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Bien curieuse amnésie des médias, en tout cas de ceux que j'ai pu lire, à propos de la distinction bien méritée reçue par la soprano sud-africaine Pretty Yende des mains de la Ministre de la Culture, qui l'a faite Officier des Arts et Lettres ce mardi 11 mai 2022. Car faut-il rappeler (apparemment il le faut) que la soprano mondialement renommée a été victime, pas plus tard qu'en juin 2021, d'un traitement pour le moins dégradant de la part de policiers apparemment zélés et apparemment « appliquant les consignes », pour reprendre la phraséologie de mise : en fait cette artiste a bel et bien été victime du racisme profond de bien des membres de la police française, sans reprendre le débat stupide qui consisterait à savoir si ce racisme est « systémique » ou ponctuel - car même ponctuel, il est d'une gravité exceptionnelle, et déshonorant pour ceux qui l'exercent et croient pouvoir le faire impunément, dans un pays de droit où, fonctionnaires, ils sont soumis à la même loi que tous les citoyens et à ce titre, passibles de poursuites pour faits de racisme avéré.

Je rappelle donc les faits : en juin 2021, Pretty Yende, qui vient de se produire à la Scala de Milan, arrive à Paris où elle doit se produire dans un opéra de Bellini, au Théâtre des Champs-Élysées. À son arrivée à l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle, elle fait l'objet d'un contrôle sévère de la police aéroportuaire, pour vérifier si son visa est en règle. Fouille au corps, la cantatrice est entièrement déshabillée et placée en cellule de rétention. Elle a beau demander que son ambassade soit contactée, Pretty Yende fait l'objet d'une brutalité proportionnelle à ses protestations. Elle dit avoir été insultée et avoir fait l'objet de traitements dégradants. « La violence policière est réelle, pour les gens qui me ressemblent. Ils m'ont déshabillée et fouillée comme si j'étais une criminelle et m'ont placée dans une cellule. J'ai été victime de mauvais traitements, de discrimination raciale, de torture psychologique et de commentaires racistes. » On imagine les contestations de cette « version » plus tard par les policiers incriminés, et ne parlons même pas des syndicats de policiers, parlant de « vérifications d'usage ». La démarche pourtant était simple, et a été effectuée simplement : en une demi-heure, après lesdites vérifications d'usage, le visa a été régularisé. Mais n'allez pas demander au policier lambda exerçant en ces lieux, ni ce qu'est la Scala de Milan, ni qui est Bellini, ni où se trouve le Théâtre des Champs-Élysées. Car Pretty Yende n'est ni une star du football (bien mieux connue de ces gens), ni un émir du Quatar. Sa célébrité est dont toute relative dans ce biotope censé réguler les frontières. Et son pouvoir, nul.
Le traitement raciste est là, « ordinaire » dans son expression et violent dans ses répercussions. C'est celui qui concerne toute personne soupçonnée d'une irrégularité quelconque en ces lieux de passage et de voyage, en raison de sa couleur de peau, de son aspect physique et de son pays d'origine.
Il y a un an, Pretty Yende était reléguée à la prison de son épiderme par des policiers français à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle. Aujourd'hui elle est honorée par la République française qui consacre son immense talent. Ainsi va le continuum de la vraie vie pour une cantatrice de talent originaire de Johannesburgh.
