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Voici encore quelques jours, j'évoquais l'immense talent d'Andreas Scholl, en disant qu'à mes yeux il était le seul successeur digne de ce nom du génie musical de James Bowman, tout en précisant que rien à mes yeux ne pouvait néanmoins y être comparé. Et voilà que ce matin, on a appris la disparition de James Bowman à l'âge de 81 ans.
À vrai dire, qui n'a jamais fait en profondeur l'expérience de cette voix unique ne peut pas se douter qu'en matière de contreténor, la perfection a été atteinte par ce chanteur anglais impeccable, non seulement par les qualités à mon avis supérieures même à celle d'Alfred Deller en matière de timbre, mais aussi en matière de juste distribution entre le vibré et le non vibré, en matière de placement, de phrasé, bref, tout ce qui fonde dans l'analyse rapprochée, la grandeur incomparable d'une voix en or massif.
J'ai personnellement fait la première expérience choc de cette voix inouïe à l'époque où existait encore la FNAC Bastille, où j'ai passé bien des heures alors que j'habitais non loin. Il y étaient disposés des casques d'écoute, et un jour j'ai écouté ainsi le Stabat Mater de Vivaldi dans la version déjà, mythique de 1976 de l'Academy of Ancient Music dirigée par Christopher Hogwood (Decca). Un choc si énorme que je suis resté absolument sidéré, le cœur battant et étreint d'une émotion débordante. De ces rencontres fulgurantes comme l'éclair dont seuls certains très rares enregistrements peuvent produire sur soi pareille déflagration.
Je n'ai depuis lors jamais cessé de fréquenter ses très nombreux enregistrements, d'une telle intelligence dans Vivaldi, Purcell, Haendel ou la musique ancienne britannique, et sans pouvoir dénombrer tous ses apports, les énumérer ou en mesurer la qualité. Voir l'émission que Lionel Esparza lui a consacrée sur France Musique ce 28 mars.
Un modèle et aussi un humaniste de la musique. Une perte immense, un héritage inépuisable pour chacun.