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Le rideau se lève sur un espace entièrement vide. Un immense tapis blanc recouvre le sol. Au fond, un écran géant projette l’image d’une belle et ancienne maison enneigée, semblant perdue au cœur d’une forêt lointaine. Une musique entraînante s’élève rompant l’étrange silence et donnant un semblant de vie à ce premier tableau. Un à un, quatre individus traversent l’espace à pas lents. Portant costume de coton couleur mastic, ils semblent avancer sur une ligne invisible et jamais ne s’en éloigner. Une danseuse, robe fluide, s’élance. Elle galope, saute, virevolte s’appropriant la scène avant de se jeter dans les bras d’un de ces hommes de passage. Puis reprend sa course folle, vers d’autres bras. C’est le point de départ d’une succession de tableaux qui parlent de souvenirs, de liberté, de nature, d’immédiateté.
Pour Carolyn Carlson, tout est éphémère, il est donc primordial de vivre le moment présent, de s’affranchir du monde, de ses contraintes pour se laisser porter par ses envies, son instinct. Il faut accepter qu’on est tout petit par rapport au cosmos, que nous ne pouvons exister sans un étroit lien avec la nature. S’inspirant de ses lectures, notamment des essais de Gaston Bachelard, de Rudolf Steiner et John Berger, la chorégraphe américaine signe une pièce hautement philosophique à l’écriture fluide et épurée. Elle s’intéresse à ces petits moments du quotidien qui donnent le sourire et embellissent l’existence. Ainsi, elle nous convie à une terrasse de café, où se rencontrent les amoureux, où les tables et les chaises dansent. Elle en souligne la délicate instantanéité.
Petit à petit, elle s’éloigne de cette intimité de l’être pour le placer au cœur d’un monde vaste, vivant où l’homme et la nature s’étreignent et s’enlacent. Ainsi, elle passe avec l’aisance et la simplicité qui la caractérise de l’infiniment petit à l’infiniment grand. Elle nous embarque dans le sillage de ses danseurs, captive notre attention et nous ouvre de nouveaux horizons propices à la réflexion, à la méditation.
Investis, se livrant corps et âme à la volonté de la chorégraphe, les sept artistes – Constantine Baecher, Juha Marsalo, Riccardo Meneghini, Isida Micani, Yutaka Nakata, Sara Orselli et Sara Simeoni – traversent le temps, les époques avec une virtuosité déconcertante. Imprégnés de la pensée « carlsonienne », ils ne semblent faire qu’un avec le monde qui les entoure.
Ponctuant les tableaux dansés, par des poèmes écrits de sa main, elle signe un ballet vibrant, humain, d’une pureté presque virginale, à la beauté époustouflante.
Olivier Frégaville-Gratian d'Amore pour l'Œil d'Olivier.
Now de carolyn Carlson. théâtre national de Danse de Chaillot. jusqu'au 30 septembre 2016.