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Billet de blog 7 septembre 2017

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Les USA face au fascisme

La catastrophe provoquée par l’ouragan Harvey a permis de rassembler une Amérique profondément divisée par une autre tragédie, celle de Charlottesville. Le refus de Donald Trump de qualifier cet acte d’attentat terroriste et sa décision de prendre implicitement parti pour l'extrème droite place l’Amérique face à une dure réalité : son basculement vers le racisme et le totalitarisme.

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À Charlottesville, le rassemblement « unite the right » organisé par des groupuscules néonazis, suprémacistes blancs et le Ku Klux Klan dégénéra rapidement en affrontements avec les anarchistes du black bloc et les activistes antiracistes. La tragédie survint lorsqu’un militant d’extrême droite fonça dans la foule au volant de sa Dodge Charger, tuant une manifestante de « black live matters » et en blessant dix-huit autres. 

L’Amérique est sous le choc, et le traumatisme s’aggrave lorsque Donald Trump refuse de condamner explicitement le camp néonazi, puis prend implicitement parti pour l’extrême droite dans les jours qui suivent.

Sa décision d’offrir le pardon présidentiel au shérif de l’Arizona Joe Arpaio, mis en examen par la justice fédérale pour avoir organisé des rapts de latinos sous simples soupçons d’illégalité basés sur un contrôle au faciès, avant de les parquer dans ce qu’il appelait « mes propres camps de concentration »  marque un tournant politique majeur.

L’ouragan Harvey a permis de balayer un climat de guerre civile qui régnait dans les médias tandis que l’impressionnant élan de solidarité entraine une sorte de réconciliation des Américains avec leur propre image.

Pourtant, le racisme d’Etat n’est pas nouveau aux USA, bien qu’il s’installe désormais de façon plus décomplexée et visible.

En matière d’immigration, deux millions de sans papiers furent déportés sous Georges W. Bush, un record largement battu par Barack Obama. Le premier président noir des États-Unis peut se targuer de 2,7 millions de déportations et de 610 000 cas en attente de procédure judiciaire à la fin 2016.  (1) Le fameux mur  promis par Trump est déjà largement une réalité, et depuis 1994, plus de cinq mille immigrants ont perdu la vie en essayant de le passer. 

L’Amérique apparait comme un état répressif, voire quasi totalitaire. La NSA a mis la population entière sous écoute et la CIA  utilise des logiciels pour systématiquement hacker les ordinateurs, télévisions et téléphones portables des citoyens américains. Le patriot act confère les pleins pouvoirs aux autorités pour enfreindre les libertés individuelles sur la simple base de soupçons et rend illégale la diffusion publique d’information pouvant nuire aux entreprises américaines, rendant de facto difficile l’activisme politique. (2) 

En termes d’autorité, la police américaine tue plus de mille civils par ans, avec une forte disproportion raciale. Les bavures sont innombrables et les victimes majoritairement noires. Une femme blanche de nationalité australienne  ayant contacté les urgences pour signaler un viol chez ses voisins a été tuée par balle par une patrouille de police répondant à son appel. Depuis l’instauration des caméras personnelles, de nombreuses vidéos de violences policières injustifiées ont fuité dans la presse. Elles lèvent le voile sur une corporation militarisée dont l’entrainement pousse à la brutalité et le contrôle systématique au faciès génère un racisme latent.

Ainsi, les noirs ont cinq fois plus de chance de se faire incarcérer que la moyenne américaine, tandis qu’un homme noir sur trois ira en prison au cours de sa vie (contre un homme blanc sur vingt cinq) (3)

De manière plus générale, les USA présentent le plus grand taux d’incarcération du monde, avec plus de 2,3 millions de prisonniers soit pratiquement 1 % de la population (comparé à 0,3 % en France et 0,1 % en Allemagne). La plupart des pénitenciers sont gérés par des compagnies privées qui dégagent un profit en rognant sur les couts de détention et en employant les détenus pour des sommes modiques (un quart du salaire minimum dans le meilleur des cas). La peine de mort est toujours pratiquée, avec 28 exécutions en 2015 (plus bas historique). (4)

En toute impunité, les industriels emploient désormais des milices privées pour ficher les activistes et agresser les militants écologistes contestant la construction de pipelines, comme la démontré la lutte contre le Dakota access à Standing Rock.

