Lonesome cowboy (avatar)

Lonesome cowboy

Blogueur et journaliste itinérant

Abonné·e de Mediapart

56 Billets

0 Édition

Billet de blog 7 novembre 2017

Lonesome cowboy (avatar)

Lonesome cowboy

Blogueur et journaliste itinérant

Abonné·e de Mediapart

Tuerie au Texas: «it's the guns, stupid»

Cette fois c’est une église dans un petit village Texan à quarante-cinq minutes de San Antonio. Un homme fait irruption pendant la messe, vêtu d’une veste paramilitaire et armée d’un fusil d’assaut acheté légalement.

Lonesome cowboy (avatar)

Lonesome cowboy

Blogueur et journaliste itinérant

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Vingt-six morts dont une femme enceinte et plusieurs enfants, une trentaine de blessés et des familles décimées sur trois générations, le tout en quelques minutes. Le tireur poursuit ses victimes hors de l’enceinte avant d’être à son tour pris pour cible par un voisin qui vient de sortir son propre fusil. L’agresseur prend la fuite en voiture. Il sera stoppé onze miles plus loin, se suicidant d'une balle de revolver.

Premier réflexe, une pensée pour les victimes, qu’on exprime via tweeter ou dans notre intimité. Immédiatement après surgit la question de l’identité du tueur.

Puisque, cette fois-ci encore, il s’agit d’un homme blanc, on ne parlera pas de terroriste, mais de meurtrier. Pas de radicalisé, mais de malade mental. Et donc pas d’attentat terroriste, mais de « tuerie de masse ».

Puisque le meurtrier-psychopathe n’est pas musulman, on n’exigera pas des mesures drastiques contre l’immigration, comme ce fut le cas suite à l’attentat de New York. Cette fois, Donald Trump et Fox News, le Wall Street Journal et les médias d’extrême droite ne parleront pas de renforcement des frontières. Il ne faut pas « politiser la tragédie » diront-ils. Tout comme il ne fallait pas parler de réchauffement climatique pendant les incendies californiens et les ouragans Harvey et Maria. Seules l’émotion et la compassion auront droit de cité.

Pour la gauche, par contre, le coupable est idéal. Blanc, un ancien militaire radié de l’air force pour mauvaise conduite, condamnée à un an de prison pour violence conjugale et connue des services sociaux comme mentalement instable. Il achète son fusil d’assaut légalement dans un magasin de sport de San Antonio. Au Texas, les lois sur le port d’armes sont parmi les plus souples du pays.

Après une attaque aussi sanglante, alors qu’un blanc tue des blancs dans un village sans histoire comme il en existe tant aux USA, alors que la communauté touchée représente un archétype de l’électeur républicain, on a envie de croire que les consciences vont évoluer sur la question du port d’armes.

Et pourtant, un rapide tour de table avec mes collègues ce midi a achevé de m’ôter toute illusion. Comme souvent, entre les progressistes et les conservateurs, les électeurs de Trump et les autres, un mur se dresse.

Quelques minutes avant que la tragédie n’éclate, Donald Trump se félicitait sur twitter, depuis le Japon : « je viens de permettre au Japon et à la Corée du Sud d’acheter une quantité substantiellement plus importante d’équipement militaire ultra perfectionné auprès des États-Unis ». Des armes pour se défendre contre un ennemi que Donald Trump n’a de cesse d’antagoniser, la Corée du Nord.

Interrogé sur la tuerie, il répondra, après les condoléances et bons sentiments d’usage, qu’il s’agit d’un problème de troubles mentaux, un problème psychiatrique, pas d’arme à feu. Avant d’ajouter « heureusement que d’autres personnes sur place avaient des armes pour répliquer, sinon cela aurait pu être bien pire ».

En février 2017, Donald Trump avait signé un décret pour annuler le texte de loi d’Obama qui visait à interdire l’accès aux armes à feu aux personnes atteintes de maladies mentales. Une disposition qui aurait empêché le tueur de se procurer son fusil d’assaut.

Après la tuerie de Las Vegas, le Congrès a finalement autorisé la commercialisation des silencieux et refusé de voter le texte de loi qui devait interdire les convertisseurs d’armes semi-automatiques en automatique, un dispositif se plaçant sur la gâchette et ayant permis au terroriste de Las Vegas de tirer dix fois plus de coups par minute. Le fait qu’une majorité d’Américains, y compris chez les républicains, désapprouvent ces choix politiques aurait probablement une importance si les États-Unis constituaient une démocratie. Ici, non.  

Mais ne riez pas, en France, nous avons bien donné aux terroristes exactement ce qu’ils voulaient en dissolvant l’état de droit dans un état d’urgence permanent. La bêtise est contagieuse, et le cynisme un atout en politique.  

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.