Quel spectacle… Trois tapis persans, Quatre tabourets, une teinture, l’odeur de l’encens font illusion. Loin de la frénisie de la capitale, c’est le vent chaud des steppes afghanes qui se dévoilent devant nos yeux. Grâce à une ingénieuse scénographie, on quitte les murs étroits du théâtre de la Bruyère pour les grands espaces de l’Asie, pour ses montagnes, ses déserts. L’exotique enchantement est total.
Tout commence par les chants puissants d’un muezzin. C’est l’appel à la prière. Un homme en tenue traditionnelle afghane s’avance dans la lumière. C’est Mokkhi (Eric Bouvron), un ancien serviteur. Il est fier. Il raconte son pays, ses traditions ancestrales. Un souvenir, lui revient, il lui pèse. Il y plusieurs années de cela, le plus important et le plus cruel tournoi du pays, le Bouzkachi du roi, a lieu à Kaboul. Ouroz (Benjamin Penamaria en alternance avec Gregori Baquet), le fils de son maître Toursène, doit y participer avec Jehol, un cheval de légende. L’enjeu est de taille ! Depuis la nuit des temps, aucun des membres de la famille n’a jamais perdu.
Jalousie, haine et reconnaissance entre le père et le fils vont sceller le destin du fougueux et orgueilleux jeune homme. Une chute terrible, le prive de la victoire tant voulue et lui brise une jambe et ses rêves. La rage au ventre et au cœur, il se lance à corps perdu à dos de cheval sur le chemin de retour pour affronter son tyrannique paternel. C’est un véritable parcours initiatique que le jeune Ouroz entame qui le mènera aux confins de son âme. Enfin homme, il se présentera devant ses pairs, devant celui qui lui a transmis la vie.
Tiré du roman fleuve de 800 pages de Joseph Kessel, la pièce Les Cavaliers envoûte et embarque vers des terres inconnues d’une rare beauté. C’est une histoire d’homme, une histoire brute, une histoire de valeurs et de religion, une histoire humaine avant tout. La poésie du texte s’anime et prend vie grâce à deux comédiens d’exception – Benjamin Penamaria et Eric Bouvron qui interprètent tour à tour la plupart des personnages qui traversent cette épopée à travers les steppes – et les performances vocales du fascinant Khalid K. Son travail est remarquable. Captivant dans ses bruitages (le souffle du vent, le galop des chevaux, la chaleur du sable, etc.), il ensorcelle de sa voix grave en entonnant des chants afghans traditionnels.
La magie de ce spectacle est aussi due à l’inventive mise en scène d’Eric Bouvron et d’Anne Bourgeois. Grâce à eux, un tabouret se transforme en magnifique étalon. C’est extraordinaire.
De cette chevauchée onirique, de ce parcours initiatique et de ce voyage philosophique, qui puisent dans notre imaginaire, on sort séduit, emballé, bouleversé…
Olivier Frégaville-Gratian d'Amore, éditeur du site L'Œil d'Olivier.
Jusqu'au20 mai au théâtre de la Bruyère.Du mardi au samedi à 21H. Le dimanche à 15h30.
Libre adaptation et co-mise en scène : Eric Bouvron
Co-mise en scène : Anne Bourgeois
Création musique originale et live : Khalid K
Lumière : Stéphane Baquet
Costumes : Sarah Colas
avec Eric Bouvron, Maïa Guerite, Khalid K, Benjamin Penamaria ou Grégori Baquet