La liberté de la presse elle-même est menacée par l’introduction des algorithmes de filtrage dans le moteur de recherche de Google et Facebook qui « suppriment » les contenus arbitrairement jugés divergeant de la pensée dominante. Des sites de gauche et d’extrêmes gauches ont ainsi vu leur trafic divisé par deux en quelques semaines après l’introduction de ces robots. Pendant ce temps, la concentration des médias audiovisuels réduit la pluralité d’opinion. Ainsi le groupe Sinclaire impose à ses centaines de chaines de télévision locales une ligne conservatrice, raciste et pro-Trump. Or si aucun de ses canaux n’atteint un dixième de l’audience de Fox News ou CNN, Sinclaire totalise un audimat dix fois supérieur à ces grandes chaines nationales.  

Le droit de vote menacé

Mais c’est encore sur la question du droit de vote que l’on voit à quel point les USA basculent peu à peu dans le totalitarisme. La pratique de « suppressions d’électeurs » (voter suppression) a reçu une couverture médiatique ridiculement faible comparée à l’influence présumée de la Russie dans les dernières présidentielles. Pourtant, près de trois millions d’Américains, dont une écrasante majorité est noire ou hispanique, n’ont pas pu voter en 2016. On pourrait commencer par remettre en cause le jour du scrutin (un mardi) qui favorise largement les riches et retraités pouvant s’absenter de leur travail sans conséquences financières. Mais de nombreuses lois sont promulguées à l’échelle locale pour restreindre l’accès au vote. Ces lois, « d’une précision chirurgicale » selon le jugement de la Cour suprême de Caroline du Nord, ciblent les populations noires et hispaniques, en recourant à des techniques apparemment innocentes. L’obligation de procéder à de lourdes procédures d’inscriptions sur les listes électorales, de présenter des pièces d’identité comme le permis de conduire le jour du vote où la suppression pure et simple d’une partie des guichets dans les quartiers les plus pauvres fait partie de l’arsenal couramment déployé. Une décision de la Cour suprême de l’état du Texas a ainsi reconnu illégale les lois de 2011 qui discriminaient volontairement les noirs et hispaniques. (5)

L’autre méthode employée est de supprimer les droits civiques des personnes condamnés à de la prison, comme c’est le cas dans certains États. La guerre contre la drogue, qui se caractérise par une très lourde répression ciblée sur les petits dealers voire les consommateurs permet d’emprisonner des milliers de noirs et d’immigrants, et de les priver à jamais du droit de vote. Or les fuites de vidéos prises par la police démontrent le recours fréquent aux fausses arrestations, lorsque la police cache elle-même de la drogue dans les maisons des individus qu’elle cherche à appréhender.

Dans ce contexte, les décisions de Donald Trump d’accentuer la répression contre la drogue, de durcir les contrôles aux frontières, de traquer les sans-papiers sans prendre en compte leur casier judiciaire, de bannir l’accès au sol américain pour les réfugiés issus de six pays musulmans, la suppression du programme d’aide aux enfants d’immigrés illégaux (DACA) en pleine crise humanitaire au Texas ou sa requête de récupérer les fichiers informatiques de soixante millions d’électeurs apparait plus comme un prolongement d’une fuite totalitaire plutôt qu’un basculement.  

Sources:

1) http://www.politico.com/story/2017/08/08/trump-deportations-behind-obama-levels-241420

2) https://www.usatoday.com/story/news/nation-now/2017/03/07/wikileaks-cia-hacking-what-we-know/98849494/

3) Wikipedia (pages en Anglais)

4) Wikipedia (pages en Anglais)

5) https://www.nytimes.com/2017/04/10/us/federal-judge-strikes-down-texas-voter-id-law.html?mcubz=0

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