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Derrière une toile transparente, une femme de noir vêtue trie des livres. C’est Jeanne (fabuleuse et lumineuse Françoise Cadol). La quarantaine flamboyante, elle écrit pour les autres. Cette nègre des temps modernes sublime les histoires banales de ses congénères. Epuisée par cette vie stérile et sans attrait, elle se plonge une dernière fois dans les souvenirs d’une autre.
Cette autre, c’est Marguerite, dite « Guitta ». Elle a 16 ans. Elle vit à Marseille. C’est l’été, on est en 1910. Dés le premier regard, elle tombe amoureuse d’Eugène, un garçon un peu plus âgé qu’elle. Il est beau, athlétique. Il va lui apprendre à nager. C’est le coup de foudre. Au delà des premiers émois de l’adolescence, c’est le début d’un amour fou, singulier et unique, d’une correspondance où la passion dévorante, ardente et enflammée, qui unit ses deux êtres, se dévoile lettre après lettre. C’est surtout l’histoire d’une femme qui se donne entière à celui qui a pris son cœur. Les mots sont simples. Le style de Valérie Perronet est direct. L’émotion est palpable. La voix envoûtante de Françoise Cadol leur donne vie. Saisi par la mélodie du phrasé, entraîné sur les rives de la passion amoureuse, on oublie vite l’incommodité du lieu porté par ce texte et le jeu bouleversant de cette fascinante comédienne.
En parallèle, on découvre une autre forme d’amour tout aussi profond et fort. Celui de Jeanne pour James, un amant inconnu rencontré sur internet. Secret, ce dernier reste dans l’ombre. Elle le reçoit toujours dans le noir le plus complet. Seuls leurs corps et leurs voix se connaissent et se reconnaissent. Cette relation clandestine, anonyme, intime brûle et consume. Elle instille un souffle de souffre dans le cœur de Jeanne.
Ce monologue à deux voix alterne ces deux histoires d’amour si proches, si similaires et pourtant si différentes. Celle des temps anciens surannée et désuète, celle actuelle moderne et débridée. Mais au fond c’est la même passion qui meut nos deux protagonistes qu’un habile jeu de lumières permet de distinguer. La sobre mise en scène de Christophe Luthringer vient souligner avec douceur les contours de ces deux femmes animées par les tourments de leurs cœurs. Sur scène, Françoise Cadol transcende ces deux personnages et les incarne avec intensité et une véracité troublante. Embarqué sur les routes de la carte du tendre, on est séduit par le charme de la comédienne, par la simplicité du texte et de la scénographie et par la magie de l’amour…
Olivier Frégaville-Gratian d'Amore pour l'Œil d'Olivier.
Jeanne et Marguerite de Valérie Perronet. Mise en scèe de Christophe Luthringer. Studio Hébertot. jusqu'au 1er Juillet 2017.