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Une guerre sans pitié est sur le point d’éclater opposant maris et femmes, maîtres et valets. Elle va avoir pour unique décor, une vaste pièce blanche, immaculée, qui n’est pas sans rappeler quelques halls d’hôtel, quelques salles de bal ou d’attente d’un quelconque ministre. Çà et là, des chaises cossues aux couleurs chamarrées sont disposées permettant de baliser le terrain de jeux de cette lutte des classes et des sexes. Côté jardin et côté cour ainsi qu’en fond de scène, des portes permettent aux protagonistes de fuir le champ de bataille. Alors que s’affiche en lettres de lumière le nom de cet étrange lieu Hôtel Feydeau – en référence à l’Hôtel Terminus, près de la gare Saint-Lazare, où le dramaturge s’est réfugié après la rupture avec sa femme pour écrire ses pièces – , le ballet peut commencer.
Sur un pas de deux, bonnes, valets, majordomes font leur entrée. Au bord de la crise de nerfs, il ne supporte plus les changements d’humeur intempestifs de leurs maîtres. Ils rêvent de saturnales, d’inverser même un seul jour les rôles. Puis, c’est aux maîtres d’être sous les projecteurs, de nous inviter dans leur intimité, dans la trivialité de leur quotidien. Chez Feydeau, les couples se suivent et se ressemblent : l’homme est veule, la femme faussement naïve. L’un rêve de pouvoir, l’autre régente la maisonnée. Ainsi, vont succéder à une allure folle, la future mère capricieuse qui transforme son mari en un clown ridicule, la jeune maman inquiète que son Toto de fils soit légèrement constipé quitte à ruiner la carrière de son époux en forçant un important invité fragile des intestins à boire une tisane purgative, l’impétueuse et frivole épouse d’un député qui déambule en tenue légère dans son appartement sans se soucier des apparences et de la carrière de son mari, enfin un couple en plein e scène de ménage apprend à tort que la mère de madame est morte.
Autant de situations cocasses et graveleuses que croque avec une certaine malice Feydeau afin de faire tomber de son piédestal le couple petit-bourgeois. Malheureusement, rien de transcendant dans tout cela. Et c’est bien le principal problème de ce spectacle patchwork entremêlé joliment de chansonnettes et de numéros dansés. En compilant les meilleurs moments des dernières pièces en un acte du roi du boulevard, Georges Lavaudant se laisse déborder par un humour potache qui doit beaucoup à la rythmique effrénée imposée par le dramaturge. En cassant la belle mécanique, en voulant intellectualiser un texte lourdingue, il perd le fil de son propos, ainsi qu’une partie du public. Loin de l’euphorie grisante attendue, la salle reste atone, les rires se font rares.
Dans ce terrible gâchis, heureusement certains comédiens sortent leur épingle du jeu et sauve sur le fil ce cabaret sombre qui met à mal le couple. c’est le cas de la jeune Lou Chauvain, pétillante en femme enceinte, de Grace Seri, étincelante en mère poule qui n’a que d’autres intérêts dans la vie que le bien-être de son fils, de Tatiana Spivakova, lumineuse en femme dragon, un brin hystérique, en fille accablée de chagrin, et enfin André Macron, épatant en homme gauche, cocufié malgré lui, tout autant qu’en mari volage déguisé en Louis XIV.
Derrière la façade nouvellement ravalée de ce flamboyant Hôtel Feydeau, tout est à l’avenant. Faute de lien véritable entre les saynètes hors l’histoire de ces couples interchangeables entre mariage et divorce, on reste sur le carreau sans jamais véritablement pénétrer à l’intérieur, sans jamais se laisser emporter dans le tourbillon hilarant voulu par Feydeau, disloqué par Lavaudant.
Olivier Frégaville-Gratian d'Amore pour l'Œil d'Olivier.
Hôtel Feydeau d’après les pièces de Georges Feydeau : Feu la mère de madame, On purge bébé !, Léonie est en avance, Mais n’te promène donc pas toute nue !, Cent millions qui tombent. Odéon – Théâtre de l’Europe. Jusqu’au 12 février 2017 du mardi au samedi à 20h et le dimanche 15h00.