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Comme dans toute bonne pièce de boulevard, le décor est unique. Ici, un salon cossu servant de bureau au maître de maison, Sidney Brown (attrayant Nicolas Briançon), un écrivain de polar qui a connu la célébrité, il y a dix de cela. Depuis, le succès est en berne et la plume à sec. En panne d’inspiration, il vit aux crochets de sa douce et aimante épouse, Myra (épatante Virginie Lemoine). Un jour, il reçoit le manuscrit d’un de ses élèves, le charmant Clifford (surprenant Cyril Garnier). Le texte est brillant, un futur succès littéraire et théâtral. Germe alors dans l’esprit frustré et aigri du dramaturge, un plan machiavélique qui sera quelque peu perturbé par les visites intempestives de la voisine, une médium d’origine allemande en voyage aux Etats-Unis (étonnante Marie Vincent).
Très vite, la machine de ce thriller cynique s’emballe. Toute angoisse disparaît pour laisser place à une succession de rebondissements rocambolesques, de saillies drolatiques et de quiproquos tous plus extravagants les uns que l’autre. S’emparant de la célèbre pièce d’Ira Levin qui a fait les beaux jours de Broadway durant plus de 14 ans, Éric Métayer et son complice Gérald Sibleyras s’amusent tels deux enfants et nous entraînent à un rythme effréné dans une succession de fausses pistes qui jalonnent cette aventure policière abracadabrantesque. Ne laissant jamais le spectateur sur le carreau, Le metteur en scène l’invite dans une danse folle, un tourbillon de surprises qui brouille sa vision et le laisse coi.
Homme de théâtre passant avec aisance confondante de la comédie au drame, Eric Métayer sait ménager ses effets et surprendre son auditoire. Préférant le divertissement au thriller inquiétant, il mène tambour battant ses comédiens, les embarquant dans des situations cocasses et burlesques, les maltraitant à l’envi pour en tirer le meilleur parti. Cynique et troublant, Nicolas Briançon reprend avec malice le rôle de cet auteur à la dérive, incarné à l’écran par Michael Caine dans un film de Sidney Lumet. Cyril Granier se glisse à merveille dans le rôle de cet écrivain un peu benêt, sorte de grande gigue naïve et ambigüe. Exagérant l’accent allemand, Marie Vincent incarne avec espièglerie cette voyante complétement décalée et perchée. Damien Gajda fait une simple apparition qui pousse un peu plus loin l’ambivalence des autres personnages. Quant à Virginie Lemoine, elle est parfaite dans ce rôle à contre-emploi. Sa présence sur scène est une vraie réjouissance. Elle apporte à l’ensemble une fraîcheur exquise.
Sans tarder, laissez-vous tenter par ce Piège mortel, ce thriller désopilant, bourré d’humour noir, un divertissement à mourir de rire !
Olivier Frégaville-Gratian d'Amore pour l'Œil d'Olivier.
Piège mortel d’Ira Levin, mise en scéne d'Eric Métayer. Théâtre de la Bruyère. A partir du 19 janvier 2017.