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Public conquis ce soir à l’Auditorium de Radio France après ces exigeantes Variations Goldberg par un jeune magicien nommé Justin Taylor. Pas moins de trois bis : Bach / Marcello (andante) ; sonate en si mineur de Scarlatti ; Prélude mythique.
Public conquis : public ravi. Par une musicalité et une sensibilité désarmantes parce qu’exprimées avec une totale simplicité. Justin Taylor est ennemi des effets gratuits, de l'esbroufe si facile avec cet instrument. Il porte en lui l'élan qu'il faut pour une pièce si exigeante. L’un des plus éminents clavecinistes français, pour de bon (franco-américain) et qui a choisi sa voie de pure magie par une capacité rare de coloriste et de sculpteur du son. Moi-même enjoué et définitivement ravi, il me vient en sortant de l'auditorium, une accroche en guise de boutade : « My Taylor is rich ». Et ce Taylor-là pour de bon est riche non seulement de cette virtuosité qui au clavecin apparaît immédiatement, mais donc surtout de cette palette de timbres assez inouïe. Le podcast du concert est disponible sur le site de France Musique.

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Et du coup les Variations parfois austères émergent ici dans leurs couleurs de « transformations » d’un Aria qui vous prend aux tripes et comme toujours avec Bach quand il est bien interprété, autant à l’esprit qu’au cœur. Le voyage, celui qu’on évoque souvent au regard de cette œuvre tout en contrepoint, canon et écriture savante, prend alors des accents de suavité sonore rare. On chercherait à prouver la richesse du clavecin pour les Goldberg, qu’on aurait du mal à s’y prendre autrement. Les croisements, parfois arides au piano, sont ici transcendés par des registres variés.
Alors quand Justin Taylor revient à l’aria après le voyage, l’enrichissement est total : l’esprit est comblé certes, mais les sens tout autant, d’avoir accompagné l’élan à la faveur d'une telle richesse.
Est-il vraiment nécessaire pour moi de répéter ce que j'ai déjà beaucoup dit et que je tiens pourtant encore à souligner : Justin Taylor fait partie d'une jeune génération de musiciens français simplement exceptionnels. Avec Théotime Langlois de Swarte, Thoas Dunford, tous ceux qui sont autour du Consort, et bien d'autres encore, ils prouvent à chacun de leurs enregistrements un niveau d'excellence absolument incroyable. Aucune faute de goût pour l'heure, aucun accroc dans le parcours de ces musiciens de talent et de simplicité, dont le public français est, je crois, en train de réaliser la chance de les avoir là, aujourd'hui, en concerts, dans les festivals, en enregistrements. Je suis un fan absolu de ces gens, et pourtant ne jugeant que sur pièces en quelques sorte, je ne crois pas être complaisant. Je le répète : ils sont vraiment exceptionnels, et sont d'authentiques serviteurs de la musique.

Si vous voulez en avoir l’âme nette, écoutez la retransmission du concert sur France Musique. Et surtout précipitez-vous sur le tout dernier cd en date du jeune enchanteur, qui vient tout juste de paraître chez Alpha Classics, « Bach et l’Italie », où vous pourrez à la fois réaliser le haut degré d’influence que constitua le style italien pour Bach, mais où vous serez à même surtout d’en vivre les ondoiements, car avec ce Taylor-la, décidément le cœur est toujours proche de l’esprit.