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Billet de blog 14 février 2017

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L’Esprit Public de France Culture, pro FN ?

Derrière ce titre provocateur, une triste réalité. En refusant le pluralisme des opinions et en défendant de manière aveugle l’idéologie néolibérale du prétendu réel, voici que ce monument d’émission du service public se trouve incapable d’expliquer les changements actuels, et semble prendre implicitement parti pour Marine Le Pen.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 Depuis les États-Unis, l’émission politique hebdomadaire de Philippe Meyer permettait de faire le point sur l’actualité vu depuis la France de façon efficace et éclairante, malgré l’orientation « centre droit » que Thierry Pech peinait à contrebalancer.

 Cependant, cette période électorale démontre semaine après semaine le glissement idéologique de l’émission, dont l’incapacité à faire son autocritique révèle l’étendue du niveau d’aveuglement atteint par ses participants. S’ils font encore preuve d’une pertinence certaine en matière de politique étrangère, en particulier sur les questions ayant trait aux États-Unis, leurs analyses de la situation intérieure atteignent désormais le degré zéro de pluralisme et de compréhension politique.

 Le point de non-retour semble avoir été franchi lors de l’émission du dimanche 12 février. Interrogés sur l’état du paysage électoral à deux mois de l’élection présidentielle, les invités paraissaient saisis d’une profonde panique qui seule pourrait expliquer le niveau de leurs interventions.

 Jean-Louis Bourlanges ouvre en proclamant le libéralisme économique comme valeur fondamentale de notre société, au même titre que le respect des individus et la Déclaration des droits de l’Homme. Assimilant Mélenchon et Hamon à la gauche radicale, malgré les prises de position successives de ce dernier pour se ranger derrière le gouvernement, il confirme dès les premières minutes ce qui marquera l’ensemble de l’émission, une incapacité totale à appréhender le mouvement de la France Insoumise.

 Nicole Gnesotto enchaîne en taxant à trois reprises Benoît Hamon de rêveur et d’irréaliste. Voilà donc nos éminences de l’Esprit Public qui rejoignent l’éditocratie people en refusant de considérer toute offre politique sortant du cadre ordolibéral comme méritant d’être discutée sérieusement. Peu importe que l’économiste Thomas Piketty se soit rangé derrière Hamon et que son programme économique reprenne presque mot pour mot les recommandations du FMI, puisqu’on vous dit que Hamon est un rêveur. Certes, le revenu universel et la légalisation du cannabis ne rentrent pas dans la grille de lecture de Philippe Meyer, mais tout de même. Nicole Gnessoto conclut en expliquant qu’en additionnant les voix du FN et de Mélecnhon, on arrive à 35 %. En additionnant celles de Fillon et Hamon aussi, mais cela ne lui vient curieusement pas à l’esprit. Elle ne se rend surement pas compte qu’à assimiler ainsi les candidats les plus opposés, elle cautionne le glissement des électeurs d’extrême gauche vers l’extrême droite. Un mouvement portant à l’origine de la poussée du FN, premier bénéficiaire du vote ouvrier.

 À la prise de parole de Thierry Pech, l’auditeur offusqué s’attend à une remise à plat de toutes ces têtes conservatrices. Le président du think tank Terra Nova s’était opposé seul et bec et ongles aux politiques d’austérité sur ce micro, et fort de ce succès intellectuel, aurait du prendre confiance en lui pour défendre un point de vue à contre-courant. Il n’en sera rien. S’il est le premier à soutenir que Macron a bien un programme (alors que ce dernier en annonce la sortie pour Mars) et que non, décidément, on ne peut additionner les sondages comme les carottes, il apparaît une fois de plus incapable d’aligner deux phrases ayant pour objet un candidat de gauche. Après tout, c’est lui même qui taxait Hamon d’irréaliste à ce micro sept jours plutôt. Il parvient à  faire la prouesse de démontrer qu’il ne connait rien du programme de ses deux « amis » de gauche en déplorant l’absence de propositions visant à réformer les institutions françaises pour mettre fin au climat cataclysmique qui s’empare de la vie politique du pays. Une allergie mélenchonienne, probablement, qui ne l’empêche pas de qualifier la prestation de Marine Le Pen de « redoutable ».

 Francois Bujuon de l’Étang vient confirmer ce triste tableau. D’un côté les candidats « dans le réel », comprendre qui disent des choses raisonnables (comme le fait qu’il faut plus de libéralisme et d’intégration en Europe pour retrouver la confiance des peuples) et de l’autre des rêveurs ou pire, des extrémistes.

 Mais s’il s’agissait simplement de déplorer le virage à droite définitif de cette illustre émission, certains nous accuseront d’enfoncer une porte ouverte. Non, il y a plus grave, car ce virage conduit directement à l’extrême droite.

 Philippe Meyer et ses quatre invités déplorent à longueur d’émission la défiance du peuple français, le taux d’abstention qui s’annonce inouïe, le risque bien réel que Marine Le Pen batte Fillon au second tour et plus que tout, cette vague de « dégagisme » qui s’est emparée des Français.

 L’idée de proposer une quelconque explication aux phénomènes qu’ils condamnent ne les effleure à aucun moment.

 Mais le pourraient-ils ? Eux qui ont si bien décrit les causes profondes de la victoire de Donald Trump, les voilà incapables de transposer l’analyse à l’hexagone. Pourtant, ces explications sont toutes aussi transférables que la conséquence qui les accompagne. D’où ma question, ne font-ils pas exprès d'inciter leurs auditeurs à voter Front National ?

 Tous les éléments décrits par Frédéric Lordon sont présents. Absence d’autocritique, pensée unique qui seule serait représentative du « réel », déni de considération pour les alternatives (Hamon est un rêveur irréaliste et Mélenchon est omis par la moitié des intervenants, assimilé au FN par l’autre) et désormais, une sorte de fascination morbide pour Marine Le Pen. La voilà ainsi élevée au rang de seule sortie possible à l’impasse détaillée plus haut. 

Alors, soit l’aveuglement idéologique des intervenants les empêche de voir qu’ils participent à un phénomène pourtant amplement décrit et qu’ils avaient eux-mêmes partiellement analysé lors de la victoire de Donald Trump et du Brexit; soit ils ont délibérément choisi Marine Le Pen comme moindre mal face aux rêveurs Hamon et Mélenchon.

On leur donnera raison sur un point, au train où vont les choses, en effet, Marine Le Pen sera bientôt présidente. Bel Esprit public.

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 Blogueur Politique vivant au Texas, je couvre l'actualité politique Américaine et Francaise sur mon blog personnel, et rédige des billets d'opinion sur le Club Mediapart.

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