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Directeur du CIEEG (Centre international d'études Édouard Glissant) au sein de l'Institut du Tout-Monde, des revues « La nouvelle anabase » et « Les Cahiers du Tout-Monde ». VOIR SITE PERSONNEL (fonctions-références-actualités) : www.loiccery.com

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Billet de blog 29 septembre 2022

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Mort d'un géant de l'histoire : Paul Veyne (1930-2022)

Paul Veyne fut à la fois un historien de renom, et l'un de ceux qui ont poussé le plus loin la réflexion sur les données mêmes de l'écriture de l'histoire.

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Illustration 1

Un immense historien vient de nous quitter. Paul Veyne n'était pas « seulement » l'un des plus grands spécialistes de l'antiquité romaine de notre temps, Professeur au Collège de France : il fut aussi (peut-être le rappellera-t-on à la faveur des hommages qui ne manqueront pas de lui être rendus) l'un de ceux qui ont le mieux et le plus profondément réfléchi aux problématiques de l'écriture de l'histoire.

Il fut l'un des principaux tenants d'une affirmation de la subjectivité dans la méthodologie historienne, d'ailleurs bien avant ce qu'on a pu nommer le « tournant linguistique » de l'histoire dans les années soixante-dix, un moment où la sacro-sainte et éminemment trompeuse « scientificité » de la démarche historique fut remise en cause avec force, au moment où les discours d'étroits positivismes risquaient de s'imposer.

Je suis très attaché aux travaux d'historien de Paul Veyne, qui resteront pour eux-mêmes, mais aussi donc pour cette haute conception d'une histoire éminemment subjective parce qu'humaine et écrite par des approches subjectives et non pas « scientifiques ».

Dans mon essai sur Édouard Glissant, voici l'une des analyses de Paul Veyne que j'avais citée, extraite de l'un de ses ouvrages majeurs, Comment on écrit l'histoire : essai d'épistémologie (Seuil, 1971) : « L’histoire n’est pas une science et n’a pas beaucoup à attendre des sciences ; elle n’explique pas et n’a pas de méthode ; mieux encore, l’Histoire, dont on parle beaucoup depuis deux siècles, n’existe pas. » C'était redire, en filigrane, que l'histoire n'est autre chose qu'une narration faite par des hommes de ce qui est advenu dans la société des hommes : redire l'humilité et l'intime fragilité de ce qui s'écrit sur le passé, et où sourd une intense responsabilité qui a pour nom transmission.

Paul Veyne fut pour l'histoire qui s'écrit, comme le disait Nietzsche « la mauvaise conscience de son temps », à des années lumières de ce que le même Nietzsche nommait « l'histoire antiquaire », rassurante et ronronnante, loin de l'esprit critique, d'étonnement et de vigie que cet esprit libre a su incarner mieux que quiconque et avec quelques éminents compagnons en lucidité nommés Michel de Certeau, Marc Bloch, François Furet, Fernand Braudel, Alain Corbin, Philippe Ariès, Jacques Le Goff, George Duby, Jean-Pierre Vernant.

Paul Veyne raconte la grandeur de Palmyre - La Grande Librairie - #LGLf5 © La Grande Librairie

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