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Billet de blog 4 avril 2016

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La fin de la guerre d'Algérie

Nicolas Sarkozy a eu tord de contester la date du 19 mars pour commémorer la fin de la sale guerre d'Algérie. Cette date mémorielle appartient à l'Histoire pour rappeler les sacrifices imposés aux soldats du contingent.

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La fin de la guerre d’Algérie

   A tout homme politique, serait-il ancien président de la République, il est demandé de réfléchir avant toute communication. Ce propos, je l’adresse à Nicolas Sarkozy lorsqu’il s’est prononcé publiquement contre le choix de la date du 19 mars pour commémorer le souvenir de la fin de la guerre d’Algérie en 1962, après sept années d’opérations militaires dictées par la répression contre le soulèvement du peuple algérien. Le soldat du contingent, la troupe à laquelle j’ai appartenu de 1960 à 1962 ont salué les accords d’Evian signés le 18 mars 1962 entre la France et la délégation algérienne comme le deus ex machina d’une aventure coloniale dont ils n’étaient pas partie prenante. Ces hommes, appelés ou rappelés comme en 1957 ont vu de près ou de loin tomber au combat dans des embuscades vingt mille d’entre eux. Cette jeunesse qui avait connu les angoisses et les privations sous l’Occupation allemande fut mobilisée pour une guerre qui ne portait pas son nom et, contrairement à celles de leurs pères et grands-pères, n’avait rien de patriotique.

   Nous étions des colonisateurs en Algérie depuis 1830. Cette terre avait accueilli des générations de petits français appelés déjà par le service militaire pour servir dans des opérations de conquête et de maintien de l’ordre et qui, une fois libérés de leurs obligations, choisissaient de s’établir en Algérie car bénéficiaires pour les plus humbles de conditions de vie bien meilleures qu’en France métropolitaine. Tel fut le cas de mon grand-père qui, après avoir servi comme zouave, oublia sa misère auvergnate en trouvant un emploi à l’hôpital Mustapha à Alger où naquit mon père. Ce dernier passa son enfance dans la Ville blanche avant d’être contraint, devenu orphelin, à un retour dans une Auvergne toujours aussi déshéritée et inhospitalière. Ce fut la vie algérienne que connurent Albert Camus et son instituteur, mais qui ne justifiait pas pour autant de s’approprier le statut de français d’Algérie. La nationalité algérienne revenait d’emblée au peuple arabo-musulman autochtone et à ses racines numides remontant à la guerre de Jugurtha contre l’envahisseur romain.

   Si les accords d’Evian ne mirent pas fin aux tueries en Algérie entre extrémistes des deux camps, ils suscitèrent un immense soulagement pour les hommes du contingent, les appelés qui comprirent que leurs sacrifices, bien inutiles mais acceptés sous la contrainte, avaient trouvé la conclusion qui s’imposait avec la fin de cette sale guerre. Pour la majorité d’entre eux, les combats cessaient et leur rapatriement en métropole s’organisait avec une réduction progressive de leur temps de service ramené de 28 à 18 mois, la durée légale. A eux seuls revient le droit de se prononcer sur la commémoration du 19 mars.

   Nicolas Sarkozy, mal conseillé et mal instruit sur ce que furent les sacrifices de ma génération, aurait dû réserver son jugement sans en faire une déclaration politicienne. La commémoration de ce 19 mars 2016 devant le Mémorial du quai Branly en présence du chef de l’Etat est très honorable, mais François Hollande aura attendu la cinquième année de son mandat pour se décider à ce geste symbolique. Nous devons le Mémorial du quai Branly à l’initiative du président de la République Jacques Chirac qui lui, contrairement à ses deux successeurs, avait de solides raisons pour rappeler le sacrifice de ces jeunes appelés morts pour la France dont les noms défilent en bleu, blanc, rouge sur les trois colonnes du monument. Jacques Chirac avait servi comme sous-lieutenant pendant la guerre d’Algérie.

   L’Histoire n’est pas réservée aux hommes politiques de notre pays, quelle que soit leur stature, mais aux citoyens qui en ont été les témoins directs. Nos deux présidents de la République, l’ancien et l’actuel, seraient mieux dans leur rôle en dénonçant les conséquences des campagnes d’essais nucléaire conduits par la France en Algérie et dont la catastrophe du tir Béryl dans le Hoggar, le 1er mai 1962, témoigne encore par ses retombées radioactives et son coût humain non assumé par notre pays.

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