Bien entendu, appliquer l’opération de translation au sujet traité par monsieur Huertas (l’écologie) au domaine plus vaste du socialisme présente un risque, celui de mettre en lumière la profonde incohérence qui tient de ligne éditoriale à Médiapart et de ligne politique aux écolos.
Car l’écologie politique se débat, en effet, dans une contradiction : soit on reste fidèle aux idées écologiques comme prétend le faire Yannick Jadot lorsqu’il se paye un espace politique en taillant un costard à Hulot, soit on accepte le « sacrifice » d’entrer dans le gouvernement pour servir de plante verte.
Hulot fait-il avancer les dossiers lorsqu’il autorise les perturbateurs endocriniens, approuve ipso facto le CETA, baisse les subventions à l’agriculture biologique et enfouis la stratégie de sortie du nucléaire et les déchets qui vont avec ?
Yannick Jadot et tous les « cadres » d’EELV sont-ils cyniques lorsqu’ils critiquent l’opportunisme présumé de Nicolas Hulot, qui serait peut-être coupable de s’être laissé séduire par les voitures de fonction ?
Voilà d’excellentes questions auxquelles monsieur Huertas propose des éléments de réponse faisant intervenir Molière. Mais il se garde bien d’expliquer au lecteur le fond du problème : dans un système néolibéral, point d’écologie possible, au-delà de la cosmétique façon plante verte. Le VRP des gels douche Ushuaia ne fera évoluer les choses qu’à la marge, car en réalité, pour interdire le Glyphosate, il faudrait désobéir aux traités européens. Pour faire baisser les émissions de CO2 et changer le mode d’agriculture, il faut dire non au CETA. Pour sortir du Nucléaire, il faut investir dans les infrastructures et enterrer la règle d’or des 3%.
Mais le dire conduirait monsieur Huertas sur une pente savonneuse. Car le même raisonnement s’applique à tout projet politique « progressiste ». Pour mettre un frein à la baisse des salaires et la destruction de la sécurité sociale, pour lutter contre la fraude fiscale, pour mener une politique un minimum « de gauche », il faut sortir des traités européens.
Et ca, monsieur Huertas comme Médiapart ne le veulent pas.
L’épisode du glyphosate à cela de génial qu’il conduit nos gentilshommes à faire du « monsieur Jourdain » : non pas de la prose sans le savoir, mais défendre le programme de la France Insoumise sans le dire.
Et c’est le journal le Monde qui le fait le mieux, dans un splendide éditorial engageant toute la rédaction. L’Union européenne se retrouve accusée d’avoir passé en force sur le glyphosate, en dépit de l’opinion publique, des 1,3 million de signatures de la pétition de Greenpeace, du vote du parlement européen, des Monsanto papers, de l’avis de l’OMS, du documentaire d’Arte (Le Monde nous livre un parfait inventaire) et de l’équilibre politique allemand. Voici superbement illustré le caractère profondément antidémocratique de l’Union européenne, la corruption de la commission, le pouvoir insensé des lobbies, etc etc.
Mais, nous rassure Le Monde, Emmanuel Macron va interdire le produit sous trois ans !
Ce que les porte-paroles de l’Élysée travaillant au quotidien de références ne soulignent pas, c’est qu’ Emmanuel Macron va devoir faire précisément ce que la France Insoumise préconise lorsque le plan A a échoué: désobéir aux traités européens. Car il faudra bien et interdire aux agriculteurs français d’utiliser le Glyphosate, et aux produits importés d’en contenir. Sous peine de détruire l’agriculture productiviste française et d’empoisonner les concitoyens.
Qu’Emmanuel Macron, sur un sujet aussi consensuel et somme toute mineur que le glyphosate, n’obtienne rien de plus que la position officielle de Monsanto, cela en dit long sur ses chances de faire imposer un « parlement de la zone euro » et encore plus de voir Hamon et la « gauche de gouvernement » que Médiapart appuie contre la France Insoumise parvenir un jour prochain à imposer une « Europe sociale ».
Mais comme il serait vraiment insupportable de donner raison à Mélenchon et ses sept millions d’électeurs, on préfère faire l’autruche et pointer du doigt les incohérences des écolos !