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Billet de blog 23 février 2017

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La cohérente incohérence de Bayrou

La fausse surprise du ralliement de Bayrou déchaine les passions hypocrites de nos deux partis de gouvernement. Derrière la cohérence politique et l’incohérence de langage, cette décision présentée comme un sacrifice destiné à sauver le pays ressemble davantage à l'ultime soubresaut d'un politicien incapable de tirer les conséquences qui s'imposent.

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D’un côté, un parti ouvertement islamophobe soutient unanimement un programme de purge sociale défendu par un candidat complètement discrédité par des affaires et conflits d’intérêts aux antipodes du message qu’il est censé incarner.

De l’autre, un parti actuellement au gouvernement, dont le président sortant puis le Premier ministre ont été désavoués par ses propres électeurs, refuse de tirer les conséquences de ce double revers pour s’accrocher coute que coute à sa vision néolibérale de la politique.

Ces dernières semaines, ces deux forces ont soutenu le CETA et voté la loi qui protège les parlementaires de poursuites judiciaires. Les premiers s’accrochent à un candidat qui les a pris en otage malgré ses insoutenables casseroles dans une manœuvre qui tend plus à l’aveuglement qu’au courage politique.  Les seconds ont pris en otage leur candidat, dont l’absence totale de courage politique empêche d’exiger de son parti, pourtant au gouvernement, d’appliquer dès maintenant les principales revendications de son groupe de frondeurs.

Complètement coupés du monde, de l’époque et du peuple qu’ils aspirent à diriger, ils apparaissent comme une relique du passé, une sorte d’anachronisme qui disparaitra rapidement du paysage.

 Bayrou cohérant dans son choix ?

Dans cette période de grande confusion, toute nouvelle voix permettant d’ancrer la campagne sur quelque chose de tangible est la bienvenue. C’est le pari de Bayrou. Remettre de la cohérence dans une élection complètement folle où la seule candidature solide et sérieuse provient de la France Insoumise, dont le nom du mouvement rebutera nécessairement certains.

 Le ralliement de Bayrou apparaissait comme inévitable. Lui qui restera célèbre pour avoir osé prendre à parti Claire Chazal en direct sur TF1 en critiquant la mainmise de la finance sur le système médiatique Français, ne pouvait pas faire campagne pour un François Fillon baignant dans les conflits d’intérêts les plus inouïs qu’il soit (Axa verse 300,000 euros au couple Fillon puis François millite pour la privatisation de l’assurance maladie, on croirait lire de la science-fiction).

 Que lui restait-il comme option ? Faire cinq pour cent des voix en risquant d’envoyer le soldat Fillon perdre le second tour face à Marine Le Pen ? Ou se rallier à Macron, dont la démarche de centre droit a le mérite de ressembler quelque peu aux différents positionnements historiques du candidat girouette du Modem ?

Tant pis si notre ami béarnais critiquait encore il y a trois semaines le néolibéralisme de Macron et son action désastreuse au gouvernement, responsable de la destruction de centaines de milliers d’emplois et du creusement de la dette sans aucun résultat probant pour le Français moyen à part la perte de ses droits garantis par le Code du travail. Tant pis s’il mettait en lumière comme seul lui sait le faire les multiples collusions entre l’ancien ministre de l’Économie et les milieux des affaires qui lui apportent un soutien massif. Parce qu’il est placé au centre droit et ne s’abaisse pas aux bassesses islamophobiques des deux derniers gouvernements, Macron restait le seul choix disponible, mais sous conditions.

Les conditions intenables de l’alliance Bayrou Macron.

 Après « mon ennemi, c’est la finance », voilà donc qu’un nouveau dinosaure de la politique nous demande de faire aveuglément et doublement confiance à une alliance de circonstance. D’abord, les quatre fameuses conditions de Bayrou sont aussi floues que le discours du Bourget du candidat Hollande. L’exigence de « vraie alternance » pourrait recevoir l’approbation de n’importe quel candidat de la présidentielle. L’introduction de la proportionnelle est une des seules propositions concrètes figurant sur le site internet du mouvement En Marche ! Restent les deux conditions que sont la protection des bas salaires et l’encadrement de la vie politique, autant de vœux pieux dont le sacrifice de François Bayrou serait la seule garantie.  Aucune mesure précise ne vient accompagner ces deux exigences centrales du ralliement. Non seulement elle veulent tout et rien dire à la fois, mais quand on connait le passif de Macron qui a organisé la précarisation de l’emploi (Loi Macron I et Macron 2, ou loi Travail) et présider à la privatisation et l’obtention de marchés publics au profit des hommes d’affaires qui le soutiennent aujourd’hui, on se demande à quel point les salaires vont augmenter et les conflits d’intérêts disparaitre de la vie politique.

 Mais Bayrou a fait le choix de la cohérence…

 Vraiment ? 

 L’incohérence de Bayrou

Ce serait donc le sens du devoir national face au péril de l’extrême droite et de la droite extrême, et la volonté implacable de lutte contre les pouvoirs financiers qui aurait poussé Bayrou à l’ultime sacrifice consistant à éviter de se prendre une baffe électorale après une campagne de trop ?

 Reprenons une à une ses fameuses conditions :

1)    Pour la vraie alternance, il se rallie devant le seul candidat qui défend le bilan du gouvernement après en avoir été, sur le plan économique, le principal artisan. La vraie alternance était en réalité a chercher à la gauche de ce dernier, puisque Bayrou déplore la baisse des salaires souhaitée par la droite (39 heures payées 35, on appellera cela comme on voudra…)

2)    Pour la protection des plus faibles, il se rallie devant le farouche défenseur du CETA, du CICE et des lois Macron et Travail. Encore une fois, la cohérence aurait dû le pousser à regarder plus à gauche.

3)    Pour mettre fin aux conflits d’intérêts, en particulier la mainmise de la finance sur les médias et la corruption de la classe politique, il choisit le candidat officiellement soutenu par le milliardaire propriétaire du journal Le Monde, Pierre Bergé.

4)    Pour garantir la démocratie, il impose à Macron de suivre un de ces propres engagements, introduire « une certaine dose » de proportionnelle. Mais une fois de plus, pour une 6eme république qu’il appelait pourtant de ses vœux par le passé, Bayrou aurait dû chercher plus à gauche.

 Si Bayrou veut défendre les bas salaires, pourquoi ne pas demander une revalorisation du SMIC et des rémunérations des fonctionnaires ? S’il souhaite mettre fin aux collusions entre politiques, médias et argent, pourquoi ne pas exiger une sixième république? S’il veut une « véritable alternance » pourquoi ne pas rejoindre la candidature d’une personne n’ayant jamais exercé de fonction gouvernementale majeure.

En réalité, c’est le programme de la France Insoumise qui se cache derrière ces quatre demandes. À une exception près, l’européisme et l’approbation de la politique d’austérité à l’allemande revendiqués par Macron sont chers à Bayrou.

Donc, par souci de cohérence, Bayrou aurait surement mieux fait de s'abstenir.

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 Blogueur Politique vivant au Texas, je couvre l'actualité politique Américaine et Francaise sur mon blog personnel, politicoboy.fr, et rédige des billets d'opinion sur le Club Mediapart. 

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