément grossies, de journaux anciens relatant les faits divers des bas-fonds londoniens au XIXe siècle, recouvrent entièrement l’étroite scène de salle Gaveau. A peine pénètre-t-on dans la salle, qu’on est plongé dans l’univers sombre et baroque du jeune orphelin Oliver Twist. L’obscurité envahit l’espace, alors que l’orchestre, placé ingénieusement de chaque côté du plateau, amorce les premières notes de ce musical qui a tout d’une comédie de Broadway. Progressivement, la scène se nimbe d’un rouge profond, avant d’être envahie par une horde de gamins affamés en haillons, qui semblent sortis de nulle part. Nous sommes au cœur de l’hospice pour orphelins géré par l’odieux Mr Bumble et l’affreuse Mrs Man.
Sous-alimenté, Oliver Twist (fantastique Nicolas Motet) se révolte poussé par ses camarades. Cette bravade lui vaut réprimande et expulsion du lieu qui l’a recueilli nourrisson, à la mort de sa mère, dont seul un magnifique médaillon en or lui reste. Commence alors pour le jeune orphelin une quête dans le vieux Londres à la recherche de son père. Après un passage éclair dans une famille de croque-mort, qui le prend rapidement pour souffre-douleur, il erre dans les bas-fonds de la grande ville, rencontre Dickens (sympathique Benoît Gauden), un enfant des rues, et intègre à son corps défendant, une bande de pickpockets, qui a trouvé en Fagin (extraordinaire David Alexis), un vieil homme obnubilé par l’or, un père de substitution. Au sein de cette confrérie hétéroclite, il fera la rencontre de la Belle Nancy (Flamboyante Prisca Demarez) et du patibulaire Bill Sax (épatant Arnaud Léonard) qui scelleront son destin.
Afin de faire revivre l’orphelin si cher à Charles Dickens, Christopher Delarue et Shay Alon n’ont pas lésiné sur les moyens. Aidés du metteur en scène Ladislas Chollat et de sa scénographe attitrée Emmanuelle Roy, ils ont repensé entièrement la scène de la salle Gaveau créant en espace en 3D fait de chausses trappes cachées, d’escaliers dérobés et d’écrans vidéos ingénieusement dissimulés dans le décor fait de draps et de boîtes. Ainsi, ils créent l’illusion d’une multitude de lieux différents, passant d’une saynète à l’autre à un rythme effréné. Tout est réglé au millimètre près. Et c’est peut-être là où le bât blesse. En voulant être trop parfait dans l’adaptation de Charles Dickens, l’auteur du livret et le compositeur de la musique oublient une composante essentielle à toute comédie musicale : l’émotion. En effet, malgré quelques trémolos, jamais, l’envolée lyrique attendue ne vient nous emporter. Aucune mélodie, ne vient se graver dans nos esprits. Il reste de ce fabuleux travail, un goût d’inachevé, un manque de maturité peut-être.
Adapté en comédie musicale, Oliver Twist était une gageure, un parti risqué, qui sont relevés avec plus ou moins de félicité. Même si l’histoire ne passionne guère, et si la seconde partie traîne en longueur, on passe un excellent moment en compagnie d’artistes de grand talent et à la voix d’or. Si la magie musicale n’opère qu’en partie, l’énergie de la troupe, sa connivence, fait chaud au cœur et suffit à un bonheur de l’instant. On ne peut qu’applaudir le travail effectué et s’incliner devant la bonne facture de ce musical français façon « Broadway ».
Olivier Frégaville-Gratian d'Amore, l'Œil d'Olivier.
Oliver Twist, le musical. Salle Gaveau. à partir du 23 septembre 2016.